On s'exclame devant la beauté de la promenade Samuel-De Champlain, devant le jardin Saint-Roch ou le parc régional des Chutes-de-la-Chaudière! Mais pourquoi ces endroits nous charment-ils autant? Le plus souvent, on dit qu'ils sont beaux, verts, reposants, inspirants. Pour plusieurs, c'est comme si le paysage dévoilait sa vraie nature.

Mais il ne suffit pas de tracer des sentiers, de planter des arbres ou de poser des lampadaires, des bancs, des fontaines ou des sculptures aux bons endroits pour obtenir de tels résultats. Derrière, il y a un travail de conception, d'organisation et d'aménagement qui est celui des architectes paysagistes. Peu connus du grand public, ces concepteurs de paysages sont formés à l'Université de Montréal. C'est d'ailleurs le seul endroit au Québec à offrir cette spécialité. André Nadeau a terminé ses études au début des années 80. Quelques années plus tard, il fondait avec d'autres OPTION aménagement, qui loge rue Saint-Vallier, à Québec. Pour lui, l'architecture du paysage consiste à mettre en valeur des environnements que les gens auront du plaisir à regarder et à fréquenter parce qu'ils y trouveront des repères visuels, historiques, arboricoles, fauniques et même aromatiques.

 

Jardin Saint-Roch mature

De ce point de vue, une de leurs grandes réalisations est le jardin Saint-Roch en plein centre-ville de Québec. Cette oasis de verdure inaugurée en 1993 a transformé le visage du quartier. Pourtant à la fin des années 80, on comparaît cet immense trou béant compris entre Charest, de la Couronne, du Parvis et la côte d'Abraham à Hiroshima. C'est assez révélateur de l'image qu'on s'en faisait.

À l'époque, le projet lancé par le maire Jean-Paul L'Allier était évalué à 6 millions $. Beaucoup trouvaient la facture trop salée pour un parc urbain. Mais aujourd'hui, tout le monde salue l'esprit visionnaire des élus du temps qui ont donné un poumon vert au centre-ville de Québec. Après 15 ans, le parc a atteint sa maturité, affirme André Nadeau. Et selon lui, il vieillit bien.

«Je suis heureux, dit-il, parce que les gens se sont approprié les lieux. Mais la conception du plan d'aménagement n'a pas été de tout repos, explique-t-il. On a tenu plusieurs séances de remue-méninges avant d'obtenir l'unanimité parce que dans ce type de projet, il y a ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. On fait équipe avec des ingénieurs, des employés municipaux, des urbanistes et des élus qui ont chacun leurs priorités, explique-t-il. Mais le résultat final valait toutes les heures qu'on y a consacrées.»

D'ailleurs ces dernières années, on note qu'il y a de plus en plus de sites redessinés par la main d'architectes paysagistes. Demandez-vous que serait la colline parlementaire sans ses parterres, ses statues, ses dénivelés, ses escaliers, ses massifs de fleurs, ses arbres et arbustes.

Manifestement, des réfections majeures comme celle du boulevard René-Lévesque, des abords de la rivière Saint-Charles ou du jardin Saint-Roch ont donné à d'autres l'idée de mettre en valeur des terrains municipaux, des parcs linéaires, des boulevards, des îlots et même des aires de stationnement.

Mais peu importe le type d'intervention que les architectes paysagistes doivent réaliser, il y a toujours une finalité et des humains à respecter. «Au départ, on doit s'arrimer à la vocation que les promoteurs veulent donner au site, d'où l'importance d'être à l'écoute des gens.»

Église de la Visitation

André Nadeau cite l'exemple de l'église de la Visitation, à Beauport, où l'objectif était de créer un mémorial en hommage aux familles souches de la municipalité. «Malgré le caractère solennel du site, nous voulions rendre l'espace convivial et familial plutôt que de lui donner un air de dernier repos. À cet égard, les recherches archéologiques faites sur les lieux nous ont inspirés, souligne-t-il. On a ainsi créé une toiture végétalisée qui évoque celle d'un bâtiment ayant existé il y a des centaines d'années. Quarante marches mènent au faîte du toit et les 40 contremarches portent le nom des familles souches. C'était très important pour nous que les gens puissent circuler, lire leur nom et même s'asseoir dans les marches; en bref, qu'ils puissent s'approprier les lieux.» À côté de la toiture végétalisée, des citations ornent les murs de ciment.

Quant au pourtour de l'église, on lui a donné un look plus contemporain de façon à dispenser une énergie nouvelle à ce lieu historique, précise l'architecte.

Et dans la foulée des Fêtes du 400e de Québec, il n'est pas rare qu'on leur demande de reproduire quelque chose qui ressemble à la promenade Samuel-De Champlain. On comprend que les gens aiment ça, lance M. Nadeau, mais chaque paysage a ses contraintes et ses potentialités. Il faut savoir en tenir compte, ajoute-t-il, et trouver nos sources d'inspiration là où elles sont à savoir dans le paysage lui-même, dans son histoire, mais aussi à travers les coutumes des gens qui l'ont habité ainsi que dans l'exploration d'avenues plus contemporaines.