Le petit paquet de plumes, d'à peine quatre ou cinq grammes, a trouvé le couvert, depuis le 12 novembre, chez Yvan Bernier qui l'a aperçu en train de se nourrir à sa mangeoire à colibri. Une mangeoire chauffée pour éviter que le précieux liquide ne gèle. Grand amant de la faune ailée, comme on peut le constater, M. Bernier a signalé sa trouvaille sur le site Internet Les oiseaux du Québec de l'Association québécoise des groupes d'ornithologues (www.aqgo.qc.ca).

Le petit paquet de plumes, d'à peine quatre ou cinq grammes, a trouvé le couvert, depuis le 12 novembre, chez Yvan Bernier qui l'a aperçu en train de se nourrir à sa mangeoire à colibri. Une mangeoire chauffée pour éviter que le précieux liquide ne gèle. Grand amant de la faune ailée, comme on peut le constater, M. Bernier a signalé sa trouvaille sur le site Internet Les oiseaux du Québec de l'Association québécoise des groupes d'ornithologues (www.aqgo.qc.ca).

Il a d'abord cru qu'il s'agissait d'un colibri à gorge rubis qui avait retardé son départ. (Au Québec, le départ le plus tardif de l'espèce pour le Sud est le 16 octobre.)

Un expert s'est donc déplacé pour aller observer le grand retardataire. Surprise! Ce n'était pas un colibri à gorge rubis, la seule espèce d'oiseau-mouche présente au Québec, rappelons-le. Le colibri égaré nous arrive de la lointaine côte Ouest et il s'agit d'une femelle adulte. Depuis, des dizaines d'amateurs d'un peu partout au Québec sont allés à sa rencontre. En fin de semaine

dernière seulement, une centaine d'entre eux se sont présentés chez les Bernier pour observer leur protégé.

De la visite exceptionnelle, vous disais-je. Le colibri d'Anna, en est à sa première visite au Québec. Sa présence n'a jamais été signalée non plus en Ontario, et il s'agit d'une espèce extrêmement rare à l'est de la côte du Pacifique. Pendant longtemps d'ailleurs, le colibri d'Anna a été un nicheur exclusif à la Californie où il reste l'oiseau-mouche le plus familier. Mais depuis quelques décennies, la population nicheuse a pris un peu d'ampleur

vers le nord, surtout à la suite de plantation de plantes exotiques décoratives, notamment des agaves, des eucalyptus et du tabac arbustif, une de ses principales sources de nectar. L'hiver, il s'alimente aux fleurs d'eucalyptus. Selon Environnement Canada, la population canadienne compte à peine 500 couples localisés dans le sud de l'île de Vancouver et quelques-uns dans la région

immédiate du Grand Vancouver.

Un oiseau-mouche insectivore

Le colibri d'Anna fait figure d'exception dans le monde des colibris aux États-Unis et au Canada. Il est, en effet, le seul à ne pas migrer massivement au sud de la frontière mexicaine au cours de l'hiver, même si quelques-uns peuvent hiverner dans les États limitrophes de la Californie, notamment en Arizona,

au Nouveau-Mexique et dans l'État mexicain de la Basse-Californie.

Il niche parfois à la fin décembre, mais le plus souvent de février à la mi-mai, et élève souvent deux couvées par année, soit quatre petits. À la suite de la nidification, il se disperse le long de la côte, parfois aussi loin qu'en Alaska. Il s'agit d'une des rares espèces de colibris des États-Unis et du Canada à chanter, un son plutôt discret émis à partir d'un perchoir ou même en vol.

Les colibris sont les oiseaux les plus énergivores qui soient. Ils doivent se nourrir presque constamment pour survivre. D'ailleurs de nombreuses espèces entrent dans un état de torpeur durant la nuit afin de réduire leur métabolisme et ainsi épargner leurs réserves d'énergie. Le colibri d'Anna ne fait pas exception à la règle.

Dans son ouvrage The Audubon Society of North American, l'auteur John K. Terres raconte une expérience, menée durant le mois de septembre, au cours de laquelle un spécimen avait avalé quotidiennement le nectar de 1022 fleurs de fuchsias pour survivre. Par contre, en temps normal, cette espèce mange beaucoup plus d'araignées et d'insectes que bon nombre de colibris. Comme c'est le cas de notre colibri à gorge rubis, il profite aussi du passage répété du pic maculé sur les troncs d'arbres pour s'abreuver.

Àl'instar des autres membres de cette grande famille (on compte un peu plus de 300 espèces d'oiseaux-mouches dans le monde, tous des oiseaux des Amériques), le dimorphisme sexuel est très marqué chez le colibri d'Anna. La tête et la gorge du mâle sont violettes, mais durant les rituels d'intimidation ses plumes se dressent et deviennent d'un rouge très vif en raison du phénomène d'iridescence. Chez la femelle, le dessus de la tête est verdâtre, la gorge grisâtre mais parsemée au centre de quelques plumes rouge vin.

Si le terme colibri est d'origine plutôt obscure, notre oiseau-mouche de Californie doit son nom d'espèce à Anna, la duchesse de Rivoli, femme du prince français Victor de Masséna, dont le seul fait d'armes semble d'avoir été le petit-fils d'André de Masséna, un maréchal niçois qui s'est illustré aux côtés de Bonaparte. Cette appellation, datant de 1829, est attribuée à René Primevère Lesson, un ornithologue français qui avait mis la main sur un spécimen capturé près de San Francisco.

Un avenir problématique

Évidemment, on ne saura jamais comment ce minuscule oiseau est arrivé à Montmagny. Difficile de dire aussi combien de temps il pourra résister à nos froids nordiques. Si le visiteur peut manger du nectar à sa guise, ce régime alimentaire n'est pas équilibré et risque probablement de provoquer des carences importances pour un oiseau qui doit supporter de très longues nuits sans manger. Sans oublier la menace de prédateurs, comme la pie-grièche. On a d'ailleurs vu un geai bleu poursuivre le pauvre colibri.

Guy Germain, de l'Islet, le premier photographe qui a eu la chance d'immortaliser l'oiseau, est du côté des optimistes. Un de ses correspondants en Colombie-Britannique lui a raconté que trois colibris d'Anna avaient passé l'hiver chez lui et avaient même survécu à un mois de froid intense, à une température constante de -20. Les oiseaux se nourrissaient de nectar artificiel et l'un d'eux, une femelle, s'alimentait aussi de suif en compagnie des mésanges charbonnières, une autre espèce typique de l'Ouest. Il n'en reste pas moins que la rigueur la longueur de nos hivers n'ont rien à voir avec ceux de la côte du Pacifique.

L'an dernier, grâce à des amateurs qui entretenaient des mangeoires, quelques solitaires de Townsend avaient réussi à survivre à notre saison froide, notamment à Alma. Mais cet oiseau vit habituellement dans les Rocheuses, jusqu'à 4000m d'altitude. Par contre, il y a deux ans, une paruline couronnée avait séjourné durant une grande partie de l'hiver à quelques pas du carré Viger, à Montréal, au lieu de se rendre en Floride ou au Mexique. L'oiseau était mort en mars, même s'il avait été alimenté avec des vers de farine vivants et qu'il passait la nuit dans un abri chauffé aménagé à son intention.

Au moment d'écrire ces lignes, jeudi dernier, on était sans nouvelles de notre visiteur énigmatique...

Un dernier mot: allez visiter le site Internet de Guy Germain (www.mesange.com). Vous y trouverez des dizaines de photos d'oiseaux exceptionnelles.