Il n'est pas bien difficile de reconnaître, aux Îles-de-la-Madeleine, quelqu'un venu de l'extérieur d'un natif de la place. Il suffit de regarder l'état de sa maison après un hiver ou deux! L'architecture typique de ces si jolies maisons n'est pas une simple affaire de coquetterie, mais aussi de climat et de culture. Portrait - en six mots - de maisons qui en disent long sur le mode de vie d'une communauté entière.

Couleur

Les premières maisons des Îles-de-la-Madeleine auraient été décorées de teintes de vert, jaune ou rouge pour permettre aux pêcheurs de s'orienter plus facilement en mer. Et même sur la terre ferme, pourrait-on presque ajouter. « Il y a très peu de modèles de maisons différents et traditionnellement, les familles étaient regroupées avec le même nom, dans le même canton. La couleur était un atout pour se différencier du voisin », explique le designer madelinot Jean-Luc Turbide. Mais la mode des coloris vifs n'a pris son essor que dans les années 80, quand on a compris qu'elle plaisait beaucoup aux touristes. Et les touristes, ça fait rouler l'économie.

Simplicité

Oubliez les manoirs et les constructions alambiquées, la maison des Îles est relativement petite, carrée ou légèrement rectangulaire (les dimensions classiques sont de 20 par 24 pieds de côté). Elle a un étage et demi, deux tout au plus. Les fenêtres sont symétriques et abondantes puisque les étages sont divisés en petites pièces nécessitant chacune une ouverture sur l'extérieur. Selon les époques et les influences (acadienne, normande ou américaine), le toit aura deux ou quatre côtés, parfois tronqués ou avec un pignon en façade. L'ornementation se limite généralement à l'ajout d'une galerie et de "corbeaux", ces petits ouvrages de bois faisant la liaison entre les piliers de la galerie et sa toiture, d'une couleur contrastant avec le reste de la maison. Les portes-fenêtres, ça ne cadre pas ici. Les clôtures sont rarissimes.

Bois

Pas de brique, pas de vinyle, c'est en bois que l'on construit aux Îles de la Madeleine... même si l'exploitation passée a vidé les maigres forêts et qu'il faut désormais tout importer. Le bardeau de cèdre se transporte bien et il est le champion de la résistance aux intempéries, grâce à son cloutage rapproché et l'enchevêtrement de ses plaquettes. Et après une tempête, on remplacera plus facilement un bardeau qu'une plaque entière de PVC.

Vent

Faut-il le rappeler? Il n'est pas exceptionnel que les vents soufflent à près de 100 km/h aux Îles-de-la-Madeleine. De quoi faire tomber la pluie presque à l'horizontale, à lui donner la force de s'infiltrer dans les moindres interstices. Les portes s'ouvrent vers l'extérieur de la maison, plutôt que l'intérieur (pour éviter que le vent ne s'engouffre dans la maison), elles sont retenues par un ressort de métal, et intégrées dans un "tambour", un sas extérieur doté de deux portes. Les moulures des fenêtres, bien que jolies, servent surtout à assurer une meilleure isolation contre le vent et la pluie. Rien n'est laissé au hasard.

Paysages

La maison traditionnelle s'intègre bien dans le paysage et, là encore, ce n'est pas qu'une question d'esthétisme et de sobriété. Elle sera plus à l'abri du vent si elle est construite sur le flanc d'une butte, que sur son sommet ou sur une falaise, bien que cette implantation ait gagné en popularité dernièrement. Il faut dire qu'à force de construire, l'espace se fait plus restreint et le défi, dans les prochaines années, sera de veiller à préserver une certaine unité. Surtout qu'ici aussi, les bungalows et les châtelets ont eu leurs adeptes. « Les Îles sont fragiles. Il faut faire des interventions qui ne compriment pas trop le territoire pour ne pas se retrouver avec une courtepointe architecturale », prévient Jean-Luc Turbide, qui suggère d'envisager la densification de secteurs déjà bâtis et où l'incidence écologique est moindre pour préserver les plus beaux panoramas en bord de mer.

Prix

Le prix moyen de l'évaluation foncière d'une maison des Îles-de-la-Madeleine est passé de 47 199$, en 1999, à 111 692$ en 2012. Un effet collatéral de l'engouement des étrangers qui viennent ici construire ou rénover une résidence avec des moyens souvent considérables. Cela a un effet sur l'avis d'imposition. « Mais cela amène aussi de l'emploi dans la région, et je préfère voir des maisons rénovées qu'abandonnées », affirme Serge Bourgeois, chef du service d'urbanisme de la municipalité des Îles-de-la-Madeleine.