Source de fraîcheur et de bien-être, la végétation souvent abondante en région manque parfois cruellement en ville. Résultat : les citadins ont soif de verdure et sont prêts à payer plus cher une propriété dans le but de bénéficier d’une bouffée d’oxygène.

Une belle terrasse, des arbres qui créent un bel effet visuel ou un aménagement paysager qui maximise l’intimité peuvent peser dans la balance de la négociation et suffire à séduire certains acheteurs.

C’est le cas pour Virginie Fortin, qui a décidé d’acheter la maison qu’elle habite depuis un moment dans le Plateau Mont-Royal parce que cette dernière est dotée d’un jardin. « S’il n’y avait pas eu de cour, je ne l’aurais pas achetée. Ça m’était égal de payer plus pour ça », assure-t-elle. L’espace était moyennement aménagé à ce moment-là, mais elle envisageait déjà de l’améliorer.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une petite forêt crée un écran naturel entre Virginie Fortin et son voisin. D’autres arbres mis en pleine terre ou en pot habillent la cour et lui apportent de la fraîcheur.

« C’est une cour de 600 pi2 qui est tranquille parce qu’il n’y a pas de ruelle à l’arrière. À droite, j’ai un mur de brique, c’est complètement intime. À l’arrière, j’ai un triplex, mais les gens sont rarement là, et à gauche, mon voisin n’est jamais dans sa cour. J’ai engagé un architecte-paysagiste (de la firme Topia) pour faire quelque chose de créatif, avec beaucoup de verdure. On a fait des plans à deux selon mes besoins et on vient de terminer les travaux qui avaient débuté l’an dernier. C’était essentiel de faire affaire avec un professionnel, sinon il est clair que je n’aurais jamais eu un tel résultat. J’ai des amis agents immobiliers qui ont vu ma cour refaite et ils m’ont dit que je pourrais aller chercher 70 000 $ de plus si je vendais, parce qu’elle est bien aménagée en plus d’être dans un quartier recherché », informe-t-elle.

Le jardin de Mme Fortin répond certes à ses goûts et à ses besoins, mais il regroupe aussi plusieurs éléments que la majorité des gens recherchent : un bel endroit pour manger, un autre pour se détendre, un sol en ipé et en ardoise ne nécessitant pas d’entretien, plusieurs zones de verdure qui procurent intimité et fraîcheur en plus de donner le sentiment d’être à la campagne.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Détente assurée en tout temps dans ce coin lounge équipé d’un foyer au gaz et d’un mobilier confortable.

Un phénomène répandu

« Les gens sont prêts à payer plus pour une maison encadrée de haies ou de végétaux qui offrent une meilleure intimité à la propriété, constate Simon Léger, directeur des ventes et dirigeant d’agence chez Bardagi Équipe Immobilière. Les gens regardent aussi le voisinage au moment d’acheter et préfèrent avoir un environnement végétal qu’une vue sur la maison voisine. »

À Montréal comme ailleurs, les endroits les plus verts sont aussi généralement les plus onéreux. Pas pour rien que Westmount, Mont-Royal et Outremont sont parmi les quartiers les plus recherchés.

« Plus on est proche du centre-ville, plus c’est cher quand il y a de la verdure », précise le courtier.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La banquette intégrée est encadrée d’un jardin vertical. Il est planté de fines herbes et salades que la propriétaire adore récolter.

Vie communautaire et sport

Bien sûr, au cœur de la ville, les grandes cours ombragées se font rares. Les parcs deviennent donc des arguments de vente, car ceux qui habitent tout près peuvent facilement en tirer parti. « En plus de profiter de la vue, il leur suffit de traverser pour se rendre au parc, ce qui représente un atout de taille, surtout pour une famille ou pour des sportifs », avance M. Léger.

Les espaces verts favorisent en outre un certain rapprochement avec les voisins et un mode de vie plus « sain ». « Les gens veulent un esprit de communauté, se retrouver dans des parcs ou des ruelles vertes. Et puis, la culture du sport est en forte croissance, alors les espaces verts ont la cote, explique M. Léger. Avant on bétonnait tout, mais je pense qu’on ne réalisait pas l’impact environnemental ni l’impact communautaire que pouvaient avoir les espaces verts. Ça encourage un mode de vie actif, c’est plus sain et ça réduit le stress. Dans certains quartiers émergents où se trouvent des tours de condos, il y a des gens qui n’ont pas accès à un jardin et n’ont même pas un balcon assez grand pour y mettre une table ; savoir qu’il y a un parc à distance de marche aide à augmenter la valeur immobilière et à vendre le produit. » M. Léger cite en exemple le jardin Jean-Paul-L’Allier, dans le quartier Saint-Roch, à Québec, générateur d’un nouvel élan dans ce secteur défavorisé.

Le coût du vert

Simon Léger souligne qu’il est difficile de quantifier l’augmentation de la valeur d’une propriété en fonction de l’environnement végétal, mais il précise que certaines études la chiffrent de 10 % à 20 % pour une propriété située en face d’un parc.

Pour sa part, il penche plutôt vers une prime de 10 %. L’aménagement paysager privé peut aussi jouer sur le prix, à condition qu’il ne soit pas trop personnalisé. « C’est le même principe qu’en architecture et en design intérieur. Ça peut être plus difficile à vendre quand c’est trop personnalisé, car ce n’est pas au goût de tout le monde. Il vaut donc mieux rester neutre », recommande-t-il.

Les points gagnants : une belle terrasse prolongeant l’intérieur de la maison pour organiser des barbecues, un espace vert (gazon ou couvre-sol sans entretien) où sont plantés des végétaux qui poussent facilement (trèfle, fougères, hydrangées, hostas…) et au moins un arbre à fleurs, comme le lilas ou le magnolia.

Clôturer l’espace d’une haie de cèdres peut s’avérer gagnant pour isoler la propriété de la vue des voisins. Dans ce cas, il faut bien lire le certificat de localisation pour s’assurer qu’on ne plante pas sur la ligne du terrain voisin, ce qui arrive plus souvent qu’on pourrait le croire !

Un impact sur l’impôt foncier ?

La cour et sa verdure contribuent assurément à la valeur globale d’une propriété, ce qui a un certain impact sur l’impôt foncier. « Les aménagements paysagers sont une caractéristique qui participe à la valeur d’un immeuble dans son ensemble, informe par courriel Gonzalo Nunez, relationniste au Service de l’expérience citoyenne et des communications de la Ville de Montréal.

Cependant, la nature des aménagements étant plutôt équivalente d’une propriété à l’autre, il est rare que cette caractéristique vienne influencer significativement la valeur d’une propriété par rapport à une autre. »

Il précise toutefois que des aménagements d’une envergure et d’une qualité telles qu’un acheteur y accorderait une plus-value considérable pourraient se traduire par une valeur plus importante inscrite au rôle d’évaluation foncière.