Lorsqu’ils ont songé à quitter la ferme familiale, en 2001, Hélène Bouffard et Réal Rousseau n’avaient qu’un but en tête : s’établir dans un grand terrain au bord de l’eau. Ils ont eu un coup de cœur pour une maison baignée de soleil en bordure du lac Elgin, à Stratford. Ils étaient loin de se douter que cette transaction allait faire naître une nouvelle passion pour les vivaces (en général) et les hostas (en particulier).
Une quatrième génération a pris la ferme en main. « Il était temps de lâcher », confie M. Rousseau, qui donne encore un coup de main à son fils Jean-François, notamment dans le temps des foins. « J’ai tiré les vaches soir et matin, 365 jours par année, pendant plus de 30 ans, précise-t-il. Ici, je suis en vacances ! »
À leur arrivée dans leur nouveau logis, il n’était pas question de rester assis à ne rien faire. « Il faut rester occupé, sinon on rouille », dit M. Rousseau, qui s’est attelé à transformer le terrain. Celui-ci, séparé en deux par une route, comprend une première portion de 7500 pieds carrés devant le lac (100 pieds sur 75), où se trouve la maison. Une serre, un potager, un garage et un boisé se trouvent dans l’autre partie du terrain, de 20 000 pieds carrés (100 pieds sur 200).
Lorsqu’il trimait dur sur la ferme défrichée par son grand-père, à Lingwick, Réal Rousseau n’avait pas le loisir de s’occuper de fleurs et de vivaces. Il a repris le temps perdu. Très méthodique, il sait exactement quelles espèces se trouvent à quel endroit. Il dresse l’inventaire de toutes les plantes qu’il met en terre, photos à l’appui. Lorsqu’il les divise, il en prend note. Il fait des dessins pour se rappeler exactement ce qui borde tel chemin et ce qui se trouve dans telle platebande.
Il peut donc affirmer sans l’ombre d’un doute qu’il a 85 sortes d’hémérocalles. Il en a commandé six nouvelles par catalogue l’hiver dernier, en provenance de la Nouvelle-Écosse. Il a aussi 175 variétés d’hostas, soit 5 de plus que l’an dernier. Un ami lui a fait un cadeau et il en a trouvé quatre autres. Il n’a pas pu résister, avoue-t-il en précisant que, tous les ans, il y a un hosta de l’année. En 2020, la variété Dancing Queen a remporté les honneurs. Il les a toutes depuis la première, couronnée en 1996.
« Ce sont des plantes faciles qui ne demandent presque pas de soins, dit-il. J’apprécie leur feuillage, qui a des formes et des couleurs diversifiées. Je les trouve très belles et j’aime les varier. Quand on se rend au lac, à partir de la maison, on peut en voir 35 sortes différentes. Je fais régulièrement des changements. Je divise, je transplante. Je m’amuse. Et l’hiver, je mets mes listes à jour.
Je suis un peu maniaque. Je faisais la génétique des vaches. Je connaissais la mère et la lignée. Je fais pareil avec les fleurs. Mais je ne suis pas fort sur les annuelles, sauf les pétunias. C’est toujours à recommencer. On investit pour rien.
Réal Rousseau
Il tient sa passion des fleurs de sa mère, Yvonne Blais, et de sa grand-mère, Albertine Gaulin. À sa façon, Hélène Bouffard perpétue d’autres traditions qu’elle tient de sa propre mère, Renée-Paule Pelchat. Elle fait (entre autres) des cornichons à l’aneth, des betteraves dans le vinaigre, des confitures, du ketchup...
« Ce sont les recettes de ma mère, précise-t-elle. J’ai essayé de les changer, mais ce n’était pas aussi bon. Mon ketchup est sucré avec des tomates vertes, des oignons, du céleri et des pommes. On en donne à nos quatre enfants. On ne mange pas tout ! C’est très simple à faire. L’hiver, quand on va chercher un pot de marinade ou de confiture, c’est gratifiant. On sait ce qu’on mange. »
Un potager bien garni
Il faut préciser qu’Hélène Bouffard et Réal Rousseau n’ont qu’à traverser la rue pour se rendre dans leur potager, qui regorge de tomates, piments, concombres, laitues, radis, épinards, choux, carottes, navets, patates, etc. Un abri Tempo, que Réal Rousseau a récupéré, sert de serre. Sa femme, elle aussi habile de ses mains, a cousu la fermeture à glissière, qui facilite l’aération, l’été.
« On se complète bien », souligne Mme Bouffard qui donne volontiers un coup de main à l’extérieur. Elle aide à sarcler et va récolter ce dont elle a besoin pour faire des conserves. Elle s’assure que rien ne se perde.
« Pendant le confinement, on n’a presque pas eu besoin d’aller à l’épicerie, précise-t-elle. On avait des choses dans le congélateur et plein de conserves. On ne se sentait pas mal pris. »
« Quand on sortait un bon pot de tomates, c’est comme si elles venaient d’être cueillies dans le jardin », renchérit son mari, dans un grand éclat de rire.
Tous deux, de fait, ont ri tout au long de la rencontre. Mariés depuis le 1er juillet 1972, leur vie au bord de l’eau leur va bien.