Cette balade gourmande à l'île d'Orléans m'a poussée tout naturellement vers ces patients alchimistes que sont les producteurs de boissons alcoolisées à base de petits fruits. Cidriculteurs, viticulteurs, cassisculteurs (aimez-vous mon néologisme ?), ils ont su jouer d'audace en transformant une partie de leur culture maraîchère en alcools fins afin de lui donner une intéressante plus-value. En agroéconomie, c'est ce qu'on appelle «la production de créneau», un secteur d'avenir. Plus les années passent et plus ces artisans développent leur expertise et perfectionnent leurs produits. En voici trois, parmi les précurseurs de l'île.

Cette balade gourmande à l'île d'Orléans m'a poussée tout naturellement vers ces patients alchimistes que sont les producteurs de boissons alcoolisées à base de petits fruits. Cidriculteurs, viticulteurs, cassisculteurs (aimez-vous mon néologisme ?), ils ont su jouer d'audace en transformant une partie de leur culture maraîchère en alcools fins afin de lui donner une intéressante plus-value. En agroéconomie, c'est ce qu'on appelle «la production de créneau», un secteur d'avenir. Plus les années passent et plus ces artisans développent leur expertise et perfectionnent leurs produits. En voici trois, parmi les précurseurs de l'île.

Cidrerie Verger Bilodeau

2200, chemin Royal, Saint-Pierre

(418) 828-9316


Micheline L'Heureux-Bilodeau et son mari Benoît sont les premiers pomiculteurs de l'île à s'être lancés dans la production de cidre en 1995. «Nous avons tout simplement répondu à la demande de notre clientèle», explique Mme Bilodeau, qui me fait visiter le tout nouveau centre d'accueil des visiteurs. Il s'agit d'un bâtiment spacieux, très bien aménagé, qui permettra de faire déguster les nombreux produits de cette entreprise familiale dans les meilleures conditions possible. Car, chez les Bilodeau, on ne se contente pas de fabriquer des alcools de pommes qui ne cessent de remporter des prix dans différentes compétitions gastronomiques.

La ferme est aussi réputée pour son jus, son beurre, son sirop, ses gelées et son vinaigre de pommes. Et la fin de semaine, ils sont nombreux à s'arrêter au kiosque pour prendre en passant une des tartes maison, tellement populaires que la petite équipe a peine à suffire à la demande. Dans quelques semaines, le verger de six acres accueillera, comme chaque automne, ses premiers amateurs d'autocueillette, une autre activité très populaire chez les Bilodeau. Le choix est varié: McIntosh, Cortland, Spartan, Empire, et aussi un peu de Paula Red, cette belle hâtive bien croquante.

La production annuelle de 20 000 bouteilles comprend une gamme complète de cidres. Au mousseux fait selon la méthode champenoise

(sans ajout de gaz), s'ajoutent un cidre léger, un à base de sirop de fraise et un autre à l'érable. J'avoue un faible pour le Nectar de glace, un cidre de glace magnifiquement équilibré en sucre et en acidité, qui accompagne à merveille le foie gras et les rillettes. Enfin, le dernier-né de la famille, le Fascination, est une mistelle de pommes aux framboises, qui se sert bien froide, à l'apéro, ou en digestif.

En 1982, le couple Bilodeau achetait une grande terre sur l'Île d'Orléans. Pendant les 12 années suivantes, ils ont bâti maison et planté 3500 pommiers, montant progressivement leur petite entreprise familiale. Aujourd'hui, un tiers de la production est consacré à la fabrication de cidres et de mistelles, pour lesquels la demande a commencé à se faire sentir en 1995. «Nos clients nous demandaient de faire du cidre parce qu'ils en avaient goûté en Montérégie, où Michel Jodoin avait commencé à en produire», se souvient Micheline Bilodeau, qui s'implique à plein temps dans l'entreprise familiale depuis ses débuts. «Mais j'étais quand même un peu réticente, parce que l'aventure ratée de cidres comme Le grand sec d'Orléans avait fait une très mauvaise réputation à ce type d'alcool. La côte nous paraissait ardue à remonter».

Toujours à la recherche de nouveaux débouchés pour son verger, Mme Bilodeau décide néanmoins de faire le grand saut et s'inscrit à différentes formations intensives, notamment à l'Institut de technologie agricole de Saint-Hyacinthe, puis auprès d'Alain Caillaud, viniculteur réputé. «C'est un domaine qui exige beaucoup de minutie et de précision et où il n'y a aucune place pour l'improvisation», explique son mari, Benoît, qui vient de prendre une préretraite afin de s'investir à plein temps au verger et à la cidrerie. Et la bonne nouvelle, c'est que la relève semble assurée chez les Bilodeau, dont les deux enfants, Josée et Claude, ont toujours manifesté un intérêt marqué pour l'entreprise familiale et donnent un solide coup de main à leurs parents.

Vignoble Isle de Bacchus

1071, Chemin Royal, Saint-Pierre

(418) 828-9562


C'est Jacques Cartier qui avait baptisé l'Île d'Orléans «l'Isle de Bacchus», en raison de l'abondance de vignes sauvages qui y poussaient. Et voilà que Donald Bouchard, un passionné de vins qui habite Saint-Pierre depuis 1972, se laisse emporter par son enthousiasme et décide de planter des vignes sur sa propriété qui domine le fleuve, histoire de ne pas faire mentir la réputation que le découvreur du pays avait faite à «son» île. Nous sommes en 1982. C'est comme ça qu'est né le premier vignoble du secteur, L'Isle de Bacchus, auquel s'ajoutera bientôt celui de Sainte-Pétronille, en 1990.

