Technique de construction plusieurs fois centenaire, la charpente de bois massif effectue un retour en Amérique du Nord. On l'adopte pour le côté chaleureux et écolo du bois de même que pour sa durabilité. Portrait d'une industrie artisanale qui s'intègre bien à l'architecture moderne.

Technique de construction plusieurs fois centenaire, la charpente de bois massif effectue un retour en Amérique du Nord. On l'adopte pour le côté chaleureux et écolo du bois de même que pour sa durabilité. Portrait d'une industrie artisanale qui s'intègre bien à l'architecture moderne.

 Pour sa chaleur, sa beauté, sa durabilité. Autant de raisons d'aimer le bois et de vouloir le laisser entrer dans sa vie, ou plutôt, dans sa maison. Mais si on n'est pas du type «chalet en bois rond», la charpente en bois massif est une alternative intéressante. Cette technique de construction moyenâgeuse a résisté au temps et se marie très bien avec l'architecture moderne.

«C'est un décor qui inspire. Quand les gens découvrent ça, l'ambiance que ça donne, ils tombent en amour. Ça fait penser aux anciennes églises d'Europe. Il y a une tranquillité, une sérénité qui s'en dégage», commente Roger Codaire, propriétaire de Charpenterie R-C, à Sutton, dans les Cantons-de-l'Est.

 «C'est fait pour les gens qui aiment le mixte entre la maison d'autrefois et la maison moderne. Ça se marie très bien avec un foyer en pierre, mais aussi avec des murs standards», soutient pour sa part Steve Abran, président des Dessins ConSpecTek, à Trois-Rivières. Selon le technicien en architecture, il faut prévoir un toit cathédrale dans au moins une partie de la maison pour apprécier à sa juste valeur ce type de charpente, qui donne un côté artistique aux fermes de toit.

 Inventée en Europe au Moyen Âge, l'ossature en bois massif refait une percée en Amérique du Nord depuis environ 30 ans. Aux États-Unis, le style devient de plus en plus populaire en Nouvelle-Angleterre. Des associations comme la Timber Framer's Guild of North America et le Timber Frame Business Council militent pour un retour vers ce type de construction.

Au Québec, quelques charpenteries artisanales sont nées, surtout dans les régions de Montréal, des Laurentides et des Cantons-de-l'Est. Ces ateliers répondent à une demande de plus en plus forte de partout au Québec, mais comme elles font tout le travail à la main, elles ne réalisent en moyenne qu'une dizaine de projets par année.

 C'est le cas de la Charpenterie Heirloom, en Montérégie. «Chaque maison est faite sur mesure. On part avec les plans du client, on construit la charpente en atelier et ensuite, on assemble le tout sur le terrain», explique Franck Faelli, vice-président de la compagnie.

 On peut utiliser différentes essences de bois, comme le sapin Douglas, de la Colombie-Britannique, ou une essence plus québécoise, que le client peut fournir lui-même, comme le pin blanc, le frêne ou la pruche. Le bois peut être sablé, teint ou vernis pour une finition distinguée ou laissée au naturel, pour un look plus rustique. La charpente a une vocation toute pratique (soutenir la maison), mais aussi très esthétique.

 Et la liberté architecturale est de mise. On peut voir la charpente dans une partie de la maison seulement (la salle de séjour) ou partout, même à l'extérieur, avec un gazebo, un portique ou une galerie en bois massif, qui rappelle le style intérieur. Mais si on préfère la brique comme revêtement, il n'y a pas de problème! «C'est la liberté totale au niveau des matériaux. On peut tout faire!», lance M. Faelli.

 L'important, c'est que la structure soit faite à 100 % de bois, selon la technique traditionnelle. Les poteaux et les poutres de bois massif s'assemblent entre eux sans l'aide d'un clou. C'est plutôt un assemblage par mortaise (un trou) et tenon (une protubérance) qui est utilisé.

Mais, pour réaliser ce travail, il faut les bons outils (ciseau à bois) et surtout, de l'expérience. «Notre plus gros défi est celui de la main-d'oeuvre. Les gens qui travaillent chez-nous, on les a formés nous-mêmes», souligne M. Faelli. En fait, aucune école de charpenterie-menuiserie au Québec n'offre de formation spécifique à ce type de structure. Comme elle est spécialisée, la Charpenterie Heirloom n'offre pas de service clés en main. Elle fournit les panneaux isolants structuraux, faits de polystyrène ou de polyuréthane, afin de «fermer la maison», mais c'est à l'acheteur de trouver un entrepreneur général pour compléter le reste du projet.

 Résiste au temps

 Si la charpente en bois massif fait un retour, c'est aussi pour son petit côté écolo. En plus d'utiliser un matériau naturel, le bois, elle est très durable. Des églises et des granges construites de cette façon en Europe vers 1300 tiennent toujours debout. «Tant qu'on empêche le toit de couler, ça dure!», souligne Murray Elliot, co-propriétaire de Hamlet Charpenterie traditionnelle, une entreprise de Rigaud.

 Selon lui, les gens se tournent aussi vers le patrimoine. «La charpente de bois massif fait partie de l'histoire du Québec. C'est la technique utilisée par les premiers arrivants, car ils utilisaient les matériaux qu'ils avaient. Il reste encore de belles maisons de ce type-là sur l'île d'Orléans», soutient M. Elliot.

 Une des particularités de Hamlet est de conserver les courbes naturelles de l'arbre dans ses charpentes. Ainsi, au lieu de faire des poutres carrées, on s'amuse avec des pièces de bois diagonales, tout en produisant une ossature aussi résistante. Le but de tous les constructeurs, c'est de puiser dans le savoir-faire de l'époque (avant la standardisation de l'industrie de la construction, qui fait que les matériaux sont tous pareils et d'égale longueur), mais avec la technologie d'aujourd'hui.

Comme chez Rondeau Maisons de prestige, de Sainte-Agathe-des-Monts, où on a développé un modèle hybride de charpente massive. Les poteaux et les poutres font partie du mur et ne ressortent que sur environ deux pouces de profondeur. «Ça facilite grandement l'aménagement de la maison, comme lorsque vient le temps de poser des armoires ou de défoncer un mur», explique Yves Rondeau, propriétaire.

 Et le prix dans tout ça? Tout dépendant des entreprises, on estime le travail de 15 à 30 % plus dispendieux qu'une charpenterie faite de 2 X 4 standards. «On propose des structures pour tous les budgets, mais les gens qui viennent nous voir, ce sont surtout des gens qui n'ont pas peur financièrement et qui n'ont pas peur de s'investir eux-mêmes dans leur projet», indique M. Faelli, de la Charpenterie Heirloom.

 

Photo fournie par Charpenterie RC