Comment reconnaître une maison contemporaine? Lignes nettes, toit plat et absence d'ornement sont quelques-uns des indices qui ne trompent pas. Éric Gauthier, l'architecte du cottage de Manon Chrétien et de Stéphane Huot, revient sur quelques éléments clés de cette construction qu'il a conçue spécifiquement pour répondre aux besoins et aux envies de ses occupants. Dans la foulée, il nous révèle sa vision de la modernité.

Comment reconnaître une maison contemporaine? Lignes nettes, toit plat et absence d'ornement sont quelques-uns des indices qui ne trompent pas. Éric Gauthier, l'architecte du cottage de Manon Chrétien et de Stéphane Huot, revient sur quelques éléments clés de cette construction qu'il a conçue spécifiquement pour répondre aux besoins et aux envies de ses occupants. Dans la foulée, il nous révèle sa vision de la modernité.

Architecture moderne

L'architecture dite contemporaine est souvent associée au mouvement moderne fondé par plusieurs visionnaires du siècle dernier, comme Le Corbusier et Mies van der Rohe. Mais les architectes d'aujourd'hui ne reproduisent pas leurs concepts à la lettre. «Sans compter que chaque moderniste de l'époque avait son propre langage architectural, fait remarquer Éric Gauthier. Mais à défaut d'avoir trouvé un autre mot pour définir le style d'une maison contemporaine, nous utilisons l'épithète moderne.»

Une chose est sûre, une maison au style actuel n'est pas ornementée, comme un château. Pas de tourelle ni de clef de voûte. Aucun pilastre. Ce renoncement à la décoration est un héritage laissé par l'architecte Adolf Loos, auteur du célèbre manifeste Ornement et crime.

La reprise des styles du passé et la mode des manoirs correspondent à une période d'aisance. Dans la foulée, les propriétaires en profitent pour exprimer leur réussite. «Mais ce moment est peut-être sur le point de se terminer», croit Éric Gauthier.

Style froid

Les détracteurs de l'architecture moderne vont souvent la qualifier de froide et désincarnée. Pourquoi? «Au lieu d'avouer qu'ils n'ont pas de repères pour l'apprécier, bien des gens vont traduire leur malaise en qualifiant l'architecture moderne de froide. On trouve beau ce que l'on reconnaît et la décoration rassure», rappelle M. Gauthier.

Autre problème: la construction de maisons d'architecte est rare au Québec. Autrement dit, si on en bâtissait davantage, elles trancheraient moins parmi les manoirs. Mieux, elles sembleraient familières. «Sans compter qu'un château n'est pas nécessairement chaleureux» laisse tomber M. Gauthier.

Toit plat

Le toit plat est un sujet de discorde depuis au moins 100 ans, assure l'architecte de l'agence FABG. Même si le toit plat fait consensus auprès d'une majorité d'architectes, l'archétype de la maison au toit en pente demeure ancré dans l'esprit d'une majorité.

Escalier sculptural

Avec l'arrivée de la nouvelle édition du Code national du bâtiment, les garde-corps originaux ou même à barreaux horizontaux ont disparu. Raison? Dangereux pour les enfants. Maintenant, il est indiqué d'installer des barreautins verticaux à tous les quatre pouces ou de dénicher des matériaux pleins. Tôle d'acier perforé? Verre trempé? Actuellement, les architectes se cassent la tête pour donner du style aux garde-corps résidentiels. Pour la maison du couple Manon Chrétien-Stéphane Huot, l'architecte a opté pour des garde-corps en verre. Une légèreté visuelle est ainsi donnée à l'ensemble malgré la présence d'un limon d'acier gris. Quant à la main courante, elle est faite d'aluminium extrudé aux bords légèrement arrondis, donc confortable pour les enfants.

Entrée discrète

L'entrée du cottage du couple de Boucherville ne fait pas face à la rue. Discrète, quasi secrète, elle n'affiche aucun élément voyant. Ce type d'entrée effacée est propre à l'architecture moderne.

Luxe modéré

Les propriétaires du cottage moderne ont préféré miser sur quelques matériaux naturels afin de «décorer». Ainsi, la porte d'entrée et une partie de la façade sont en cèdre brésilien. Quant aux fondations, elles sont recouvertes de calcaire Saint-Marc. «Cette pierre traditionnelle de qualité (moins poreuse que les autres calcaires) orne notamment le parlement de Québec et le Centre canadien d'architecture, à Montréal», souligne Éric Gauthier. Quant au choix de l'érable pour le parquet, il est à la fois dur et noble. Mieux, en raison de son style neutre et dépouillé, il reste attrayant, peu importent les modes et les tocades. «Les matériaux nobles affichent une texture riche qui à elle seule réussit à rehausser un aménagement.»

Envie de verre, besoin d'acier

 Réal Chrétien, entrepreneur général, construit et rénove des maisons depuis plus de 45 ans. L'an dernier, il a, bien sûr, accepté d'aider sa fille, Manon, copropriétaire, avec son conjoint Stéphane Huot, de la maison à étage située sur la Rive-Sud. Après des semaines d'analyse et de calculs, l'architecte Éric Gauthier et Réal Chrétien ont opté pour une structure d'acier (poutres et colonnes) avec un remplissage composé de poutrelles et colombages en bois. Détail: depuis l'âge de 18 ans, l'entrepreneur général n'a bâti que des maisons avec ossature de bois!

 «Éric Gauthier m'a grandement aidé, dit Réal Chrétien. On travaillait ensemble, ce qui me guidait. Ainsi, je savais quoi faire.»

 Selon l'architecte, une habitation avec poutres et colonnes d'acier peut être plus largement fenêtrée. Mais le bois d'ingénierie n'est-il pas pratiquement aussi solide que l'acier? Pourquoi ne pas l'avoir utilisé pour la structure? «On aurait pu réaliser une structure en bois d'ingénierie, mais elle aurait été légèrement plus coûteuse que l'acier», justifie l'architecte.

 Mais surtout, l'acier permettait, notamment, de soutenir solidement toute la brique située au-dessus du mur-rideau (mur ou portion de mur largement fenêtré du plancher au plafond) en façade.

 Autre avantage: sans l'acier, la maison du couple n'aurait jamais pu être dotée d'un coin complètement vitré (au bout de la bibliothèque du salon). Et dans le bureau de Stéphane Huot, il aurait été bien difficile d'installer d'immenses fenêtres allant au-delà du plafond, jusqu'au parapet de la maison.

 «Cette technique fait paraître la fenestration plus généreuse», note l'architecte, qui aime bien transposer certains éléments typiquement institutionnels dans la construction résidentielle. Outre le mur-rideau, il y a le remplacement des meneaux extérieurs par des joints en silicone. Résultat? La surface du vitrage devient totalement lisse. Ce qui épure la façade. L'architecte admet toutefois qu'un joint de silicone vu de près n'a pas l'élégance d'un capuchon de fenêtre en aluminium.

 Enfin, pourquoi construit-on si peu de maisons dotées d'une structure d'acier, au Québec? Question de culture. «Dans notre culture, un constructeur de maison est un charpentier, alors qu'en Europe, c'est un maçon qui connaît la brique et le béton», explique Éric Gauthier, qui souligne que l'assemblage d'une structure d'acier - étonnamment - n'est pas très complexe.

 

Photo Rémi Lemée, La Presse

Avec l'arrivée de la nouvelle édition du Code national du bâtiment, les garde-corps originaux ou même à barreaux horizontaux ont disparu. Raison? Dangereux pour les enfants. Pour la maison du couple Manon Chrétien-Stéphane Huot, l'architecte a opté pour des garde-corps en verre.