À Montréal, dans les quartiers centraux, elles poussent, souvent à l’abri des regards de ceux qui ne marchent pas la tête en l’air. Dans ce duplex centenaire qui loge aujourd’hui trois générations, la mezzanine s’est imposée aux propriétaires qui souhaitaient actualiser le bâtiment pour gagner des pieds carrés.

Alors locataires dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, Xavier Biron et sa conjointe ont acquis, dans le même quartier en 2017, un duplex qu’ils souhaitaient habiter avec la mère de cette dernière et leurs futurs enfants (au nombre de deux aujourd’hui). Un conte de fées immobilier. Ils ont obtenu la première propriété visitée. Un duplex à rénover qui remplissait tous leurs critères et qui était en vente depuis plusieurs mois. Et voilà qu’ils arrivent au moment où la succession était ouverte à négocier.

Le plan était le suivant : la future grand-maman s’installerait au rez-de-chaussée, ce qui lui éviterait de devoir emprunter, en hiver, l’escalier extérieur qui mène au logement de l’étage. La famille emménagerait donc au deuxième, non sans agrandir l’appartement de deux chambres et revoir presque entièrement sa configuration, avec l’architecte Catherine Milanese, de MOA Architecture.

« On travaillait de la maison avant la pandémie, alors on voulait un espace bureau », explique le propriétaire. L’ajout d’une troisième pièce était donc nécessaire. Agrandir oui, mais par où ? Rapidement, l’idée d’une mezzanine a fait son chemin. Cet ajout permettrait ainsi de créer une pièce supplémentaire flexible, ainsi qu’une salle de bains, sans restreindre les espaces de vie. Une pièce qui pourrait être transformée en chambre à coucher dans quelques années, au gré des besoins de la famille.

C’est un volume qui vit le soleil du matin et le soleil du soir et qui amène la lumière dans les étages inférieurs.

Catherine Milanese, de MOA Architecture

Précisons que parce que le bâtiment est entouré d’immeubles à deux étages, le règlement de l’arrondissement ne permettait pas l’ajout d’un étage complet.

Des règles strictes

PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR MOA ARCHITECTURE

Dans la cuisine, les armoires inférieures et le comptoir de quartz noirs créent une séparation entre le plancher de chêne, les armoires supérieures et le plafond faits en contreplaqué de bois.

Habitant elle-même dans une maison avec mezzanine, Catherine Milanese est une adepte de ce type d’intervention, qui permet, dit-elle, une « densification douce » de la ville. « À cause des contraintes qui sont quand même assez grandes au niveau de l’implantation, il n’y a pas de souffrance au niveau de la rue, en termes d’ombre portée, précise l’architecte. C’est une très belle façon d’optimiser les pieds carrés sans nuire au bâti de Montréal, qui est peu dense, en fait. Ces espaces-là amènent beaucoup de ce qui manque souvent dans les duplex qui ont 100 ans. »

Elle ajoute que loin de l’idée d’ériger des maisons monstres, l’objectif est plutôt « de permettre aux familles d’avoir une pièce supplémentaire pour vivre dans ces appartements d’un autre âge ».

Les règlements municipaux qui encadrent l’ajout de mezzanine sont généralement stricts. Pour respecter les règles en vigueur lors de la conception de ce projet, la superficie de cette mezzanine devait se limiter à 40 % de la superficie totale de l’étage inférieur. Aussi, la hauteur de la construction devait correspondre, tout au plus, au double de la longueur de recul avec la façade avant et au simple à l’arrière. Bref, « comme ce n’est pas un bâtiment très long [en forme de L], la contrainte de hauteur était extrême », souligne Catherine Milanese.

Du bois mur-à-mur

PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR MOA ARCHITECTURE

Pour éviter la surchauffe en été, un auvent en acier a été construit sur la mezzanine.

Puisqu’un architecte sait tirer profit des contraintes, cette limite est devenue le concept du projet. La mezzanine a été encastrée dans la toiture, renforçant ainsi l’effet de boîte, d’où le nom du projet : Bois-Boîte. « Il faut imaginer un cube de bois qui s’insère dans un duplex classique de 1910, illustre l’architecte. Un concept très, très simple. »

Pour renforcer l’effet de cube, elle a misé sur un matériau unique : du contreplaqué de sapin qui a été posé au plafond, sur les murs et sur les planchers.

On travaille beaucoup avec le bois pour sa nordicité ; c’est un matériau abordable, local, renouvelable, ce qui est pour nous une pratique intéressante à tous points de vue, autant dans la structure que dans l’expression architecturale.

Catherine Milanese

Afin d’accueillir le poids de la mezzanine, la structure du bâtiment a d’ailleurs été renforcée.

« Il y a beaucoup de fenêtres dans la mezzanine, remarque M. Biron. Tu n’as pas l’impression d’être dans une boîte. Travailler ici, c’est absolument fou ! » Le couple devait également aménager une terrasse sur le toit, mais ne l’a pas fait encore, puisqu’il n’en ressent pas le besoin.

PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR MOA ARCHITECTURE

L'effet de boîte est également perceptible dans l'aire de vie où le plancher de chêne se marie avec les panneaux de contreplaqué en sapin.

Ce bois qui compose la mezzanine, on le retrouve aussi à l’étage d’en dessous, notamment au plafond, où la boîte encastrée s’exprime clairement dans un décroché de plafond, sans que l’impact sur la hauteur soit trop grand.

Le deuxième étage a d’ailleurs été complètement repensé, tout comme l’appartement du rez-de-chaussée qui bénéficie désormais de la même configuration. La salle de bains, située à l’arrière, côté sud-ouest, bloquait la vue sur la cour et la lumière. Elle a été ramenée au centre de l’appartement. Les espaces de vie décloisonnés s’articulent ainsi autour du L, côté cour. La cuisine se trouve au centre, au cœur de la vie familiale.

PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR MOA ARCHITECTURE

Avec sa salle de bains et son divan-lit, la pièce située sur la mezzanine peut être rapidement transformée en chambre d'amis.

Établie à Montréal, MOA Architecture se spécialise dans la réorganisation du bâti des quartiers centraux, généralement composés de logements étroits, fermés, avec peu de lumière naturelle. « C’est un tout petit projet dans l’échelle des projets qu’on voit en architecture, mais c’est un projet important, souligne Catherine Milanese. On en fait beaucoup en ce moment, des projets d’ajout d’un volume qui vient changer la dynamique d’un logement. »

Totalisant désormais un peu plus de 1400 pi2, soit 300 de plus qu’avant, la superficie de l’appartement est parfaite, aux yeux de la famille. « On essaie de maximiser l’espace, affirme le propriétaire. C’est un choix de vivre en ville. On aurait pu ouvrir et faire un cottage, mais on aurait eu trop d’espace ! »

Budget total pour la rénovation des deux appartements et l'ajout de la mezzanine (incluant les taxes et les honoraires de l’architecte) : 400 000 $.

Les travaux ont été réalisés par Construction MOCO.

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