«Même si ce n'est pas assez tôt, il n'est pas trop tard pour bouger», dit le président de l'Association des paysagistes professionnels du Québec (APPQ), Mehdi El Gaïed.

«Même si ce n'est pas assez tôt, il n'est pas trop tard pour bouger», dit le président de l'Association des paysagistes professionnels du Québec (APPQ), Mehdi El Gaïed.

«Si vous passez contrat maintenant, il est probable que les travaux soient complétés et la pelouse posée à la mi-juin. Avant, ce serait surprenant», continue M. El Gaïed. Car le carnet de commandes des paysagistes est très chargé. En effet, dans le sillage du boom immobilier de ces dernières années, un grand nombre de particuliers ont, l'automne passé, «réservé leur date».

«Nous constatons que, pour les gros chantiers, les gens s'y prennent tôt», fait-il savoir. Cependant qu'en octobre et en novembre, des travaux préparatoires ont été faits chez plusieurs d'entre eux.

Espérer sa pelouse et ses plantes pour juillet si on attend encore pour joindre son paysagiste est, d'après M. El Gaïed, une faute d'appréciation.

Car les grosses chaleurs empêchent les paysagistes de travailler à l'aise, alors que le droit d'arrosage est limité. Sans oublier les fournisseurs de gazon qui, passé quatre ou cinq jours consécutifs de sécheresse, ne peuvent ni découper, ni rouler la pelouse pour livraison.

L'an passé, les paysagistes ont été si occupés et la demande si forte que les fournisseurs en ont manqué, se souvient le designer paysagiste Gaëtan Chevalier (Les Consultants horticoles inc.), de Saint-Augustin-de-Desmaures.

Il a fallu compter sur l'Ontario pour les approvisionnements, tandis que 24 à 48 heures ne suffisaient plus pour passer une commande. Il fallait, selon lui, s'y prendre une semaine d'avance.

«Bref, il est grandement temps de joindre son paysagiste pour discuter de son projet et de fixer la date des travaux», insiste M. El Gaïed, qui est aussi vice-président du service d'aménagement paysager chez Teronet, à Pintendre.

Cartésien

Gaëtan Chevalier est d'avis que le couvert de neige n'empêche pas les «concepteurs de beaux paysages» de réfléchir au projet que vous auriez. «Ils ne voient pas le sol, d'accord. Néanmoins, ils peuvent s'inspirer de quelques photos, du certificat de localisation, d'observations a priori du terrain, des accents architecturaux de votre maison et de l'environnement général du quartier», explique M. Chevalier, qui, du reste, est d'ailleurs présent au Salon Expo Habitat qui a lieu jusqu'à demain au Centre de foires de Québec.

Si votre maison est d'esprit urbain, l'aménagement de votre cour sera assez cartésien. Mais si elle est de style canadien ou champêtre, l'aménagement s'apparentera à un paysage sauvage dans lequel évolueront des sentiers faits de pas en ardoise et où paraîtront - tout comme si elles avaient toujours été là - de grosses pierres de calcaire, de silice ou de granit.

Puis, pour relever tout ça, quelques plates-bandes, un coin lecture, du fer ornemental, une pergola, une fontaine surmontée d'une sculpture et une rivière dont le lit, souligné de graminées, sera à l'eau claire ou desséché selon que des eaux pluviales ou de drainage y soient ou non acheminées. À moins qu'on y mette un étang de baignade «exotique» à température contrôlée (prix : de 3000 $ à 7000 $) qui, comme le croit M. Chevalier, n'aurait rien à envier à une piscine.

Et s'il y a un muret, il sera naturalisé de plantes et de fleurs aussi bien qu'un rocher qu'il aura été impossible de déloger.

Un mois minimum

«En fait, il faut près d'un mois pour la définition du projet, le choix des matériaux et des plantes», poursuit M. El Gaïed, qui, du reste, est ingénieur civil et détenteur d'une maîtrise en génie de la construction.

Et même plusieurs mois, renchérit M. Chevalier. Dans des projets de grande envergure spécialement, il faut que les besoins soient entièrement soupesés, la topographie et l'environnement soigneusement étudiés, les équipements judicieusement choisis et solidement implantés, de sorte que «la beauté des lieux, avec le temps, ne se démente pas».

