Il y a des territoires qui nous attirent et les raisons pour lesquelles on souhaite s'y rendre sont multiples. L'idée d'aller au bout du monde me grisait. Alors, lorsque j'ai reçu un courriel de Klaus Mayer qui m'invitait en Alaska, j'ai sauté sur l'occasion. Klaus m'expliqua qu'il dirigeait l'Alaska design forum et qu'il invitait une fois par mois un architecte à venir présenter son travail dans trois villes : Anchorage, Fairbanks et Juneau. Il fallait planifier environ une semaine pour faire la tournée, car les distances sont à l'image de l'Alaska : énormes.

Il y a des territoires qui nous attirent et les raisons pour lesquelles on souhaite s'y rendre sont multiples. L'idée d'aller au bout du monde me grisait. Alors, lorsque j'ai reçu un courriel de Klaus Mayer qui m'invitait en Alaska, j'ai sauté sur l'occasion. Klaus m'expliqua qu'il dirigeait l'Alaska design forum et qu'il invitait une fois par mois un architecte à venir présenter son travail dans trois villes : Anchorage, Fairbanks et Juneau. Il fallait planifier environ une semaine pour faire la tournée, car les distances sont à l'image de l'Alaska : énormes.

 À Denver, l'agent des douanes m'a demandé ce que j'allais faire en Alaska et lorsque je lui ai dit que je devais y donner des conférences sur l'architecture, il a eu l'air complètement étonné. Il a griffonné quelques signes sur mon billet au contrôle des bagages et on m'a dirigé vers une petite porte blanche... pour une fouille en bonne et due forme de mes valises.

 Après cette séance, j'étais très heureux de me retrouver enfin dans l'avion, tranquillement assis à regarder par le hublot les bateaux traversant d'immenses quantités de bois au nord des îles Charlotte.

J'avais proposé à Klaus de venir en février pour voir l'hiver dans le Grand Nord. Mon denier voyage à l'extrême nord du Québec m'avait subjugué : survoler la baie d'Hudson couverte de glace, atterrir sur une rivière gelée. Ma première surprise arrivé à Anchorage a été d'y voir peu de neige et d'y découvrir une température semblable à celle du Québec à la même période.

 La première cabane d'Anchorage a été construite en 1915. Mais aujourd'hui, avec le boom pétrolier, plus de 300 000 personnes y vivent et on croise des centres commerciaux, des autoroutes, des édifices en hauteur au centre-ville et des orignaux qui traversent les boulevards périphériques comme si de rien n'était.

 Les gens du bout du monde sont tellement sympatiques. Ils viennent de partout, d'abord pour quelques années et souvent, pour toute leur vie. C'est ainsi que Klaus Mayer, l'architecte qui m'a invité, y a pris racine et y a fondé une famille, lui qui est originaire d'Allemagne.

 À mon arrivée, Klaus m'invite dans son bureau, un petit bungalow des années 50 entièrement recouvert de glace. À cette époque, on construisait tellement vite, pratiquement sans isolation, comme on a fait en Californie, car de toute façon, on avait le pétrole...

 Les maisons que Klaus a conçues sont posées dans le paysage. Il me propose d'aller en visiter une près d'Anchorage. Je suis toujours fasciné par ces rencontres. Quelqu'un nous contacte et nous voilà avec lui en train de discuter d'architecture, tout en roulant dans un paysage époustouflant dominant le Pacifique.

 La maison où nous nous arrêtons s'apparente à un assemblage de volumes rectangulaires dont le principal est recouvert d'acier galvanisé du côté nord. Klaus m'explique que le vent du nord peut atteindre 160 km/h. C'est pourquoi les fenêtres sur ce côté sont d'étroits bandeaux de verre. Sur l'élévation des maisons ancestrales d'ici, on faisait alors de même.

 Le séjour est à l'étage, il est entièrement fenestré sur les côtés sud et ouest, et ce, du plancher au plafond. Il est prolongé par une petite terrasse qui suit le verre. La vue sur la baie Cook est à couper le souffle. Il y a une petite boîte avec des lunettes de soleil à l'entrée. L'été, il fait clair presque sans interruption, même après 10 h le soir.

On doit donc se reposer les yeux. Klaus m'explique que l'hiver, les gens ont tendance à faire de longues journées de travail pour reprendre le temps perdu en été. L'après-midi, ils aiment aller en kayac, à la pêche ou en vélo de montagne.

 Je comprends que les gens qui vivent ici soient fascinés par la nature. Une semaine me permet de voir et de comprendre que la vie s'écoule ici d'une autre façon, rythmée par les saisons encore plus marquées que chez nous.

 L'hiver, on observe les longues nuits bleues sur le Pacifique. C'est étonnant, ici le ciel ne devient pas noir, il y a toujours comme une belle lueur bleue qui rend l'hiver supportable.

 Le reste de la maison de Klaus contraste avec le séjour. À l'étage inférieur, qui donne au niveau du sol, on a percé de petites ouvertures, une salle de cinéma maison dans laquelle on trouve un divan jaune immense qui prend presque tout l'espace pour les longues soirées d'hiver... S'ajoutent une grande chambre et un bureau qui donne sur un large corridor.

 Je suis étonné par la taille des arbres qui entourent la maison. Le courant chaud Kouro-Shivo, en provenance du Japon, leur rend le climat supportable.

 J'ai aussi fait un saut à Juneau, une ville beaucoup plus au sud. Ici, en février, il n'y a même pas de neige. On y croise quelques vestiges de l'architecture russe en bois, datant d'avant l'époque où les États-Unis ont acheté le territoire aux Russes, au XIXe siècle.

 Le souvenir des quelques flocons qui tombaient alors me rappelle que l'hiver nous rattrape ici.

 Merci Klaus pour ce séjour en Alaska.

 Pierre Thibault est architecte à Québec depuis plus de 20 ans. Diplômé de l'Université Laval, il partage dans nos pages sa vision de l'architecture et son expérience du milieu de l'habitation.

 

Photo Dave Lauridsen

Les fenêtres du mur nord, en acier galvanisé, s'apparentent à des bandeaux de verre, pour stopper le vent.