Coccinelles contre les pucerons des rosiers, coupelles de bière pour noyer les limaces, binage des allées pour éliminer les mauvaises herbes: jardiner sans pesticides c'est possible comme l'expliquent plusieurs campagnes en faveur des alternatives à ces produits chimiques.

En France, Générations Futures lance dimanche sa 6e «Semaine pour les alternatives aux pesticides» (20 au 30 mars). Le ministère de l'Écologie renouvelle, lui, sa campagne «Les pesticides, apprenons à nous en passer», inscrite dans le cadre d'Ecophyto 2018, qui vise à réduire de moitié les pesticides d'ici là.

Mais il reste encore beaucoup à faire: seuls 32% des 17 millions de jardiniers amateurs en France estiment les pesticides dangereux tandis que 20% les qualifient d'inoffensifs, selon une étude Jardivert de 2010, publiée récemment par le ministère de l'Ecologie.

«Les comportements sont difficiles à changer, le jardinier amateur n'a pas conscience forcément d'utiliser un produit qui peut être toxique», explique un expert du ministère. «Et puis il n'a pas conscience non plus des risques et dangers lorsqu'il met double dose de pesticides pensant qu'il aura un plus beau jardin.»

Un peu moins de 5000 tonnes de ces produits phytosanitaires sont répandues chaque année dans les jardins et potagers amateurs, selon le ministère, sur un total de 65 000 tonnes utilisés par la France, ce qui la classe au 1er rang européen. Comment expliquer la persistance de cet engouement? Les jardiniers amateurs n'ont souvent pas beaucoup de patience et «avec les produits phytos le résultat se voit tout de suite», précise Yannick Bailly, patron des «Jardins bucoliques», petite entreprise d'aménagement et entretien paysager de Maisons-Laffitte (Yvelines) adepte des produits bio et alternatifs.

Autre argument, le coût. «Les produits bio c'est bien mais c'est cher», note-t-il. «Il m'arrive d'expliquer qu'il vaut peut-être mieux arracher une plante malade et en acheter une nouvelle pour 20 euros plutôt que de l'asperger de produits chimiques qui coûteront plus chers.» D'autres méthodes alternatives, «celles de nos grand-mères, fonctionnent mais ça prend du temps», ajoute le paysagiste. Au lieu de tuer les limaces avec des poudres nocives pour les hérissons, des coupelles de bière feront l'affaire.

«Lâchez des coccinelles sur les rosiers infestés de pucerons et elles mangeront tout, on peut aussi planter de la citronnelle ou traiter au savon de Marseille», recommande-t-il. L'association «Jardiniers de France» (180.000 membres) publie un guide pour se passer des pesticides: binage, paillage de bois broyé et de compost pour mieux gérer les plantes envahissantes, tomates plantées avec des oeillets d'Inde qui ont une action répulsive sur les pucerons.

La ville de Paris, qui applique des méthodes douces, a réduit de 90% les pesticides dans les espaces verts depuis 2001. Sur la soixantaine de jardins partagés, gérés par les particuliers avec l'aide de la ville, «53 n'utilisent pas de pesticides, un moyen d'expliquer une autre façon de jardiner en préservant la biodiversité», selon l'adjointe au maire Fabienne Giboudeaux. Cela vaut en particulier pour les abeilles, sentinelles de l'état de l'environnement. «On constate que les abeilles se portent mieux en ville, malgré la pollution, que dans les grandes zones de cultures où elles sont confrontées à de nombreux pesticides», souligne Henri Clément, ex-président de l'Union nationale de l'apiculture française. À Paris, avec ses 300 ruches, le taux de mortalité des abeilles est inférieur à 5% par an alors que dans les campagnes il est de 30 à 40%.