Que l'on ait un potager, une ferme maraîchère de 20 acres ou quelques fleurs de macadam, l'envie de sortir l'autoclave et les pots de verre est bien ancrée dans nos moeurs. Il suffit d'arpenter les marchés publics dans les premières semaines qui suivent la rentrée pour s'en convaincre.

Que l'on ait un potager, une ferme maraîchère de 20 acres ou quelques fleurs de macadam, l'envie de sortir l'autoclave et les pots de verre est bien ancrée dans nos moeurs. Il suffit d'arpenter les marchés publics dans les premières semaines qui suivent la rentrée pour s'en convaincre.

Bien sûr, il est difficile de résister à ces appétissantes tomates qui se vendent trois fois rien ou de demeurer indifférent devant un panier de 20 litres de poivrons multicolores qu'on vous offre avec le sourire pour une chanson... Mais on peut se demander qui a encore le temps de passer des week-ends entiers à laver, équeuter, peler, peser, couper, hacher, faire mijoter, stériliser et empoter des montagnes de fruits et de légumes de saison en cette époque où le temps libre n'a jamais été aussi rare.

D'après la firme de marketing américaine A.J. Riedel et l'éditrice Eleanor Hanson, de la newsletter Foodwatch, qui se spécialise dans les tendances culinaires, les fabricants des célèbres pots de verre Mason feraient des affaires d'or depuis le 11 septembre 2001. Un phénomène qu'ont aussi observé Frédérique Guilbaud et Yoland Bouchard, propriétaires de la Conserverie du quartier, dans Limoilou.

Demande accrue

«Depuis les attentats du Pentagone et du World Trade Center, nous avons noté une augmentation notable dans la demande pour nos confitures et marinades artisanales», confirme M. Bouchard, dont la microentreprise fondée en 1996 est passée d'une production quotidienne de 40 pots à quelque 2000, 10 ans plus tard, avec un assortiment de 300 produits. «Depuis quatre ans, les gens sont vraiment portés à rester à la maison, au chaud et à l'abri, et à se mitonner des repas raffinés plutôt qu'à sortir au restaurant. Ils s'offrent des confits, gelées, marinades et autres condiments pour agrémenter les plats qu'ils préparent. Mais comme ils ont voyagé beaucoup et connaissent la qualité, ils réclament aussi des produits authentiques, sans agents de conservation ou arômes artificiels.»

Identifier les tendances

Si la Conserverie de quartier profite de cette vogue sans précédent pour le cocooning extrême et les aliments «faits maison», ses propriétaires ont aussi su flairer le marché et s'adapter à une demande en constant changement. «Dans ce secteur comme ailleurs, nos clients sont à la recherche de nouveauté et de tendances émergentes, explique Frédérique Guilbaud, spécialiste des marinades, tandis que son conjoint Yoland est le maître des confitures. On recherche des parfums subtils, différents, des saveurs qui rappellent certains voyages à l'étranger.»

Inutile de dire que si les confitures de fraises et les cornichons à l'aneth demeurent des classiques, ils se sont fait damer le pion par des compositions plus originales, comme la confiture aux poires épicées et noix d'acajou, celle aux pommes et tomates, melon et abricots secs, poires, pêches et papayes, la sauce pour rouleaux impériaux à la pêche, le chow chow créole ou la gelée aux herbes de Provence.

L'entreprise fabrique aussi des produits pour une foule de marques privées: des confitures de Jean Soulard aux mélanges des Délices de l'île d'Orléans, en passant par les gelées de thé Kusmi ou les moutardes Tour Eiffel, nombreux sont les professionnels de l'alimentation qui font appel à la Conserverie du quartier pour créer leurs conserves signature.

Vivre par et pour sa communauté

Ce qui a longtemps été un passe-temps familial est devenu une petite entreprise le jour où, à 45 ans, Yoland Bouchard s'est retrouvé au chômage. Fort d'une expérience professionnelle en marketing alimentaire, il s'est attelé avec sa compagne à développer un projet qui aiderait aussi à valoriser le quartier qui les a vus grandir et où ils élèvent leur famille.

«Pour nous, la Conserverie du quartier, c'était aussi le moyen de contribuer à la relance d'un métier artisanal tout en nous donnant l'occasion de nous impliquer dans notre milieu et de contribuer à son enrichissement», fait remarquer Frédérique, dont les enfants et les neveux travaillent aussi dans l'entreprise familiale.

Chaque fois que c'est possible, les Guilbaud-Bouchard s'approvisionnent auprès des fournisseurs du coin et ils collaborent avec des entreprises du quartier, comme le groupe de réinsertion Croissance travail, qui découpe les carrés de tissu ornant les couvercles. «Si on essaie d'enlever ces imprimés pour donner un autre look à nos produits, on a droit à un barrage de protestations, fait-elle remarquer en souriant. Les gens semblent tenir à l'image un peu campagnarde et rassurante associée à nos petits pots.»

Deux livres pour réapprendre

Les confitures et marinades de la Conserverie du quartier ont aussi permis de préserver un certain patrimoine culinaire qui se perdait, en remettant au goût du jour d'anciennes recettes familiales et en aidant de nombreux clients à apprendre comment s'y mettre eux-mêmes. Le jour de mon passage, un habitué venait s'enquérir comment fabriquer une confiture de mûres qui ne tournerait pas. D'où la nécessité de publier deux livres de recettes.

«À cause de cette tendance marquée vers le cocooning, les gens sont tentés de s'essayer eux-mêmes, mais ils ne savent pas par où commencer. Les livres que nous venons de lancer ont été écrits en pensant à eux», conclut Yoland Bouchard.

Le Temps des marinades et Le Temps des confitures fournissent des recettes préférées du duo Guilbaud-Bouchard. Ils sont publiés aux Éditions de l'Homme.