Je partage ma vie entre mon atelier où je travaille avec mon équipe et l'Université Laval où j'enseigne à l'école d'architecture. Ce mouvement de balancier est peu fréquent au Québec, mais beaucoup plus en Europe et aux États-Unis, où j'ai déjà enseigné et où je continue à donner des conférences où à participer à des colloques.

Je serai en Belgique et en France le mois prochain.

Après un certain temps et avec le bagage d'une vingtaine d'années, on a l'impression de pouvoir transmettre un savoir à la génération suivante.

Les architectes n'ont pas l'habitude de penser à la retraite... Pourquoi s'arrêter? On pense aux plus grands, qui ont souvent conçu leur projet phare à un âge ou la plupart des gens sont à la retraite depuis longtemps. Frank Lloyd Wright a vu s'achever le musée Guggenheim à New York à 90 ans. Oscar Niemeyer conçoit encore aujourd'hui des projets à plus de 100 ans.

 

Étonnante et fascinante, l'architecture demande du temps; maîtriser art et technique prend une vie entière.

J'aime côtoyer la soif d'apprendre que dégagent les étudiants en architecture. Ils me donnent de l'énergie et nous gardent vigilants.

Enseigner nous oblige d'une certaine façon à dépasser des limites qu'on se fixe ou que crée notre environnement.

Un regard neuf vous amène à voir plus loin et à long terme, ce qui manque à la société d'aujourd'hui, qui nous semble trop souvent rivée sur le court terme.

Un autre aspect enrichissant est d'échanger avec les collègues professeurs qui ont tous des champs de compétence multiples. Parler avec André Potvin ou Claude Demers de bioclimatique, avec Georges Teyssot de théorie, avec Carole Després de planification urbaine ou avec Marie-Claude Dubois de maison passive. Je me suis retrouvé cette semaine à discuter avec ma collègue qui a fait un doctorat à Lund, en Suède, à la fin des années 90 et a ensuite travaillé à Copenhague au centre de recherche danois sur le bâtiment avant de revenir pour enseigner à l'école d'architecture de l'Université Laval.

C'est à Lund que les professeurs Bo Adamson et Wolfang Feist ont créé le concept de maison passive en 1988.

L'idée était de réduire le chauffage de cette maison de 90 % par rapport au standard de l'époque. Comment faire pour y arriver? C'est un assemblage d'éléments conceptuels très simple.

D'abord, on pense au solaire passif. La maison est très compacte pour réduire le contact des murs avec l'extérieur. Le concept de la maison en rangée est idéal, car on réduit presque de moitié la surface de contact, donc de perte de chaleur.

La maison est orientée au sud et possède une masse interne, soit par exemple un plancher et un mur de béton, pour absorber la chaleur du soleil et réduire les écarts de température.

Ensuite, il faut une superisolation et éliminer les ponts thermiques. Pour les murs, on parle de 335 mm (13 pouces) et pour le toit de 500 mm (20 pouces) d'isolation.

On améliore aussi l'enveloppe extérieure de la maison avec des fenêtres de verre triple qui ont un bon coefficient de gain solaire, un excellent facteur de résistance thermique en utilisant un gaz à argon ou le krypton. Les cadres des fenêtres comprennent également des barrières thermiques.

On doit sceller la maison avec un pare-air pour éviter toutes les infiltrations.

Un élément technique clé : un système de ventilation avec un récupérateur de chaleur.

Le système récupère facilement jusqu'à 80 % de l'énergie. Les occupants, les lampes, le four, les ordinateurs, la télévision - appelés gains internes - dégagent de l'énergie. Ensuite, la prise d'air extérieure est préchauffée par le sol. Un conduit de 200 mm (8 pouces) sur une longueur de 40 m (130 pieds) est placé sous la terre pour profiter de l'échange de chaleur. Pour vous donner quelques chiffres, la maison standard au Québec utilise en moyenne 300 kilowatts heure par mètre carré annuellement tandis qu'une maison passive consomme autour de 55 kWh/m²/an. C'est presque six fois moins.

Une maison standard en Suède se situe autour de 130 kWh/m²/an, mais il y a d'autres facteurs à considérer.

D'abord, la maison moyenne suédoise est aussi plus petite, les écarts thermiques sont moins importants que chez nous et le coût de l'électricité est trois fois plus cher. Les Suédois, qui produisent leur électricité à partir du nucléaire, ont voté par référendum pour réduire cette source d'énergie.

Toute l'énergie que l'on ne consomme pas, on n'a donc pas à la produire!

La société suédoise a aussi une tradition d'excellence et une vision à long terme. Une maison est construite pour un siècle. Je vous ai parlé lors de ma dernière chronique de l'écoquartier de Stockholm qui a été planifié sur plus de 10 ans. La maison passive est un autre exemple. Ce concept s'applique aussi bien pour le multilogements que pour les bureaux. Les pays scandinaves ont bien des points en commun avec nous. Il faut favoriser les échanges avec eux, et leur conception de la démocratie et de la transparence pourrait aussi nous inspirer collectivement. Comme me le rappelle ma collègue Marie-Claude Dubois, il n'y a pas de subvention de recherche dédiée à l'architecture au Québec. Cela ne nous aide pas à être des chefs de file. «On a du pain sur la planche.»