En quittant leur montagne des Laurentides pour s’installer au cœur du Plateau Mont-Royal, une jeune famille a voulu assumer pleinement sa nouvelle urbanité. L’acquisition d’un triplex des années 1950 l’a plongée dans un univers « mid-century modern ». Un jour, les réceptions investiront cet espace qui, le soir venu, prend les apparences d’un bar chic et clandestin.
De l’extérieur, rien ne peut laisser deviner l’ambiance, l’originalité et le souci du détail qui composent la Résidence Garnier. Sur la façade bigarrée, que les propriétaires n’ont pu modifier en raison des exigences de l’arrondissement, seuls les poignées de porte et chiffres d’adresses dorés reflètent la délicate touche de clinquant qui égaie l’intérieur.
En quittant la maison contemporaine qu’il habitait à Sainte-Adèle depuis quelques années, le couple de propriétaires a voulu rompre avec l’esthétisme blanc et épuré. À un point tel que le gypse, recouvert tantôt de feutre, tantôt de papier peint pâle ou de panneaux de fibres à densité moyenne (MDF), est à peine visible dans sa nouvelle résidence.
Quand on a acheté ce triplex construit en 1954, il n’y a rien qui avait changé. Il y avait du tapis partout. C’était défraîchi, mais il y avait un esprit et on voulait essayer de le conserver. On souhaitait aller vers quelque chose qui respecterait l’âme de l’endroit.
Gerardo Rubino, copropriétaire
Adeptes du design et de l’architecture des années 1950 et 1960, Gerardo Rubino et Léliane Villeneuve ont imaginé, avec les architectes Marie-Josée Dupont et Olivier Blouin, de la firme Dupont Blouin, une ambiance « à la Mad Men », rétro et un brin opulente.
La résidence est aménagée sur deux niveaux ainsi qu’une partie du sous-sol. Un appartement studio occupe le reste de l’espace. La présence d’un garage double à l’arrière a convaincu les architectes d’installer les aires de vie à l’étage et les trois chambres, au rez-de-chaussée. « L’idée d’avoir les espaces de vie en haut permettait d’avoir beaucoup plus de lumière naturelle, d’une part par la fenestration qui donne vers l’arrière, qui n’est pas obstruée par le mur du garage, et d’autre part, parce qu’on a pu ajouter des puits de lumière qui changent complètement l’éclairage de la maison », explique Marie-Josée Dupont.
Dans ce cas-ci, il s’agissait d’un choix logique, poursuit Olivier Blouin, puisque l’espace extérieur principal est une terrasse aménagée sur le toit du garage, reliée à la maison par une passerelle métallique.
Ainsi, le jour, les aires de vie sont baignées de lumière. En soirée, une tout autre ambiance s’installe, alors que les rideaux se tirent.
De la volonté d’avoir un esprit de bar/lounge et un espace privé pour cuisiner a germé l’idée d’un grand îlot en forme de U, aux courbes arrondies. « Dans notre ancienne maison [qui avait été également conçue par Olivier Blouin], on avait un îlot typique, se souvient M. Rubino. J’adore cuisiner et être l’hôte. Souvent, les gens venaient dans mes pattes et je n’osais pas leur dire : sortez de la cuisine. »
Pièce maîtresse du projet, l’îlot est surmonté d’un puits de lumière et d’une structure métallique qui épouse la forme du U et accentue l’effet de bar. La majorité du rangement et des électroménagers sont intégrés sous le comptoir.
Le réfrigérateur est dissimulé à l’intérieur de l’imposant module en noyer, qui abrite également une salle d’eau et s’étire sur les deux niveaux. Un concept né de la nécessité de limiter les coûts structuraux, explique Marie-Josée Dupont, et de dissimuler les colonnes centrales. Cela a aussi facilité l’aménagement des trois vestibules (la maison compte six entrées, certaines pour les invités, d’autres pour les occupants).
Le noyer est central dans la matérialité du projet, tout comme les dalles de terrazzo qui ajoutent une touche ludique et joyeuse à l’habitation. Elles habillent toutes les pièces, sauf la chambre d’enfant et le sous-sol, où le plancher d’origine a été restauré et réinstallé.
Ce terrazzo, qui est clair, chaleureux et qui rappelle le passé avec ses touches de vert émeraude et d’orangé, a guidé le choix de tout le reste.
Olivier Blouin, architecte
Les plinthes en cuivre, les sofas, le marbre verde Saint-Denis et les lavabos vert émeraude dans la salle de bains principale s’harmonisent tous avec les confettis qui parsèment le terrazzo.
En quittant la nature pour s’installer au cœur de la ville avec leur fillette de 5 ans, Gerardo Rubino et Léliane Villeneuve espéraient retrouver la vie culturelle, la gastronomie et les amis qu’ils avaient laissés en s’exilant dans la montagne. La pandémie a mis un frein à ces retrouvailles, les rénovations de leur propriété s’étant terminées au début de l’année 2020. « On a une maison qui a été faite pour les partys et on a hâte de la faire, la fameuse partie d’huîtres ! lance le propriétaire. En 2032, peut-être. » Ou bien avant, on le leur souhaite.
La Résidence Garnier est finaliste au prix international AZ Awards, remis par le magazine Azure, dans la catégorie Intérieurs résidentiels. Le public peut voter pour ses projets favoris jusqu’au 21 mai.
> Consultez le site web du magazine Azure
> Consultez le site web de Dupont Blouin Architectes