Une charpente apparente, assemblée par tenons et mortaises dûment goujonnés. De facture ancestrale, la structure de bois massif n'en est pas moins neuve, et même... préfabriquée en usine! Un mariage de savoir-faire traditionnel et de haute technologie. La manière a conquis un couple de Montréal, qui l'a choisie pour sa résidence secondaire, là où se tricotent les plus beaux souvenirs de famille.

Catherine Desjardins et son mari recherchaient paix et nature pour les fins de semaine en famille, avec leurs trois enfants. Ils rêvaient d'une grande aire ouverte avec un foyer en plein centre, et de vastes fenêtres donnant sur un lac. Ils ont trouvé leur petit coin de paradis à Bolton-Est et se sont mis en quête d'un constructeur.

«Les premiers modèles très fenestrés que nous avons magasinés étaient de style trop contemporain, relatent les propriétaires. Nous voulions une maison rustique sans sacrifier les grandes ouvertures, ce que Habitation KYO rendait possible.»

L'entreprise estrienne, qui transpose en usine un savoir-faire multicentenaire, est née de l'association de Patrick Jetté, homme d'affaires diplômé en génie, et de Christian Groulx, charpentier-menuisier-entrepreneur général, tous deux désireux d'offrir des habitations de matériaux nobles et de qualité patrimoniale, «que personne n'osera jeter à terre, plus tard».

Braver les siècles

L'équipe a mis au point la préfabrication semi-robotisée de charpentes massives à tenons-mortaises (timber frame), sans aucun assemblage métallique, contrairement à la manière «poutres et poteaux» (post and beam). «C'est comme la chaise de nos grands-parents, fait observer M. Jetté. En s'asséchant, les joints de bois se resserrent, ce qui unifie et consolide la construction, tandis que le métal brise la fibre de bois.» Ses concepteurs assurent que la maison KYO traversera les siècles sans broncher, semblable à certaines pagodes japonaises, qui ont elles aussi une structure à tenons-mortaises goujonnée, toujours debout après 700 ans, sans entretien.

«Pour nous, les trois qualités d'une maison écologique sont d'être jolie - les propriétaires en prendront soin avec amour -, d'avoir un maximum de durabilité et d'être saine», résume M. Jetté.

Une des forces de KYO réside dans la conception et l'élaboration en équipe. De la première réunion jusqu'au dernier plan détaillé, tous les participants collaborent étroitement: menuisier-charpentier, ingénieurs, spécialistes en efficacité énergétique, en ventilation, en plomberie, en électricité, propriétaires, etc. «Nous pouvons ainsi chiffrer rapidement en dollars l'impact de chaque choix fait», explique Patrick Jetté.

Par exemple, dans le cas présent, le propriétaire tenait à un foyer au centre de la maison. «Pour moi, c'est ça, la campagne!», dit-il.

«Mais cette disposition, reprend M. Jetté, implique un agrandissement de quatre pieds en largeur, sinon on crée un effet de corridor. La dépense de 15 000$, conforme à un foyer sur mur extérieur, a muté en enveloppe de 45 000$, correspondant à un foyer à deux faces et à des matériaux de construction supplémentaires.»

«Nous avons changé les plans souvent, et ils nous revenaient sans tarder avec les coûts, confirme Catherine Desjardins. Cette expérience de construction, comparée à d'autres que nous avons vécues, se distingue par une planification en détail et l'absence de surprises en cours de route, donc de dépassement de coûts.»

Prix démocratisés

La plateforme de conception KYO, jumelée à la préfabrication en panneaux, a réduit de 21 à 5 le nombre de jours nécessaires au montage d'une enveloppe scellée. «Nos maisons à charpente massive tenons-mortaises deviennent ainsi concurrentielles avec les constructions conventionnelles de bonne qualité, ornées de boiseries», se réjouit Patrick Jetté. Une démocratisation des prix rendue possible grâce aux logiciels de conception tridimensionnelle, qui ont permis de monter une banque de dessins de sous-assemblés. «Pour un volume donné de maison, on a 4000 permutations possibles», affirme l'homme d'affaires. Une coquille KYO à monter soi-même peut être offerte pour moins de 100 000$.

Mme Desjardins et son mari ont fait appel à l'entreprise La belle gueule de bois pour obtenir des planchers, comptoirs et escalier en bois recyclé, oxydé par l'âge, et pour harmoniser les teintes des différents bois avec la charpente. L'escalier, lui aussi à tenons-mortaises, provient des poutres d'une maison pièce sur pièce de 150 ans. D'anciens planchers du même âge ont servi pour le dessus de l'îlot, et un vieux métier à tisser a été transformé en tabourets. Les planchers sont en bois de grange séché au four, aplani, lissé à la petite sableuse rotative pour lui conserver sa patine, embouveté, teint et fini à l'huile.

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Le foyer EPA à double face, en pierres décoratives, occupe la place centrale.

Intemporelle

La maison, certifiée Novoclimat, dispose d'un système de chauffage central à air pulsé, et d'une dalle à chauffage radiant au sous-sol. Les plafonds sont à 8 pieds et 5 pouces.

La salle de bains arbore «des tons classiques, intemporels, qui ne se démoderont pas», souligne le propriétaire: du marbre blanc et gris, un plancher de céramique blanc et noir.

Les meubles, peu nombreux, sont pour moitié des antiquités héritées des parents de Catherine Desjardins.

«Nous profitons beaucoup du plein air pendant les quatre saisons, rapporte la propriétaire: baignades, randonnées, canot, kayak, pédalo, patin, ski et ski de fond.»

Pour cette petite famille, la résidence secondaire est un lieu sans téléphone, où le téléviseur est dans le sous-sol et où les parents qui cuisinent sont tout près des enfants qui jouent ou qui dessinent. «On veut qu'ils aient de beaux souvenirs du chalet», concluent les propriétaires.