Dans la belle ancestrale qui date de 1750, M. Bouchard a aussi créé un gîte du passant, «La maison du vignoble», qui porte d'autant mieux son nom que les caves à vin ont été construites à même les fondations de pierre de la maison. La première salle sert à la vinification, la seconde à l'élevage des vins. Le vignoble compte son propre laboratoire, résultat d'une expertise glanée au fil de nombreux voyages et de stages à l'étranger. M. Bouchard s'est associé avec son fils pour produire trois vins aux personnalités bien distinctes: un blanc, Le 1535, un rouge, Le Village des Entre-Côtes, et un rosé sec, Le Saint-Pierre. Faits à partir des cépages Vandal blanc, Sainte-Croix, Foch, Éona et Michurinetz, ce sont tous des vins d'assemblage, une technique que M. Bouchard privilégie parce qu'elle favorise une plus grande complexité des arômes. Le vigneron et son fils ont aussi créé un kir et un vin liquoreux, ce qui amène la production annuelle du vignoble à 16 000 bouteilles.

Le vignoble de l'Isle de Bacchus est en quatre terrasses et descend en pente douce jusqu'au fleuve, qu'il domine d'environ 30 mètres. Son orientation sud, sud-ouest, lui confère un microclimat idéal, puisqu'on n'enregistre pas de gel digne de ce nom de la mi-mai à la mi-octobre, ce qui permet aux raisins de prendre toute leur maturité avant les vendanges. M. Bouchard et son fils ont choisi de faire une taille dite guillot, à l'européenne, à 30 cm du sol. Cela permet d'utiliser la neige comme isolant des pieds de vigne l'hiver tout en aidant les raisins à mûrir au maximum en tirant parti de la chaleur du sol l'été.

Cassis de l'île ensorceleuse

721, chemin Royal, Saint-Pierre

(418) 828-1940


Bernard Monna est le premier à avoir planté du cassis sur ses terres de l'Île d'Orléans, voilà plus de 30 ans. «Mes parents m'avaient assuré qu'il s'agissait du fruit de l'avenir et m'avaient aussi rappelé que cela faisait de superbes confitures». Aujourd'hui, M. Monna, qui a vraiment des talents de visionnaire, fabrique de fabuleux vins et liqueurs fines, un peu comme son père, son grand-père et son arrière grand-père, paysans des Cévennes, avant lui. La différence, c'est que Bernard a fait sa renommée avec le cassis, ce petit fruit presque noir, terriblement goûteux, et dont les minuscules graines contiendraient de précieux gras Omega 3.

S'il est très connu pour sa superbe crème de cassis, avec laquelle on fabrique le non moins célèbre kir, Bernard Monna a aussi su créer au fil des ans deux vins apéritifs de cassis d'une qualité inégalée. Le troisième, qui s'appelle Le Capiteux, est une pure merveille et s'apparente davantage à un bon porto. Plus concentré en arômes secondaires (prune, chocolat) parce qu'on lui a ajouté de l'alcool, il a une magnifique robe presque noire qui ajoute à son charme. Je parierais ma chemise qu'il ferait un malheur avec un bon fromage bleu!

Le procédé de fabrication de ces alcools suaves est exactement le même que pour le vin, c'est pourquoi M. Monna aimerait bien que l'on puisse dire de ses liqueurs que ce sont des vins de cassis. D'ailleurs, il récolte ses petits fruits à l'aide d'une vendangeuse... À découvrir absolument, de même que le bistro La Monnaguette, que les deux filles Monna ont ouvert juste à côté des caves de la ferme et qui met en valeur avec beaucoup de talent le travail de «cassiculteur» du paternel...

Auberge Le Vieux Presbytère

1247, Monseigneur d'Esgly, Saint-Pierre

(418) 828-9723


Hugues L'Heureux et Louise Lapointe sont propriétaires de cette magnifique auberge située dans une superbe demeure ancestrale depuis plus de 20 ans. Ils offrent une cuisine régionale qui utilise abondamment les produits du terroir orléanais, avec une prédilection pour les petits gibiers et les poissons: canard confit, faisan, pintade, caribou, boeuf musqué, croustillant de pétoncles, crevettes, autruche. De la salle à manger, la vue sur le fleuve est saisissante, et le décor, extra romantique. Réservations essentielles.

Le moulin de Saint-Laurent

754, chemin Royal, Saint-Laurent

(418) 829-3888


Cette autre très belle table ouverte en saison est située dans un immeuble exceptionnel: un ancien moulin à farine du début du XVIII siècle. Comme la plupart des bons restaurants de l'Île, on nous convie à un voyage dans le temps sur le thème de la cuisine du terroir. Le menu inspiré des arrivages locaux quotidiens change toutes les semaines : poulet de grain charcutière, paume de ris de veau bordelaise, aiguillettes de rôti de sanglier, râble de lapin farci au camembert et cassis. Réservations essentielles.