Le hameau de la Colline du chêne illustre bien comment la quête d'un habitat «durable», c'est-à-dire qui répond à la fois aux besoins humains et à l'état de la planète, cadre difficilement avec l'héritage urbanistique, financier et agricole d'une époque où la notion de développement durable était absente.

«En développement durable, on encourage une agriculture locale, biologique donc à petite échelle, d'où l'intérêt de conserver une terre agricole à proximité du milieu habité, explique Patricia Lefebvre, architecte du paysage et co-fondatrice du GRAPP, le Groupe de réflexion et d'action sur le paysage et le patrimoine, à Sutton. Le problème, c'est que la seule source de revenu des villes est la taxe foncière. Les municipalités doivent viser l'aménagement le plus rentable pour se conformer à la Loi de l'aménagement et urbanisme du MAMROT (ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire.» Mme Lefebvre estime le modèle du hameau agricole « très pertinent» dans ce contexte, «car il permet le développement résidentiel sans perdre toute agriculture et toute forêt, autrement dit toute campagne».

Cependant, dans le cas de la Colline du chêne, l'argent a été fait ailleurs pour l'achat de la terre, alors que le système devrait permettre plus facilement au jeune agriculteur d'avoir une terre.

«Dans les années 50 au Québec, l'agriculture a pris un virage industriel, poursuit la représentante du GRAP. La réglementation du monde agricole est en fonction d'une productivité maximum: champs aplatis, ruisseaux redessinés, machinerie lourde et moins de producteurs pour de plus grandes terres. Le territoire le plus exploité devient ainsi le moins peuplé et les villages se meurent.»

Dans les beaux coins de campagne recherchés, il très difficile de faire de l'agriculture rentable, explique Mme Lefebvre, car les taxes foncières sont trop élevées. Les producteurs n'ont pas droit au remboursement de taxes des agriculteurs et n'ont pas le support du ministère de l'Agriculture. De plus, les pressions immobilières devraient augmenter la valeur des terres, donc les taxes.

«Pour habiter un terrain agricole, reprend la représentante du GRAPP, légalement, il faut être propriétaire, ou associé, ou employé, ou en tirer la majeure partie de ses revenus.»

Refaire le monde

Le fameux rapport Pronovost, remis en janvier 2008 à la suite d'audiences publiques, proposait de réajuster notre tir à la lumière de la crise actuelle : producteurs à bout de souffle, pollution environnementale et énorme déficit de la Financière agricole (les assurances du gouvernement du Québec), déficit de plus d'un milliard $ qui évolue vers deux milliards.

Yvon Pesant, conseiller pour la MRC de Brôme-Missisquoi (à laquelle doit se joindre en janvier 2010 la ville de Bromont), fait partie de ceux que l'on consulte pour réinventer la campagne. Brôme-Missisquoi est l'une des huit MRC choisies par le gouvernement du Québec comme laboratoire pour repenser l'agriculture. Ses citoyens sont invités à se prononcer sur l'agriculture de proximité, le soutien de l'État, les produits locaux à l'épicerie, la restauration de beaux paysages en courte-pointe, etc. «Notre projet pilote, c'est l'occasion de refaire le monde, résume M. Pesant. Que veut-on? Tôt ou tard, toutes les MRC devront formuler leur plan de développement du territoire agricole.»

Pour Gérald Domont, professeur en architecture du paysage à l'Université de Montréal , l'agriculture productiviste a atteint ses limites. «Il faut maintenant penser multifonctionnalité du paysage, soutient-il. C'est une période absolument fascinante dans laquelle on est à la recherche de nouvelles lois.»

PHOTO FOURNIE PAR HAMEAU COLLINE DU CHÊNE

À gauche sur cette photo: la ferme du hameau, avec son silo. Au premier plan à droite la maison des Vinet-Harnois, sur la colline du chêne. Au milieu, celle des Laurie-Côté, également sur la colline du chêne. Au second plan, la maison des d'Astous-Gaudreault se trouve sur le mont Gale. Au fond à gauche: la ferme voisine Glen Hart (élevage d'agneaux), avec laquelle la ferme de la Colline du chêne fait des échanges d'équipement; au loin, tout à fait au dernier plan : Pinnacle, à demi caché par le mont Gale. Il faut une journée de marche pour faire le tour du hameau. Le sentier pédestre de la municipalité, à la limite de la terre derrière la maison d'Astous-Gaudreault, surmonte le mont Gale et va jusqu'au lac Gale.