La semaine dernière, je vous ai parlé de Charlie, ce goéland argenté qui attendait sur le balcon donnant sur la cuisine afin de profiter de la générosité de notre chef. Il n'était pas le seul à faire preuve d'une telle familiarité. Le mésangeai, ou geai du Canada si vous préférez, était aussi au rendez-vous tous les jours afin de grignoter quelques morceaux de pain ou de biscuit. Mais c'est surtout la présence des becs-croisés bifasciés qui m'a étonné.

La semaine dernière, je vous ai parlé de Charlie, ce goéland argenté qui attendait sur le balcon donnant sur la cuisine afin de profiter de la générosité de notre chef. Il n'était pas le seul à faire preuve d'une telle familiarité. Le mésangeai, ou geai du Canada si vous préférez, était aussi au rendez-vous tous les jours afin de grignoter quelques morceaux de pain ou de biscuit. Mais c'est surtout la présence des becs-croisés bifasciés qui m'a étonné.

Ma dernière rencontre avec ces oiseaux datait de plusieurs années. C'était en plein hiver, sur le chemin qui mène au lac Monroe, dans le parc du Mont-Tremblant. Ils étaient au beau milieu de la route à avaler probablement des grains de sable afin de faciliter leur digestion. Durant la saison froide, ils ont l'habitude de visiter les routes de campagne afin d'ingurgiter sable et sel. Peu farouches, ils sont malheureusement souvent victimes d'accidents. Ce qui n'est pas le cas dans le coin de la rivière Falaise où les routes sont inexistantes.

Durant mon séjour, des becs-croisés bifasciés sont venus régulièrement près du chalet, à trois mètres de la porte, afin de décortiquer les cônes encore fermés des mélèzes rabougris. Fait curieux, à la fin du repas et souvent au cours de la journée, ils se réfugiaient sous les camps bâtis sur pilotis, sans que l'on puisse découvrir pourquoi.

Visiteur occasionnel dans la région de Montréal, mais parfois en grand nombre, le bec-croisé bifascié (et son cousin le bec-croisé des sapins, plus rare) vit en étroite relation avec la forêt de conifères, surtout celle composée d'épinettes et de mélèzes. C'est que l'oiseau se nourrit presque exclusivement des fruits de ces arbres. Relation étroite, vous disais-je. Au cours du temps, son bec s'est même transformé en fonction des cônes. L'extrémité des mandibules supérieures et inférieures s'est recourbée et croisée d'où le nom de bec-croisé. Avec le bout de son bec, l'oiseau écarte les écales du cône et il ne reste plus qu'à saisir la graine avec la langue.

Cette spécialisation est telle que toute l'existence du bec-croisé dépend de la fructification des conifères; il nichera même en hiver pour profiter de la manne.

Selon L'Atlas des oiseaux nicheurs du Québec, son cycle de reproduction est même adapté à la production des cônes dans son habitat. Si bien que dans une forêt d'épinettes blanches et de mélèzes, il nichera habituellement de juillet à octobre et de mars à mai s'il évolue dans un habitat d'épinettes noires. Par contre, si le bois est surtout constitué d'épinettes blanches, il élèvera sa famille de janvier à avril, une période plutôt inhabituelle pour avoir des oisillons au nid. Le phénomène est identique chez les trois autres espèces de becs-croisés, aussi bien dans le nord du Canada, de l'Europe ou de l'Asie. Les mouvements de populations sont d'ailleurs attribuables à la disponibilité de nourriture dans les conifères.

De la taille d'un gros moineau, le bec-croisé bifascié niche du nord des États-Unis jusqu'à la limite des arbres, mais il affectionne avant tout les grandes forêts de résineux. L'espèce est aussi présente en Europe du Nord et en Sibérie. Comme tous les autres becs-croisés, le dimorphisme sexuel est très marqué, le mâle étant rougeâtre plus ou moins foncé alors que la femelle est plutôt brunâtre ou verdâtre parfois avec des tons de jaune.

Si son régime alimentaire est limité, le bec-croisé bifascié se nourrit aussi à l'occasion de fruits, de graines de bouleau et d'aulne, parfois de graines de sapin baumier même s'il ne semble pas apprécier la texture collante de ses cônes. Le couple élève deux nichées par année, de deux à quatre petits. Les oeufs sont habituellement couvés par la femelle à qui le mâle apporte ses repas au nid. Les oisillons sont nourris par régurgitation d'une pâtée à base de graines. Les petits peuvent prendre leur envol une semaine après avoir quitté le nid.

Curieusement, à la naissance, le bec des oisillons est droit. Ce n'est qu'une trentaine de jours après l'éclosion que les mandibules commencent à se recourber. Dans certains cas, la mandibule inférieure se courbe vers la gauche alors que dans d'autres, c'est vers la droite. Si bien que la méthode utilisée pour décortiquer un cône varie selon la forme du bec.

Quiscale rouilleux et merle en vue

Le quiscale rouilleux doit son nom à la coloration ocre de son plumage au cours de l'hiver. (Liiustration extraite de Les Oiseaux du Québec, Éd. Broquet)

J'ai fait aussi une autre belle rencontre nordique: des quiscales rouilleux, des oiseaux qu'on observe assez rarement car ils nichent surtout en forêt boréale, toujours près d'un point d'eau, souvent un barrage de castors. Beaucoup plus discret que son congénère qui cohabite avec nous - le quiscale bronzé-, le quiscale rouilleux a l'allure d'un merle noir qui, lors de mon séjour, se déplaçait en petit groupe de quatre ou cinq, de rocher en rocher dans la rivière, toujours en silence. Lors de la nidification, il fait entendre un son étrange semblable à celui d'une poulie rouillée. Pourtant, son nom de rouilleux lui vient de son plumage qui se teint lentement d'ocre à partir du mois d'août. Bel oiseau!

Figurent aussi parmi mes observations de voyage de pêche un magnifique pygargue à tête blanche adulte, un balbuzard pêcheur aperçu à plusieurs reprises, des bernaches du Canada, des plongeons huards, plusieurs espèces de canards, des sternes arctiques, de même que des juncos ardoisés, hirondelles bicolores, bruants à couronne blanche, parulines des ruisseaux, parulines rayées, roitelets à couronne rubis, mésanges à tête noire et bien sûr, un ou deux merles d'Amérique.

Pour le visiteur qui arrive du Sud, il est toujours étonnant d'observer un merle dans le Nord québécois. Évidemment, la compétition avec les autres merles n'existe plus, ce qui lui est favorable, mais le climat est beaucoup plus rigoureux, comme me le signalait tout récemment Yolande Guertin. Elle vit depuis quatre ans à Puvirnituq, le long de la côte de la baie d'Hudson et se dit toujours renversée de voir les merles arriver dans son patelin couverts de neige, en mai.

J'ai pourtant observé des merles beaucoup plus au nord, plus précisément au nord-ouest de Kuujjuak. Toujours le même cri, toujours la même surprise de ma part.

Pourtant, les vers de terre sont rares dans ces lieux de froidure. Or, pour survivre, les merles mangent tous les insectes qui peuvent passer à leur portée, de même que des fruits frais et secs, des herbes, des mollusques et probablement des petits crustacés. On en a même déjà vu capturer de minuscules poissons (des alevins) dans une pisciculture. J'ai souvent observé l'oiseau en quête de nourriture sur la rive des cours d'eau ou encore sur le bord de la mer, à marée basse. Chez les oiseaux, l'opportunisme est gage de survie.