Non seulement Pauline Roy-Rouillard, décédée dernièrement, a été la première femme architecte du Québec, mais elle a pressenti, à la fin des années 40, notre inclination actuelle pour le design d'intérieur, l'interaction entre la maison, qui serait un «petit paradis» pour la famille, et la nature. Sans compter la distribution ordonnée, «zen» et verte des rues.

Lorsqu'elle est devenue architecte, au début des années 40, après sept ans de formation, elle a dû jouer du coude, mais avec élégance, dans un univers masculin.

«Aux hommes, les grands projets architecturaux, aux femmes, le résidentiel, dans lequel elle a excellé. Elle avait, au reste, toute liberté d'action», constate Martin Dubois, auteur, chargé de cours à l'Université Laval, puis consultant en architecture et patrimoine de Québec.

Dans les projets résidentiels Parc Falaise, au sud-est de l'Université Laval et près de la côte à Gignac, et Parc Thornhill, au sud-ouest du Collège Saint-Charles-Garnier, derrière le siège social de l'Industrielle Alliance, elle a spécialement laissé sa marque. Il s'agit de deux secteurs bien conçus où les rues et les habitations enlacent des parcs. Là, en somme, où l'urbanisme prend part à l'architecture, l'architecture à l'urbanisme.

Les arbres devaient être nombreux, les terrains assez grands et aménagés pour vivre heureux. Les intérieurs beaux, commodes et bien arrangés. Elle y a pris part. Lors de la surveillance de travaux, pense-t-on, elle a sans doute subi, mais sans broncher ni courber, les sarcasmes de quelque entrepreneur ou chef de chantier. Elle qui ne se fâchait jamais, qui s'imposait sans en imposer, et dont la grande bonté et le bon sens en ont vaincu plus d'un.

«Elle a, en son temps, perçu notre propension actuelle au cocooning, aux dimensions vertes, enveloppantes et esthétiques de nos propriétés. Mais elle n'en a pas fait, dans son cheminement, un principe continu», pondère Marc Rouillard, son fils.

Lors d'une entrevue qu'elle accordait en 1990 à Continuité, magazine de la capitale nationale qui exalte le patrimoine et l'architecture de la région de Québec, Pauline Roy-Rouillard relie ses débuts à l'exécution de plans d'intérieur du Parc Falaise, à la suite de quoi elle s'emploie à concevoir des résidences pour le Parc Thornhill, entre autres.

Début des années 60, elle exploite son propre cabinet d'architecture. Elle a 42 ans. En 1968, elle entre au service de la Société d'habitation du Québec (SHQ). Elle y reste jusqu'en 1978.

Elle y aura joint, selon Continuité, une équipe pluridisciplinaire qui a vu à l'application du Code national du bâtiment et à la surpervision des propositions d'habitations à loyer modique (HLM).

Par ailleurs, au commencement de sa vie professionnelle, Mme Roy-Rouillard conciliait déjà travail et famille. Elle donne naissance à trois enfants, tient maison et fait carrière. En cela, elle était avant son temps. À son décès, le 5 juillet dernier, elle laissait derrière elle une fille, un fils, deux petits-enfants et un arrière-petit-fils.

Persévérer

Enfin, Pauline Roy-Rouillard a de qui retenir puisque c'est sa mère qui lui a suggéré le chemin. Elle trouvait que l'architecture contenait les mathématiques que sa fille aimait et les beaux-arts qu'elle pratiquait. Du coup, il lui fallait oser. Et pousser un peu les hommes pour faire sa place.

À un tournant décisif de sa carrière et de sa vie personnelle, elle s'investit aussi dans la peinture, l'enseignement des beaux-arts et marche sur les pas du peintre paysagiste Albert Rousseau auprès duquel elle définit sa personnalité artistique. De nombreuses oeuvres lui survivent, dans plusieurs collections privées et galeries d'art du Québec, notamment.

Selon ses confidences au magazine Continuité, la persévérance a été un des grands principes de l'architecte. Comme une longue suite. Persévérer dans de longues études, dans la conciliation travail et vie personnelle, dans l'exploitation de son propre cabinet d'architecture. En se mettant, finalement, au service de la collectivité (SHQ) sans avoir jamais cessé d'être au service de sa famille.

C'est de l'École des beaux-arts de Québec, en osmose avec celle de Montréal où elle a suivi quelques cours, qu'elle a obtenu son diplôme d'architecte. Encore que ce n'est qu'au tout début des années 60 que l'École d'architecture de Québec a été fondée, laquelle célébrera d'ailleurs son cinquantenaire en 2010-2011.

Enfin, pour Martin Dubois, une chose est claire : le passé de Pauline Roy-Rouillard est rempli d'accomplissements. «Elle fut une grande dame», tranche-t-il. Pour sa famille, elle était une femme créative, dévouée et «extrêmement» importante. Droite et athlétique, de surcroît. Mais ce qu'elle était dépassait ce qu'elle a fait, dit son fils, ému. Elle était poète aussi.





Photo: Erick Labbé, Le Soleil

L'architecte a laissé son empreinte dans le Parc Falaise, au creux de l'avenue De Monceaux et de la rue des Hospitalières, à Sainte-Foy. L'endroit était d'une grande mixité sociale.