Certains livres et émissions de jardinage, après avoir présenté une belle plante à découvrir, concluent toujours de la même façon : «Et n'oubliez pas de supprimer les fleurs fanées!»

Pourtant, c'est une «tâche» que je n'accomplis presque jamais et j'ai d'excellents résultats avec mes plantes ornementales. Qu'en est-il donc de cette «croyance»?

Comme tout sujet controversé, il y a déjà eu du vrai dans le principe du «vaut mieux supprimer les fleurs fanées».

À l'origine

À l'époque victorienne, les fleurs annuelles étaient très à la mode. Vous imaginez qu'elles étaient très différentes en forme et en comportement des annuelles d'aujourd'hui. Plusieurs de ces premières annuelles offraient une superbe floraison... de courte durée. Or, une annuelle ne vit qu'une seule année et doit absolument produire des semences pour assurer sa descendance. Rater sa floraison serait un désastre. La nature leur a donc fourni une porte de sortie : si la première floraison est perdue - disons, à cause d'une vache gourmande -, la plante peut produire une autre floraison (parfois même une troisième, si la deuxième génération aussi est supprimée). Les victoriens, ayant découvert cela, supprimaient rigoureusement les fleurs des annuelles, s'assurant ainsi une floraison renouvelée.

Mais cette méthode menait quand même à des périodes «entre deux floraisons» où le jardin paraissait plutôt vide, et les hybrideurs ont trouvé une autre solution au dilemme : des annuelles mutantes qui fleurissaient continuellement tout l'été sans aucune taille. De nos jours, la quasi-totalité des annuelles fleurissent tout l'été, qu'on supprime leurs fleurs ou non. Mais bien des jardiniers ne le savent pas et continuent de couper les fleurs fanées. Il reste encore quelques annuelles qui fleurissent mieux si on supprime les fleurs fanées (la lobélie érine et l'alysse odorante, notamment), mais pour les autres, ce travail n'est plus nécessaire.

Vivaces et arbustes

Voilà pour les annuelles, mais pourquoi les jardiniers s'entêtent-ils à supprimer aussi les fleurs de leurs vivaces et de leurs arbustes? C'est qu'il existe une autre «vieille croyance» qui ne veut pas mourir. Elle dit ceci : l'énergie qu'une plante met dans la production de semences l'affaiblit. D'où l'idée de supprimer les fleurs fanées avant qu'elles ne montent en graines.

Ici encore, il y a un peu de vrai là-dedans. Les bisannuelles, notamment, mettent toute leur énergie dans la production de graines et meurent par la suite. C'est ainsi qu'elles poussent dans la nature et il faut accepter cette déchéance. Aussi, certaines plantes à bulbes (les tulipes notamment) fleurissent mieux si on ne laisse pas les graines qu'elles produisent mûrir. Mais la vaste majorité des végétaux permanents (vivaces, arbustes, etc.) ont suffisamment d'énergie pour mener à bien une fructification et fleurir aussi abondamment l'année suivante. Le lilas en est un bon exemple : même si des milliers de jardiniers suppriment ses fleurs tous les ans, il ne produira pas une seule fleur supplémentaire. Pivoines, rhubarbes, pavots, etc. non plus ne donneront pas plus de fleurs l'année suivante si on supprime celles de l'année en cours.

Il reste une petite minorité de végétaux pour lesquels supprimer les premières fleurs aide à stimuler une deuxième floraison la même année. Pour les rosiers remontants, par exemple, on gagne de 5 à 7 % plus de fleurs si on supprime les premières. Et le delphinium arrive parfois à refleurir à la fin de l'été si on coupe ses premières fleurs.

Adieu oiseaux

Le plus triste dans cette taille, ce n'est pas tant le surplus d'ouvrage qu'un jardinier se crée, mais c'est qu'elle éloigne les oiseaux de nos terrains. Si on coupe les fleurs fanées, il n'y a plus de graines ni de fruits. Que voulez-vous que les oiseaux mangent? Le jardinier ornithologue découvrira rapidement que moins il taille, plus il attire les oiseaux.

À vous de décider si oui ou non vous vous donnez la peine de supprimer les fleurs fanées de vos végétaux, mais au moins vous savez maintenant à quoi vous en tenir.