À l'approche de ses 41 ans, Habitat 67 se «porte» très bien, assure Sylvie Perron, gestionnaire d'Habitat 67. Malgré les fissures?

À l'approche de ses 41 ans, Habitat 67 se «porte» très bien, assure Sylvie Perron, gestionnaire d'Habitat 67. Malgré les fissures?

 «Les fissures ne constituent pas un danger immédiat», précise l'architecte Maurice Desnoyers, 80 ans, fondateur de Desnoyers Mercure & Associés.

 Ces fissures résultent du mouvement de la structure qui vieillit. «Il n'y a rien qui ne bouge pas et nous avons des spécialistes qui examinent actuellement les points critiques du bâtiment», ajoute le représentant montréalais de Moshe Safdie (dont le bureau principal est situé dans l'État du Massachusetts, aux États-Unis).

 Une chose est sûre, des soins préventifs sont nécessaires. «Nous planchons sur un plan quinquennal d'entretien qui réunira des experts dans tous les domaines de la science du bâtiment», pointe Maurice Desnoyers, qui «veille» sur Habitat 67 depuis trois ans. Dès qu'un propriétaire désire effectuer des transformations touchant l'ensemble du bâtiment, comme l'installation d'une serre ou l'ajout d'une salle de bains, il doit d'ailleurs soumettre ses plans à l'approbation du représentant de Moshe Safdie.

 «Tout n'est pas parfait, mais Habitat 67 est un cas remarquable de préservation architecturale», enchaîne Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal.

 Sauvegarde d'Habitat 67

 Le 17 septembre dernier, Habitat 67 a été cité par la Ville de Montréal à titre de monument historique. C'est le dernier des bâtiments cités par la Ville, sans compter qu'il est le plus moderne d'entre eux.

 La citation est la plus haute reconnaissance en matière de patrimoine offerte par la Ville de Montréal, rappelle Caroline Dubuc, conseillère en aménagement au Conseil du patrimoine de Montréal. Le gestionnaire d'un bâtiment cité est admissible à une aide financière.

 Une citation n'est toutefois pas un classement. L'attribution d'un classement appartient au gouvernement provincial et, contrairement à la citation qui ne vise que l'extérieur et le terrain, il comprend des mesures de protection des intérieurs des bâtiments. En 2002, l'organisme Héritage Montréal a d'ailleurs fait une demande de classement d'Habitat 67. Cinq ans plus tard, l'édifice de la Cité du Havre n'est toujours pas classé.

 Dans la foulée, DOCOMOMO Québec, un organisme dédié à la documentation et à la conservation de l'architecture du mouvement moderne, demande qu'une unité de logement typique, incluant des finis intérieurs, soit protégée. Bonne idée: pourquoi ne pas ensuite le transformer en minimusée? Le public pourrait ainsi le visiter.

Habitat 67 en quelques chiffres

 1. En 1961, Moshe Safdie conçoit un immeuble d'appartements pour son mémoire de fin d'études à l'École d'architecture de l'Université McGill. Ce projet propose un modèle d'habitat urbain dense comme option à la banlieue.

 2. En février 1964, la société responsable de la préparation de l'Exposition universelle et internationale de Montréal accepte de réaliser le projet conçu par le jeune universitaire montréalais. Nuance: il n'est pas identique à celui de son mémoire de fin d'études.

 3. La réalisation d'Habitat n'aurait pas été possible sans la contribution de l'ingénieur Komendant. Safdie l'avait connu lors de son passage à l'agence de l'architecte américain Louis I. Kahn, en 1962.

 4. Habitat 67 sera construit comme pavillon thématique permanent sur la pointe est de la Cité du Havre.

 5. En raison des coûts trop élevés de construction, des modifications sont apportées. Exemple: la diminution radicale du nombre de cubes. «À l'origine, le projet comptait 950 unités d'habitation réparties sur deux parties : une de 22 étages et l'autre de 10», précise Réjean Legault, professeur spécialisé en architecture moderne à l'école de design de l'UQAM. Aujourd'hui, le bâtiment rassemble 148 propriétaires (ou commanditaires) répartis sur 12 étages.

 6. Le 27 avril 1967, lors de l'inauguration de l'Exposition, le complexe n'est pas entièrement terminé. Les unités de la section est ne seront achevées qu'en août 1970.

 7. Habitat 67 est composé de 354 modules en béton préfabriqués. Chaque cube possède une superficie habitable d'environ 625 pieds carrés (58 mètres carrés). Les murs extérieurs sont en béton apparent décapé au jet de sable.

 8. De 1968 à 1986, le propriétaire et gestionnaire d'Habitat 67 est la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Les logements étaient alors loués. En 1986, le bâtiment est vendu à la Société en commandite complexe d'habitation 67. Ce changement de statut a permis à plusieurs résidants d'acheter leur logement.

 9. Encore aujourd'hui, Moshe Safdie y possède un appartement de quatre cubes, qu'il loue occasionnellement. L'intérieur est resté intact.

 10. Selon les données du système MLS, en 2007, le prix d'un appartement de deux cubes d'Habitat 67 oscille entre 375 000$ et 530 000$, selon les rénovations apportées.

 11. Le prix d'un appartements formé de quatre cubes va de 799 000$ à 2,5 millions, révèle Louise L'Heureux, agent immobilier affilié, chez Royal LePage Dynastie.

 12. Selon une étude réalisée par ICOMOS pour l'UNESCO en 2001, Habitat 67 est le bâtiment canadien le plus connu des architectes de la planète.

 13. L'immeuble a été louangé en raison de sa configuration exceptionnelle, farouchement atypique. L'idée lumineuse de Safdie est d'avoir créé des espaces domestiques uniques tous dotés d'une terrasse en superposant adroitement des unités. «À l'époque, plusieurs architectes dans le monde avaient des projets de cette nature sur leur table à dessin. Mais Moshe Safdie est le seul à l'avoir réalisé», note Réjean Legault.

 Renseignements: https://www.habitat67.com et https://cac.mcgill.ca/safdie/habitat

 

Photo Martin Chamberland, La Presse