Tout juste passé le pont Dorchester, à l'amorce de la 3e Avenue à Limoilou, on découvre à gauche, sous les arbres, un «fauteuil pour deux». De loin, on croit à un meuble laissé-pour-compte.

On approche, on tâte. Le «fauteuil» est dur et tout métal. On regarde de plus près. Un «tricot», lacéré par ci par là, de quelques milliers de petits écrous lui sert de revêtement. Un revêtement à claire-voie, d'ailleurs.

Les extrémités sont posées sur des pierres en forme de chaise. Le «fauteuil», d'un confort relatif, repose sur du solide. «Il s'agit d'une pièce de mobilier urbain», se persuade Le Soleil. Jusqu'à ce qu'il ait joint la Ville de Québec. «Non, pas tout à fait, sourit Mireille Plamondon du service des communications, puisqu'il s'agit plutôt d'une oeuvre d'art.»

C'est Le Callipyge. En hommage aux beaux postérieurs. «Il est l'oeuvre de Frédéric Caron», précise la porte-parole.

Magasinier à temps partiel au service de la commission scolaire de la Capitale, il est artiste d'abord. Puis détenteur d'un baccalauréat en arts visuels et d'un DEP en soudage et montage. Une conjugaison parfaite.

C'est à l'automne 2008 que l'oeuvre d'art a été officiellement installée. «Elle est le maillon d'une chaîne de cinq sculptures-bancs, de part et d'autre du parc linéaire de la Saint-Charles. Une sixième hélas! a été vandalisée. On la refait, en atelier. Toutes ont été mises en place en 2008 et 2009», ajoute-t-elle.

Toutes ces sculptures, d'artistes d'ici, ont été retenues eu égard à un projet de la Ville de Québec d'intégration d'oeuvres d'art public pour l'embellissement des berges de la Saint-Charles.

Rive gauche

Il n'en fallait pas plus pour que Le Soleil parte à leur découverte. En rouli-roulant. Point de départ, à Limoilou, depuis le pont-tunnel Joseph-Samson, qui joint le boulevard des Capucins. Rive gauche de la rivière.

C'est un long parc qui commence à se déployer. Rives renaturalisées, écosystèmes nombreux qu'on protège ou qu'on met en valeur, arbres très beaux, plates-bandes, buissons charmants, oiseaux - colverts, hérons et autres - , plantes aquatiques, observatoires, bancs publics dans des oasis de fraîcheur, aires de détente familiales.

Cela, jusqu'au pont Scott, à la hauteur de l'ancien hôpital Christ-Roi, là où la beauté n'a pas encore dit son dernier mot.

Une vie ne suffirait pas pour le visiter et le connaître en détails tellement nombreux sont ses nuances, ses subtilités, ses attraits. Bien que bordé de maisons, d'institutions, de commerces ou d'édifices à bureaux.

Ce parc est étroit et long. Très long. C'est pourquoi on le dit linéaire. De plus, il est dépaysant. La ville, son bitume, son béton et son fracas sont occultés.

Passé le pont Dorchester donc, Le Callipyge. La sculpture suggère la veillée sous les arbres «à Québec, au clair de lune».

Jusqu'au pont Scott, nulle autre sculpture-banc. Du temps perdu, non. Car il y a tant à voir. Stop au pont. On l'enjambe. Puis on amorce le retour sur l'autre rive. La droite.

Archipel

En aval du pont Marie-de-l'Incarnation, on aperçoit un «archipel» de quatre blocs erratiques en aluminium. On leur trouve une ressemblance avec autant de souches argentées. Le penseur de Rodin eut pu s'asseoir sur l'un d'eux. Un nid pour lire un peu, réfléchir, décider ou se guérir d'une longue peine.

Mais le sculpteur, Marc-Antoine Côté, leur a prêté des propriétés autres. Il a voulu exprimer «le côté éphémère et instable des paysages naturels». Les ondulations sur leurs flancs sont symptomatiques. Et, comme le suggère le titre de l'oeuvre, le tout reste un peu flou.

Juste un peu plus loin, sur la gauche, à la limite du parc Victoria, est couché un tronçon de frêne à l'écorce verte. Il est en béton.

Il reproduit une tranche de vie du frêne bien vivant qui s'élève à côté. Il fait penser à la chanson de Georges Brassens, Les amoureux des bancs publics. Le frêne qui lui tient lieu d'escorte, celle de Gilles Vigneault, J'ai planté un chêne.

Son titre : Suivre son cours. Un peu comme la rivière. Créatrice : Caroline Gagné, une artiste dont le rayonnement est international. Elle tente généralement «de rendre compte des traces laissées dans les espaces environnants et usuels, par des mouvements répétés et apparemment anonymes».