Imaginez quatre petits faucons pèlerins, presque de la taille de leurs parents, quittant le nid en même temps dans diverses directions.

Imaginez quatre petits faucons pèlerins, presque de la taille de leurs parents, quittant le nid en même temps dans diverses directions.

Pour les adultes, déjà débordés par leurs tâches nourricières, cet envol est loin de signifier le repos. En plus de continuer à alimenter la progéniture toujours plus affamée, les parents doivent lui montrer à voler correctement, à chasser, à éviter les endroits dangereux, et cela durant quelques semaines encore. Heureusement, il s'agit de parents expérimentés qui en sont à leur quatrième nichée en autant d'années au même endroit.

Pour ceux qui suivent cette aventure depuis le début de la saison, notamment les membres du Club d'observateurs d'oiseaux de Laval, c'est un succès complet. L'envol de quatre faucons pèlerins du même nid n'est pas banal quand on sait que les effectifs de l'espèce sont toujours très faibles dans la vallée du Saint-Laurent. Mais dans ce cas, un des petits avait été adopté par la famille. Une adoption très réussie.

L'aventure a commencé sur un des ponts-levis surplombant la voie maritime du Saint-Laurent, en aval de la centrale de Beauharnois. Les employés chargés de la lubrification hebdomadaire des pièces mécaniques de la structure devaient affronter une femelle pèlerin qui couvait trois oeufs sur un pylône. Il va sans dire qu'elle était peu encline à fraterniser avec les ouvriers.

Comme le comportement des parents risquait de devenir de plus en plus agressif à l'éclosion des oeufs, des scientifiques ont donc décidé de remplacer la couvée par des oeufs artificiels, mettant ainsi la patience des géniteurs à dure épreuve. Cette solution avait cependant pour effet de calmer leurs ardeurs belliqueuses.

Placés en incubateur, les trois oeufs ont donné un seul oisillon (le premier oeuf était stérile et le deuxième contenait un petit mort-né). L'oisillon survivant a été confié à une femelle adoptive dans un centre de rapaces ontarien en attendant qu'on puisse lui trouver une famille d'accueil, ce qui n'est pas toujours évident.

À Laval, on avait constaté que le couple de faucons, sous observation depuis quelques années déjà, n'avait que trois petits ce printemps au lieu de quatre comme par le passé. On a alors décidé de lui confier l'orphelin, d'autant plus que le petit était du même âge que la nichée d'accueil. «Si l'oisillon est trop jeune ou trop petit par rapport à ses frères et soeurs, il risque tout simplement d'être tué.

Au contraire, s'il domine la nichée adoptive, il peut fort bien se débarrasser de ses nouveaux compagnons», explique le biologiste Pierre Bilodeau, responsable de la direction de l'aménagement de la faune dans la région métropolitaine au ministère québécois des Ressources naturelles et de la Faune.

Alpiniste expérimenté, on a d'ailleurs fait appel à ses services pour aller placer l'orphelin dans son nouveau milieu. «La manoeuvre était délicate, car le nid était situé dans une grande anfractuosité d'une paroi, environ 35 mètres plus bas que le niveau du sol. Nous avons pu déposer le petit à une trentaine de centimètres de sa famille adoptive. Et quelques secondes plus tard, notre orphelin s'avançait vers ses nouveaux amis pour bénéficier de leur chaleur. C'était touchant! Puis, nous avons assisté au repas en famille, et notre protégé n'a pas été en reste. C'était bon signe.» Mais la vraie réussite, insiste-t-il, c'était l'envol de cette semaine.

Avis aux intéressés: vous pouvez voir la présentation du faucon orphelin à la famille d'accueil sur les photos de Georges Lachaîne et Élaine Presseau, qui ont suivi l'aventure depuis le début:

https://pages.videotron.com/elaine/FauconPel.htm.

Par ailleurs, ces deux ornithologues amateurs de Laval disposent de deux sites Internet où on peut visionner une foule de photos d'oiseaux, notamment d'intéressants clichés d'hybrides:

www.aei.ca/~geolac/ et www.flickr.com/photos/georgesoelachaine.