On entre côté jardin sur un splendide terrain de 10 000 mètres carrés. Nous sommes dans le parc d'une maison ancienne. Sur la gauche, le visiteur a une vision bucolique tout droit sortie d'un livre d'images. Ne manque que quelques moutons pour compléter le décor.

On entre côté jardin sur un splendide terrain de 10 000 mètres carrés. Nous sommes dans le parc d'une maison ancienne. Sur la gauche, le visiteur a une vision bucolique tout droit sortie d'un livre d'images. Ne manque que quelques moutons pour compléter le décor.

Nous sommes ici à Chambly, devant une chaumière calquée sur celles de Bretagne et de Basse-Normandie du XVIIIe siècle. Elle a été construite il y a plus d'un an. Un artisan québécois a fait un stage en France exprès pour apprendre les techniques ancestrales de pose.

 La base végétale utilisée a été coupée en Camargues, dans le sud de la France. «On a découvert que quelqu'un en avait fait venir au Québec. On s'est entendu avec lui. La quantité de chaume qu'on a ici, c'est l'équivalent d'un camion de 45 pieds de long», nous indique le propriétaire qui préfère garder l'anonymat.

Tiges de roseaux

Le chaume est constitué de tiges de roseaux, que l'on retrouve habituellement, en Bretagne, en Normandie et en Camargues. Au Québec, on la surnomme «herbe à liens» (Spartine Pectinée), une plante des marais comparée à un foin huileux qui a la particularité de ne pas absorber l'eau. Bien compactée, elle est très isolante, très étanche, mais par contre très inflammable.

Notre propriétaire avait des exigences bien précises. Or, l'utilisation du chaume a pour ainsi dire pratiquement disparu au Québec. «Ici, en vérité, on n'avait pas l'expérience voulue», croit-il. Et il recherchait une esthétique très française pour l'allure générale de la grange. «Des Bretons sont venus superviser le travail», précise-t-il.

Retour aux sources

Surprise! L'an dernier, à Trois-Rivières, quelques passionnés ont restauré un toit de chaume. Ils ont cueilli l'herbe à la faux aux alentours du lac Saint-Pierre, imitant les agriculteurs qui couvraient ainsi leurs fermes. Le but: faire une démonstration publique de réfection du toit de chaume d'une porcherie authentique, déplacée dans la cour du Musée québécois de culture populaire.

Selon Benoît Gauthier, directeur du musée, il faut récolter la plante à l'automne après les premiers gels. «Nous avons travaillé selon les techniques répertoriées par l'ethnologue Robert-Lionel Séguin», a-t-il indiqué, précisant que contrairement à ici, dans l'ouest de la France, on recouvrait les maisons avec du chaume. «Ici, on ne pouvait pas faire de grandes habitations avec toit de chaume. Ce serait impossible de les chauffer en hiver à cause de la condensation que ça provoquerait.»

Pour notre chaumière à Chambly, les différentes épaisseurs (couvertures) de chaume sont attachées avec un fil d'aluminium. À tous les 2 pi (1 m) les gerbes de chaume sont maintenues par des tiges de métal qui ne rouillent pas. «On avait peur du vent, du froid, mais au contraire quand ça gèle, il n'y a aucun danger. Le pire, c'est les champignons d'humidité et ici, on est à l'abri de ça l'hiver», explique le Chamblyen.

Ce dernier a récupéré du bois d'étable pour la charpente et les colombages. Le bois intérieur est badigeonné à la chaux pour décourager les fourmis. Celui de l'extérieur est passé à l'huile de lin.

«Les Bretons qui sont venus voir m'ont dit que le toit était un peu trop pentu. Mais je me sers ici de la grange un peu comme un test, parce que j'ai d'autres projets avec du chaume. Normalement, ça devrait tenir au moins 50 ans», dit le propriétaire.

 

Photo David Boily, La Presse

Un intérieur charmant confectionné avec du bois d'étable.