Tout cela se traduit d'abord par des plans détaillés. On n'en est pas encore aux photos numériques représentant le jardin tel qu'il sera dans sa réalité objective.

Car, à la connaissance de M. Chevalier, les logiciels ne sont pas encore assez précis pour accorder avec vraisemblance l'aménagement et ses subtilités à la configuration exacte du sol.

La cour d'abord

«Comme le cocooning passe dans la cour, c'est celle-ci que les particuliers aménagent en tout premier», jure le président de l'APPQ. Depuis quelques années, en effet, on n'est plus pressé d'embellir l'avant de la maison «pour afficher sa fierté».

Des clients embelliront ou s'équiperont en fonction de leur piscine ou de leur spa. Jusqu'à mettre sous le trottoir reliant la maison et le spa du chauffage radiant afin de circuler à l'aise l'hiver. «Puis il y a les autres qui sont épris de coins tranquilles, de terrasses, de kiosques, de cascades, de plates-bandes, d'arbres tels le prunier ou le pommetier pour attirer les oiseaux», énumère M. El Gaïed. Sûr de lui, il ajoute: «Toutes ces gens veulent les formes les moins carrées possible.»

D'autres qui ne peuvent voir «resplendir leur jardin le jour», en raison de leurs occupations qui les tiennent loin de la maison, voudront l'éclairer sobrement la nuit et y prendre quelques instants de repos.

Par ailleurs, comme on aime le bois dans la maison, on le réclame aussi dans la cour. Le vice-président de Teronet dit que les pergolas, gazébos, pavillons, écrans en carreaux ouverts ou en treillis, dont la verticalité, comme les arbres matures, donne de la profondeur au jardin, sont plus populaires que jamais.

Ardoise

M. Chevalier convient de la tendance selon laquelle on cherche à donner aux terrains - quand bien même ils seraient plats - une forme naturelle. Ce, en créant ici et là des ourlets ou des buttes.

«La terre de déblayage d'une terrasse qu'on aura créée à même le sol pourra être récupérée pour la formation de monticules. Alors que l'eau pluviale peut être amenée dans le lit d'une fausse rivière, à moins que ce soit pour irriguer un îlot de jardin aquatique ou un marais filtrant», suggère le designer paysagiste.

Il constate, d'un autre côté, que l'ardoise joint la cour pour former des allées, des rosaces, des demi-lunes, des terrasses en damier avec jeux d'ombre et de lumière. Si la pierre de silice ne donne pas sa place, la pierre naturelle de l'Inde (rosée, vert émeraude, bleu glacier) prend du galon. Sans oublier les pavés de ciment - parfois de grande taille comme les Bergerac de Permacon - aux textures et tons d'ardoise, de granit non poli ou autre.

Mais ces matériaux, tout beaux qu'ils soient, ne doivent pas l'emporter sur la végétation. Ils la marquent d'un trait discret. Encore que ce trait, dit M. Chevalier, doive avoir la légèreté et la poésie d'une courbe organique.

Un montage d'ardoise, installation comprise, peut coûter 18 $ le pied carré; de pierres de l'Inde, 14 $; de pavés de ciment, 12 $. Le designer pense qu'on peut insérer de la pierre dans les entrées de cour ou de garage et même reproduire dans le pavé uni une rivière sèche.

Enfin, jamais on ne doit «marchander» un aménagement paysager au mépris de la qualité.

«Un aménagement frais fait est sublime. Même s'il est à petit prix. Encore faut-il qu'il tienne structurellement longtemps. Il ne faut donc pas se laisser emporter par le rêve des plantes et des couleurs. Il faut prendre égard à la solidité des ouvrages», plaide M. Chevalier.

Il y a des entreprises prêtes à couper leurs prix au détriment de la qualité, met en garde le président de l'APPQ.

«Payer 20 000 $ voire 30 000 $ pour un projet et que des ornières soient visibles dans l'entrée de garage, que le socle d'un ouvrage craque ou que le pavé gondole au bout d'un an est un non-sens», met-il en garde. Dans ce cas, le cauchemar succède au rêve.

Faites donc affaires, recommande-t-il, avec des entreprises consciencieuses et, de préférence, membres de l'APPQ auxquels est interdit tout travail contraire à la qualité.

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Association des paysagistes professionnels du Québec: 418-653-8181 ou 1 888 872-9724

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