Les architectes Marie-Claude Hamelin et Loukas Yiacouvakis fréquentent Stéphanie Chevalier, chercheuse en nutrition, et son conjoint Philippe Bélanger, avocat, depuis longtemps. Cette amitié remonte à 1998, au moment où les architectes de l'agence yh2 leur ont vendu une maison. Pendant plusieurs années, les deux couples et leur jeune famille ont loué une maison de campagne pour les vacances. Mais voilà, un jour, ils ont décidé de s'unir pour en construire une dans un paysage pastoral, à Canton de Cleveland, en Estrie.

Les deux couples ont préféré participer à une aventure commune plutôt que de construire chacun un chalet. «Nous avons choisi un mode de vie moins individualiste, reconnaît Loukas Yiacouvakis. Une maison de campagne vide, n'est-ce pas un peu triste' Sans compter que nos enfants trouvent ça «plate» de se rendre dans un chalet avec leurs parents seulement. Ils veulent être entourés d'amis. D'où l'avantage d'avoir une grande maison de vacances conçue pour deux familles», résume-t-il.

Mais la cohabitation, même entre amis, peut parfois mal tourner, non' «Pas dans notre cas, répond Philippe Bélanger, car nous avions déjà loué des maisons de campagne avec Marie-Claude et Loukas au préalable. Nous avions même réussi le test ultime: cohabiter à l'époque où nos enfants étaient des nourrissons!»

Comme dans une colonie de vacances

Intitulée La Cornette, en raison de son toit élancé comme une cornette de religieuse, leur nouvelle maison s'inspire du modèle traditionnel de la maison rurale québécoise, qui pouvait héberger de grandes familles et la parenté. D'où l'aménagement de deux dortoirs (un au sud, l'autre au nord) pour les enfants et leurs amis. Dans le premier cas, les lits ont été adroitement disposés près de grandes fenêtres. Dans l'autre, ils se trouvent sous les combles. Résultat: un esprit de colonie de vacances règne dans les lieux. L'idée du grenier avec ses recoins secrets a aussi été exploitée.

«Il y a des lieux qui font office d'espaces ludiques où les enfants vont parfois dormir avec un sac de couchage, raconte Loukas Yiacouvakis. Par exemple, il y a une échelle qui mène à une plateforme au-dessus de la penderie des chambres des parents. Il y en a une aussi où mes filles aiment jouer à la poupée.» Autre endroit dédié aux enfants: une salle de jeu a été aménagée au niveau du sous-sol. Quant aux pièces de vie du rez-de-chaussée, elles sont vastes, fluides et décloisonnées, donc parfaites pour les fêtes et les dîners.

Parent moniteur, jardinier ou bricoleur

L'amitié seule ne peut garantir l'harmonie. Vivre ensemble nécessite d'édicter un certain nombre de règles, rappelle Philippe Bélanger. Sans compter que les quatre parents ont une autorité sur l'ensemble des enfants. «À La Cornette, tout le monde a son rôle à jouer et ses activités préférées, explique Philippe Bélanger. Je ne suis pas du tout bricoleur, alors que Loukas l'est. Je suis plutôt du genre moniteur ou GO et j'aime divertir les enfants en les emmenant à la pêche, faire du vélo ou cueillir des champignons. De leur côté, Stéphanie et Marie-Claude adorent s'occuper du potager et de l'aménagement paysager.»

Les avantages du partage

«Partager une maison coupe les frais de moitié», rappelle Loukas Yiacouvakis. Autre point positif: cela permet de maximiser l'utilisation d'une résidence secondaire.

Photo Robert Skinner, La Presse

Les enfants s'amusent dans le dortoir, qui est orienté au sud. Cinq matelas simples garnissent les lits superposés. Les nombreuses fenêtres cadrent une vue lointaine sur la campagne et n'incommodent pas les enfants en hiver, car une plinthe de type industriel a été installée sous la fenestration. Un «rideau» de chaleur est alors produit dans l'espacement entre le vitrage et les lits. Remarquez l'effet saisissant de continuité entre le plafond et la sous-face de l'avant-toit à pignon (de 45 degrés). Les deux éléments sont bardés de planches de pin, peintes en blanc.

Et l'intimité'

Dans cette maison, il y a des espaces communs, mais aussi des lieux individuels. Ainsi, les enfants peuvent changer de dortoir à volonté, mais chaque couple possède sa chambre privée. Ces dernières sont situées entre les deux dortoirs à l'étage où se trouve également une grande salle de bains.

Entretien minimum

Les deux familles ont déjà une propriété à Montréal et n'avaient pas envie de gâcher leurs vacances en multipliant les corvées à la campagne. Elles ont donc adopté des matériaux exigeant le moins d'entretien possible. Parmi les produits durables sélectionnés, il y a le fibrociment, un composé de ciment renforcé de fibres synthétiques. Les architectes l'ont privilégié sans finition et l'ont utilisé en guise de revêtement extérieur des murs et de la toiture.

«S'il est installé adéquatement, un panneau de fibrociment est garanti à vie contre la pourriture et la corrosion, atteste Enryck Lacoste, président de Finex, qui affirme que de tels panneaux d'une épaisseur de 12 mm valent environ 3,50$ le pied carré.

À l'intérieur, les matériaux choisis sont tout aussi résistants et, bien souvent, à l'épreuve des enfants! Ainsi, de solides panneaux acoustiques Tectum (antibruit, antipourriture...) tapissent plusieurs murs et plafonds. De l'acier inoxydable forme le plan de travail de l'îlot de cuisine, et de l'aluminium anodisé noir enveloppe notamment la cheminée et la table basse du salon. Seule exception: les parquets sont composés de longues planches de sapin de Douglas. «Il est moins résistant que le bois franc, mais nous acceptons qu'il s'abîme un peu. Cela exprime le temps qui passe», termine Loukas Yiacouvakis.

_______________________

Les coûts de construction d'une maison comparable sont d'environ 200$ le pied carré, excluant les honoraires d'architecte.

Photo Robert Skinner, La Presse

Les deux familles montréalaises devant leur maison de campagne à Canton de Cleveland, en Estrie.