Les manoirs restaurés datant du régime français sont peu nombreux au Québec. Et plus rares encore sont ceux que l'on peut visiter. Or, le manoir Mauvide-Genest, de Saint-Jean, île d'Orléans, fait exception. Il offre au public l'occasion de découvrir en direct la façon de vivre d'une famille aisée du XVIIIe siècle.

Les manoirs restaurés datant du régime français sont peu nombreux au Québec. Et plus rares encore sont ceux que l'on peut visiter. Or, le manoir Mauvide-Genest, de Saint-Jean, île d'Orléans, fait exception. Il offre au public l'occasion de découvrir en direct la façon de vivre d'une famille aisée du XVIIIe siècle.

 Âgé de 275 ans, l'imposant manoir de 70 pieds de façade (23 mètres) que l'on compare par son architecture aux châteaux de la Loire est classé monument historique par le ministère de la Culture du Québec et par celui de Patrimoine Canada. D'architecture française avec son toit à deux versants coupés, ses fenêtres et lucarnes à carreaux et ses deux grosses cheminées, le manoir s'apparente au style du château Saint-Louis qui fut la résidence des gouverneurs de la Nouvelle-France.

Restauré de fond en comble au tournant des années 2000, le manoir, aujourd'hui entièrement meublé comme à l'époque du seigneur Jean Mauvide et de son épouse Marie-Anne Genest, recrée l'histoire de ses occupants à travers les vêtements, les objets, les tissus et même les aliments.

 Ainsi, de la mi-mai à octobre, ce bijou du patrimoine québécois interprète un pan d'histoire de la Nouvelle-France grâce aux efforts déployés par la Société de développement de la seigneurie Mauvide- Genest et par la Fondation des seigneuries de l'Île.

 Petite histoire

 C'est à l'âge de 19 ans que Jean Mauvide, originaire de Tours, arrive en Nouvelle-France comme médecin des armées du roi. Débrouillard, le jeune homme s'initie vite aux affaires en s'impliquant dans la construction de bateaux, le commerce du blé et des fourrures. Mais il sera aidé dans son ascension par son beau-père Charles Genest qui, en plus de posséder 80 arpents de bonne terre à l'île d'Orléans, est aussi un forgeron prospère. Au mariage de sa fille Marie-Anne avec Jean Mauvide en 1733, il leur léguera un immense terrain pour y construire leur maison. Celle-ci a du standing. Au lieu du bois, on a utilisé la pierre recouverte de crépi. Et en 1754, Jean Mauvide triplera les dimensions de sa propriété après avoir été nommé seigneur de la moitié ouest de l'île d'Orléans. Ce qui en fera une des rares maisons de cette envergure dans les campagnes de Nouvelle-France, à quelques exceptions près, dont celle du seigneur Jean Lebel à Kamouraska.

 Jusqu'en 1999, le manoir demeurera dans la lignée familiale des Genest. Le dernier propriétaire, le juge Antoine Pouliot, était apparenté par sa grand-mère à cette famille. C'est lui qui fera ajouter, en 1929, la chapelle en hommage à ses deux fils devenus prêtres.

Le manoir à travers ses objets

 Lors de notre visite au manoir, Bibiane Tremblay, une passionnée d'histoire québécoise, avait revêtu le costume d'époque d'une servante. «Le tablier est de lin, le jupon de coton et la coiffe aussi, précise Mme Tremblay qui anime les visites guidées du manoir. Comme vous le remarquez, dit-elle, les gens étaient très vêtus en ce temps-là non par puritanisme, mais parce que ça faisait civilisé et que ça protégeait du froid.»

 Parmi les objets d'usage en cuisine, Bibiane Tremblay montre la potence sur laquelle on suspendait les chaudrons qu'on pouvait rapprocher du feu grâce à une crémaillère. D'où l'expression pendre la crémaillère quand on inaugure un nouvel appartement. Près de l'âtre, on trouve aussi les petites chaises de l'île d'Orléans à dossier ouvert pour permettre de se chauffer le dos. Et dans un coin, l'indispensable garde-manger du XVIIIe siècle. Toute la batterie de cuisine des seigneurs est de cuivre et d'étain. Par contre, leurs couverts sont en argent et en porcelaine. Et quand madame reçoit, elle sert le sherry dans le salon turquoise. Précisons aussi que les couleurs de la majorité des pièces du manoir sont d'origine.

 Dans la partie plus récente, les plafonds sont à caissons. S'y trouvent également le bureau, la salle à manger et un petit salon et, derrière les pièces des communs. Au deuxième, logent le dispensaire et trois chambres dont celle des maîtres. Encore plus haut, le grenier qui constitue une véritable pièce d'antiquité avec ses poutres d'origine, ses tenons et mortaises.

 Or même s'il est un homme d'affaires avisé, Jean Mauvide est avant tout médecin. Et il le sera jusqu'à sa mort en 1780. Parmi les instruments qu'il utilise, on découvre le beaudet qui servait de civière. «C'est un spécimen original que nous avons découvert par hasard dans les combles du manoir», souligne avec fierté Diane Bélanger, directrice de la Société de développement de la seigneurie Mauvide-Genest. Et pour soigner, le docteur possédait bien sûr un rasoir pour les saignées et un petit récipient afin de récolter le sang. Partout dans la maison, on peut apercevoir de grands paniers tout usage appelés du nom indien Ouragan.

 Après la conquête de 1763, Jean Mauvide connaîtra des difficultés financières qui le conduiront à vendre la seigneurie à sa fille Marie-Anne et à son mari Amable Durocher. Le fils cadet, Laurent, héritera pour sa part du manoir. Des cinq enfants, trois se marieront, mais ne laisseront aucune descendance. Le nom de Mauvide s'est donc éteint.

 

Photo Steve Deschênes, Le Soleil

La maison du couple Mauvide-Genest construite en 1734 n'a qu'une seule pièce. On y exerce toutes les activités. Au fond, le lit est muni d'un rideau pour plus d'intimité.