Maryse Leduc a été une des premières, il y a 25 ans, à promouvoir le concept de maison saine et écologique. «Je passais pour une illuminée à lire les étiquettes!»

Cette architecte avant-gardiste, que le milieu s'accorde à qualifier de surdouée, signait récemment son 1000e projet d'une carrière consacrée aux habitations individuelles toutes catégories, rénovations incluses, avec un leadership particulier en maison de campagne et en conception de domaines privés. Entretien avec une pionnière qui nous fait avancer.

Pourquoi la santé et l'environnement, à une époque où ce n'était pas encore à la mode? «J'ai grandi dans une famille où c'était dans les valeurs de vivre sainement, répond Maryse Leduc. Ma mère se souciait de bien nous alimenter et faisait du yoga. Pour moi, c'était tout naturel de transporter les notions de santé et de plein air dans la conception de maisons.»

Il y a longtemps déjà que Maryse Leduc ne dessine que des maisons de qualité Novoclimat. «Ça n'a pas de sens de construire autrement, aujourd'hui. L'efficacité énergétique, c'est l'enjeu du siècle. Produire de l'énergie, ça pollue et ça favorise les changements climatiques. Doter une construction neuve du chauffage solaire passif, c'est élémentaire, la première chose à faire.» Viennent ensuite une bonne isolation et une bonne étanchéité, bien que Maryse Leduc se soit faite, dans le passé, l'apôtre des «murs qui respirent.» «Je n'aimais pas l'idée d'une maison emballée de plastique et munie d'un système mécanique pour amener de l'air frais, ce qu'on pourait appeler de l'air «en canne». Mais en hiver, on n'a pas le choix. Mieux vaut de l'air «en canne» que de l'air vicié. Pour l'été, je prône une ventilation naturelle. L'échangeur d'air, c'est seulement pour l'hiver.

«Dans certaines maisons, poursuit notre architecte, l'air est plus pollué que le centre-ville de New-York! À cause d'émanations dont il a été prouvé qu'elles sont cancérigènes! Commençons par une cuisine sans urée formaldéhyde. Une solution consiste à écarter les armoires et à revenir au garde-manger «walk-in» de nos grands-mères.» On s'équipe de toilettes à double chasse et d'économiseurs d'eau, on utilise de la peinture et des vernis sans COV. «S'il reste de l'argent - on ne doit pas outrepasser ses moyens-, on envisage d'autres options: récupérer l'eau de pluie, installer la géothermie, des panneaux solaires, etc.»

Plus écolo à plusieurs

Cependant, une habitation écologique dans un bel environnement, ça ne suffit pas pour cette créatrice, beaucoup nourrie d'arhitecture et d'urbanisme européens. «Il faut aller plus loin, plaide-t-elle. Il faut une mise en commun des ressources et des valeurs communes. Que les gens n'achètent pas juste un terrain mais un milieu de vie, un mode de vie.» Mme Leduc parle avec enthousiasme du projet Pohénégamook, une base de plein air rachetée par un promoteur et pour laquelle elle a dessiné, il y a cinq ans, plusieurs unités et condos avec salle de conférence et cuisinette communes, plus un seul grand quai au lieu de nombreux petits quais individuels. «C'est le modèle du camping.» Un critère important: se déplacer à pied. «Il faut des occasions et des lieux pour se croiser, pour socialiser.»

Communautés

Pourvue elle-même d'une licence d'entrepreneur, Mme Leduc assiste des promoteurs dans l'harmonisation architecturale d'un domaine et l'écriture d'une charte écologique. «C'est ça qui est beau, en Europe, l'unité architecturale.»

Chez nous, beaucoup de beaux projets ne voient pas le jour, constate l'architecte, souvent faute d'argent. Mais trop souvent aussi, les gens n'ont pas le réflexe de consulter un ou une architecte, ce qui leur éviterait «de toujours avoir à réinventer la roue», épargnerait des erreurs et apporterait une plus-value. Plus que seulement dessiner les plans, l'architecte a une expérience des relations avec les municipalités, des exigences du développement durable et des contrats de propriété.

Construire une maison est un geste public et social, conclut l'architecte. Cela a des conséquences sur l'environnement et sur un ensemble visuel. «Je souhaite toujours que mes clients vivent ce processus important comme une expérience agréable.»

Dessiner comme on respire

Maryse Leduc a 15 ans lorsqu'elle trouve sa vocation. «Je dessinais, je pratiquais la danse, la sculpture, la peinture... Je me passionnais pour Léonard de Vinci et Michel-Ange. L'orienteur m'a dit: "Tu sais qu'ils étaient aussi des architectes?"» Il n'en fallait pas plus.

Première de sa promotion au baccalauréat en architecture à l'Université de Montréal, Maryse Leduc reçoit une bourse de l'Institut royal d'architecture du Canada pour étudier les villes nouvelles en Europe, sortes d'écovillages avant l'heure. Sac au dos, carnet de croquis à la main, elle parcourt, en train et en vélo, la France, la Belgique, l'Allemagne et l'Angleterre. «Ce mouvement voulait réhabiliter la vie communautaire dans l'habitation contemporaine, résume-t-elle. J'ai commencé à lire sur l'architecture verte (baubiologie, champs électromagnétiques).» D'autres voyages de jeunesse l'amènent en Asie et au Moyen-Orient.

Femme-orchestre

Après avoir travaillé 10 ans dans une grande firme d'architectes, Maryse Leduc ouvre son propre bureau, en 1989. «Je voulais incarner dans ma pratique ma quête de la maison santé.» Femme-orchestre, elle s'occupe de tous les aspects: plans, devis, aquarelles... «J'ai eu trois enfants durant cette période, dont un atteint d'amyotrophie spinale. Alors je me consacrais à un seul projet à la fois.»

Dès ses débuts comme architecte, elle conçoit un bâtiment qui lui vaudra un prix, en 1992, de la Société canadienne d'hypothèque et de logement. On salue le fait qu'elle ait réussi à créer un environnement chaleureux comme une maison dans un centre d'accueil pour enfants handicapés, la Maison Michaël, à Val-Morin.

Aujourd'hui, le bureau de Maryse Leduc emploie sept personnes. «La relation avec mes clients dure souvent à vie. Chaque Noël, je fais un party et ils reviennent.»