Ils ont dessiné les plans eux-mêmes et n'en sont pas peu fiers. Cent fois sur le papier, l'été et l'automne 2011, Aude Farley et Richard Hamel ont repositionné, éliminé, déplacé et replacé encore, comme des enfants qui jouent, leurs petits cartons colorés découpés à l'échelle: des rectangles en guise d'armoires de cuisine, un morceau pour l'îlot, d'autres rectangles pour les sofas du salon, et ainsi de suite. À chaque essai, ils promenaient, sur le plan, le petit carré «fauteuil roulant» et son alter ego rond, le «fauteuil-qui-pivote».

«Sur la terrasse de notre ancien domicile, avec un verre de vin blanc», précise Richard. «Nous avons tripé, ajoute Aude. Il y a eu quelques maux de tête aussi pour trouver la place des armoires de cuisine, déjà toutes préorganisées.»

Lorsqu'elle a aménagé chez Richard et sa fille Alice, il y a sept ans, dans un haut de duplex, Aude savait qu'elle était atteinte de sclérose en plaques, ce qui ne la handicapait pas, à l'époque. Son état a évolué peu à peu, de la canne aux béquilles, puis au fauteuil. «L'été 2011, monter ou descendre l'escalier était devenu très difficile pour moi. Je devais demander de l'aide pour sortir.» Le couple se lance et achète, à Montréal, un nouveau duplex, en août 2011. Pour habiter, cette fois, le logement du bas.

Scie, marteau et carillons

Pendant neuf mois, Richard, qui avait déjà démontré, dans le passé, un certain talent pour la construction, abat des cloisons, construit un agrandissement côté cour (à l'ouest) et fait la finition, en se faisant parfois aider, notamment pour les armoires de cuisine et pour le béton du plancher de la salle de bains. «Avec une scie et un marteau, je ne vois pas le temps passer, confesse-t-il, aujourd'hui. Heureusement, les cloches de l'église sonnaient à midi et à 18h. Le premier carillon me disait de manger, et le second, de rentrer à la maison.» L'agrandissement a ajouté 8 pieds sur 20 à la cuisine, portant ainsi à 1050 pieds carrés la surface du rez-de-chaussée. Aude, Richard et Alice déménagent en mai 2012.

L'autonomie retrouvée

La vaste cuisine, conviviale pour tout le monde, l'est particulièrement pour Aude. Bien installée au comptoir bas de l'îlot à deux niveaux, elle coupe les légumes aux côtés des autres convives qui discutent, les uns debouts à l'îlot, les autres attablés juste à côté. «Nous sommes ainsi tous ensemble», se réjouit-elle.

D'autres aménagements, non visibles, s'avèrent bien pratiques à l'usage. Le four à micro-ondes et le four conventionnel, tous deux encastrés à une hauteur accessible en fauteuil, sont à proximité de l'îlot: Aude peut y transférer une marmite brûlante, en la déposant d'abord sur la porte du four en position ouverte. Le même transfert en deux étapes est possible à l'autre extrémité du comptoir, où on peut caler sur un tiroir ouvert une planche à découper entaillée de deux rainures. On reconnaît sans peine les adaptations de base pour un fauteuil: le coup de pied rehaussé sous les armoires (huit pouces au lieu de quatre), un espace sous l'évier et sous la cuisinière, des interrupteurs électriques plus bas que de coutume.

Dans la cuisine, dissimulée derrière deux grandes portes coulissantes, la laveuse et la sécheuse sont surélevées, ce qui est plus pratique pour tout le monde, qu'on soit assis ou debout.

Le plancher est uni d'un bout à l'autre du rez-de-chaussée.

Grâce à l'élévateur extérieur, Aude peut maintenant sortir sans aide. «Quel bonheur de rouler sur le trottoir et d'aller faire des courses!», rapporte-t-elle avec enthousiasme.

L'achat de l'élévateur a été fait avec l'aide d'une subvention de 16 000$ du Programme d'adaptation de domicile de la Société d'habitation du Québec.

Pour ajouter la cerise sur le gâteau, Richard a réalisé un vieux rêve: stationner son véhicule près de l'entrée du sous-sol, pour y déposer sans tracas son attirail de travail. Quant à la jeune Alice, 15 ans, elle apprécie sa chambre au sous-sol et le métro à cinq minutes de marche. «Tant qu'à adapter un logement, nous l'avons adapté pour nous trois!», fait observer Aude.