Les avantages et vertus du jardinage sont connus depuis longtemps, mais plus que jamais, mettre ses mains à la terre et en récolter les fruits, légumes et autres petits trésors fait du bien.

Rouge, jaune, orange, noire, zébrée… Petite comme une groseille ou grosse comme un melon, la tomate se présente sous des formes et des saveurs particulièrement variées. Servie à toutes les sauces, elle se retrouve aujourd’hui dans les cuisines et potagers du monde entier. Pourtant, cette liane tropicale n’a commencé son périple autour du globe que dans un passé récent.

Savoureuse aussi bien cuite que crue, elle s’est imposée dans nos assiettes. Cependant, la tomate a longtemps été boudée et même crainte par nos ancêtres en raison de son insipidité ou de sa toxicité présumée, aux dires de l’horticulteur et passionné d’histoire Bertrand Dumont, qui s’est intéressé à son parcours dans Étonnantes histoires de légumes et de fines herbes.

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L’horticulteur Bertrand Dumont

« Connaître l’origine des plantes permet de mieux comprendre leur physiologie et leurs besoins, explique l’auteur, qui raconte l’histoire d’une cinquantaine d’espèces végétales dans un ouvrage comme on en trouve peu en horticulture. Il faut savoir que les plantes ont conservé 50 % de leur ADN d’origine. Elles gardent donc une partie de leurs caractéristiques originelles. »

Un long détour jusqu’à nous

La tomate était déjà cultivée au Pérou et en Équateur au Vsiècle, soit 1000 ans avant qu’elle ne soit exportée du Mexique vers l’Espagne par les conquistadors, puis vers l’Italie. Il faudra encore un siècle et demi avant que le nord de l’Europe s’y intéresse et la considère comme une plante potagère et non pas décorative. Au début du XIXsiècle, elle retraverse l’océan et fait son entrée aux États-Unis, qui comptent aujourd’hui parmi les plus gros producteurs de tomates au monde avec la Chine. Ce n’est qu’en 1850 qu’elle gagne le Québec, non sans avoir subi, entre-temps, plusieurs transformations.

Au chaud, mais pas trop

Ce fruit, sur le plan botanique, que certains considèrent plutôt comme un légume parce qu’on l’apprête comme tel, provient d’Amérique du Sud. Il croît, à l’origine, dans un milieu chaud et humide, et un sol riche. Il se met étrangement en dormance à partir de 35 °C. « Avec les canicules qu’on connaît cet été au Québec, il ne faut pas s’étonner que nos plants produisent moins », prévient Bertrand Dumont.

Déterminée ou indéterminée ?

Des tomates au port déterminé, et dont le plant est compact et buissonnant, ont été découvertes dans un champ aux États-Unis en 1914. Elles sont, en quelque sorte, une erreur de la nature, qu’on a reproduite pour des raisons pratiques. À l’origine, la tomate est une liane qui peut atteindre 40 pi de longueur et même davantage selon les climats. Elle pousse et produit de façon continue, et elle est donc indéterminée, ce qui est un avantage pour le jardinier qui peut en savourer de petites quantités sur une longue période. Pour les agriculteurs, qui préfèrent récolter plus rapidement, la tomate déterminée est plus avantageuse puisqu’elle offre l’ensemble de sa production en deux ou trois semaines. « Moi, j’ai les deux, indique l’horticulteur. Quand mes tomates déterminées commencent à sortir, je sais que je dois me réserver une fin de semaine pour cuisiner ma sauce à spaghetti. »

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On considère qu’il y a au moins 10 000 variétés de tomates de toutes tailles et de toutes formes.

Sauver le patrimoine

Certains indices laissent penser que la tomate était, au départ, toute petite, très acide et probablement jaune, ce qui lui aurait valu le nom de pomme d’or ou pomodoro en italien. Les différents climats et d’autres éléments ont fait en sorte que la plante s’est modifiée par sélection naturelle ou humaine, devenant plus rouge et plus sucrée. L’hybridation des tomates n’a commencé qu’au début du XXe siècle. On considère qu’il y a au moins 10 000 variétés de tomates dans le monde aujourd’hui.

« On peut penser qu’il y a plus 100 000 variétés qui ont été perdues. Pourquoi ? Parce qu’elles n’étaient ni très bonnes ni très belles et qu’on est tout simplement passé à autre chose », dit Bertrand Dumont. Certaines variétés en ont fait oublier d’autres. C’est le cas de la tomate longue durée, issue d’une hybridation qui a permis de créer un spécimen capable de rester 21 jours sur un comptoir de cuisine sans se dégrader, plutôt que trois. Cette révolution s’est cependant faite au détriment de la saveur.

On s’intéresse aujourd’hui davantage aux variétés ancestrales. L’hybridation a appauvri la banque génétique, ce qui fait craindre pour la survie des espèces indigènes. L’UNESCO a d’ailleurs créé une réserve au Pérou et en Équateur. « De grands centres de recherche conservent maintenant des variétés patrimoniales. Ces banques de gènes peuvent être utilisées pour l’hybridation, que ce soit en raison de leur résistance aux maladies, aux insectes et à la sécheresse, ou pour leur goût. »

Toxique, la tomate ?

Son feuillage, ses racines et ses fruits verts (non cuits) le sont. Ils contiennent une infime quantité de substances toxiques qui leur permettent de se protéger des insectes durant leur croissance, et qui disparaissent à maturité des fruits. Certaines personnes éprouvent tout de même un inconfort sur le plan digestif en la consommant, ce qui s’explique par la petite quantité d’alcaloïdes qui demeure dans ses pépins. La solution est simple : l’épépiner avant de la consommer.

Mûre à point

Toutes les plantes ont des mécanismes de reproduction. Les melons, par exemple, produisent des gaz qui les font exploser à maturité. La tomate a développé une autre stratégie : se rendre attrayante auprès des insectes ou ravageurs qui, attirés par son goût sucré, la détruisent et libèrent ses semences. Le meilleur moment pour la récolter est juste avant sa pleine maturité. Elle est alors souple au toucher, et son pédoncule se casse lorsqu’on la soulève légèrement. « On peut récolter les tomates vertes et les laisser mûrir sur le comptoir, mais elles sont meilleures au goût et à leur plein potentiel d’un point de vue nutritionnel si on les fait mûrir au soleil et qu’on les consomme rapidement. »

Comprendre le mécanisme des plantes et connaître leurs origines et leur histoire impose le respect, estime Bertrand Dumont. « 30 % des récoltes finissent à la poubelle parce qu’elles ne sont pas conformes à nos exigences, alors qu’elles sont savoureuses. Avoir plus de respect, c’est faire moins de gaspillage et mieux utiliser ces ressources. On veut que nos tomates soient parfaites, mais la nature n’est pas parfaite. Elle est en constante évolution. »

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Étonnantes histoires de légumes et fines herbes, Bertrand Dumont, Éditions MultiMondes, 283 pages.

Des variétés à découvrir

La tomate Sweet 100

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Sweet 100

La Sweet 100 est un cultivar prolifique et un peu plus hâtif. Ses tomates-cerises, rassemblées sur des grappes contenant au moins 20 fruits chacune, sont croquantes et sucrées.

La tomate-groseille ou Petit Moineau

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Tomate-groseille

Toute petite, mais résistante aux maladies, la tomate-groseille étonne à tout coup, témoigne Bertrand Dumont. Sa chair est sucrée et ses graines ont un goût acidulé.

La tomate Roma

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Tomate Roma

Son fruit, charnu et oblong, est un classique pour les sauces et les conserves.