Les maisons patrimoniales québécoises attirent les regards des curieux depuis toujours, du simple admirateur au plus grand connaisseur. Pour mieux les faire connaître, plusieurs villages du Québec ont créé un circuit les mettant en valeur. Le conducteur du dimanche typique, en balade sur les routes historiques, admire les chaumières d'antan... et rêve parfois d'habiter de tels lieux chargés d'histoire. Mais est-il toujours agréable de vivre dans une maison ancestrale?

Les maisons patrimoniales québécoises attirent les regards des curieux depuis toujours, du simple admirateur au plus grand connaisseur. Pour mieux les faire connaître, plusieurs villages du Québec ont créé un circuit les mettant en valeur. Le conducteur du dimanche typique, en balade sur les routes historiques, admire les chaumières d'antan... et rêve parfois d'habiter de tels lieux chargés d'histoire. Mais est-il toujours agréable de vivre dans une maison ancestrale?

Les maisons de nos ancêtres sont belles. Attendrissantes aussi, car elles ont abrité les premières générations en terre québécoise. Elles apparaissent, témoins et marques de notre passé, au tournant d'une route, et se côtoient au coeur de nos plus anciens villages. Elles se couvrent tantôt de pierres, tantôt de crépi blanc, et se parent de corniches, corbeaux et fenêtres de bois. Elles ont résisté à des centaines de tempêtes de neige. Y vivre est toute une aventure, qui ne convient pas à tout le monde. Car bien que ces maisons soient une fierté pour leurs propriétaires, elles demandent énormément de travail et d'entretien.

Les propriétaires de maisons patrimoniales ont en commun l'amour indéfectible des planchers qui craquent. Ils sont épris du cachet européen, du charme d'antan et de la chaleur des matériaux anciens. Les matériaux modernes, les murs à l'équerre et l'isolation R-40, très peu pour eux.

«Nous, ce qu'on recherche, c'est l'imperfection dans les vieilles maisons. Les gens, en général, recherchent la perfection. Nous, c'est le contraire», dit Lison Pelletier, qui habite, avec son conjoint Alain Prévost et leur fille, la maison Bordeleau-Prévost, sur le circuit patrimonial de Neuville.

Natalie Proulx et Nicolas Laplante, les propriétaires de la maison Joseph-Bernard sur le même circuit, abondent dans le même sens. «On a habité en France. Là-bas, tout craque, tout est croche, c'est chaleureux. Et on a développé le goût des antiquités», explique Natalie. La pierre de leur maison, qui date de 1820, était à l'origine recouverte d'un crépi. Maintenant dénudée, donc soumise aux intempéries, elle requiert une inspection et une vigilance particulières, comme l'explique Nicolas : «Le calcaire est une pierre qui s'effrite beaucoup. Avec l'eau et la glace l'hiver, il y a des petites infiltrations et ça fait des fissures. Quand une craque apparaît, il ne faut pas laisser ça comme ça. Il faut refaire les joints.» Jusqu'aux jeux des enfants qui subissent l'imperfection des lieux : les dominos ne tiennent pas debout sur le vieux plancher qui penche...

Frais l'été, frais l'hiver

Si beaucoup de gens rêvent d'habiter une maison ancienne, ces derniers doivent savoir frotter et s'habiller. «C'est énormément d'entretien selon les saisons. Les fenêtres, par exemple. Nous avons 644 carreaux de fenêtres à laver... des deux côtés», précise Lison Pelletier. «Aussi, ces vieilles maisons-là sont plus poussiéreuses, et il y a toujours une petite fuite d'air quelque part. Il faut avoir une bonne laine l'hiver et entretenir le feu», ajoute-t-elle. Leur chauffage, à l'électricité, leur coûte environ 50 % plus cher qu'une maison «normale». Même son de cloche chez les Laplante, à l'autre bout de la rue : leur chauffage à l'huile et à l'électricité coûte cher. «Quand tu achètes une maison ancestrale, il faut que tu t'attendes à avoir une facture élevée. C'est une maison qui est très aérée, qui n'est pas chaude, il faut s'habiller», précise Natalie. «On n'aime pas les factures. Mais on aime tellement la maison. C'est frais l'été, et c'est frais l'hiver», ajoute Nicolas.

Réginald Blanchard, propriétaire de la maison Lefebvre-Fiset, de l'autre côté de la même rue, a réglé son problème de chaleur et de factures élevées il y a une quinzaine d'années. «Nous avons innové. Nous avons appliqué une peinture à base de céramique, un peu plus dispendieuse qu'une peinture au latex, sur les murs et les plafonds. La céramique réfléchit la chaleur. Alors on vit dans une très ancienne maison qui ne perd pas sa chaleur. C'est rare, ça», explique-t-il avec fierté.

Sur le circuit patrimonial

Au coeur du village de Neuville, le circuit patrimonial se densifie. Annie et François habitent la maison Beaudry, en face de la maison de Réginald Blanchard, à deux pas de celle de Natalie et Nicolas. Nouvellement arrivés dans la région, ils habitent une très spacieuse demeure qui fut un magasin général pendant presque tout le XIXe siècle.

Tout l'été, ils ont vu des gens passer, dépliant et appareil photo en main. «Ils s'arrêtent et regardent. Il y a eu une visite guidée un jour avec un groupe. Le guide parlait de ma maison, et moi j'étais à l'intérieur, dans ma chambre, et j'écoutais ce qu'il disait. C'était spécial, raconte Annie. C'est sûr que je suis très consciente, étant sur un circuit, qu'il faut prendre soin de l'avant de la maison. Des fois, je dis à mon chum : faudrait passer la tondeuse, là... Faut prendre soin des fleurs. On sent une sorte d'obligation pour que ce soit toujours beau, en avant du moins.»

«C'est agréable d'être sur le circuit, ajoute sa voisine, Natalie Proulx. Les gens arrêtent des fois, quand on est dehors, pour nous parler ou nous poser des questions. Une vieille dame est arrêtée une fois. Elle avait déjà habité ici et voulait savoir si le pommier donnait encore de bonnes pommes. C'est intéressant de rencontrer ces gens-là.»

Alain Prévost, qui a entièrement restauré la maison Bordeleau-Prévost sur une dizaine d'années, sait très bien ce que c'est que d'habiter sur un circuit patrimonial. Il est presque tout le temps dehors, en train de travailler. «Je rénovais cette semaine mon vieux puits, à 10 pieds de la route, et à chaque journée, il y avait au moins une dizaine de personnes qui arrêtaient pour me poser une dizaine de questions. Alors finalement, j'ai pas beaucoup le temps d'avancer dans mon ouvrage!», explique-t-il, sourire en coin.

Leur maison est aussi très photographiée car ils ont gagné, en 2005, le prix Thérèse-Romer, décerné par l'APMAQ (Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec) pour la restauration d'une maison non subventionnée. La plaque qui en fait foi, à côté de leur porte avant, attire bien des curieux.

«Les gens arrêtent beaucoup pour nous poser des questions. Ils veulent savoir l'histoire de la maison, comment on construisait à l'époque, comment ça doit être restauré. C'est très valorisant», conclut Alain Prévost.

 

Photo Christian Lamontagne, tirée du livre <i>Passion Maisons</i> aux Éditions Trois-Pistoles

Une cheminée imparfaite dans une maison du patrimoine de Saint-Joseph-du-Lac.