Ce n’est pas parce qu’on vit dans un cottage montréalais qu’il faut dire adieu aux espaces verts. Les architectes de La Shed ont réussi le tour de force d’intégrer trois jardins, qui ont chacun une fonction bien distincte, dans une maison familiale du Plateau. Visite en trois temps.

Le jardin d’hiver

Il n’est pas rare de bénéficier d’une cour ou d’une terrasse sur le toit quand on habite en ville. Mais ce qui frappe davantage dans cette résidence de la rue de Mentana, c’est la présence d’un jardin d’hiver en plein cœur de la maison. Au milieu du rez-de-chaussée, un espace entièrement vitré accueille cette sorte d’atrium qui borde la salle à manger.

« Il s’agit essentiellement d’un puits de lumière géant avec un espace extérieur protégé, précise Sébastien Parent, l’un des architectes associés de La Shed. Il n’y a pas de toit, mais on est quand même à l’abri, en toute intimité, même en pleine ville. »

PHOTO MAXIME BROUILLET, FOURNIE PAR LES ARCHITECTES

La salle à manger jouxte les baies vitrées du jardin d’hiver. Le plancher posé à l’ancienne se veut un clin d’œil à l’aspect ancien de la maison.

Si l’objectif premier de ce jardin était d’amener de la lumière à l’intérieur de la maison, le but était également de concevoir un endroit à l’atmosphère bien particulière. « On voulait aussi créer un espace privé, un petit lieu de recueillement, si on veut, apaisant, au centre de la maison. »

La magie opère notamment grâce à la verdure dont la pièce est envahie, mais aussi parce que les architectes ont travaillé à brouiller la limite entre le dedans et le dehors. « Quand on s’y trouve, on est quasiment à l’intérieur de la maison, même si on est à l’extérieur. Parce que c’est complètement vitré, transparent, et on a vraiment cette impression-là d’être dans la maison tout en étant dehors. »

L’hiver, lorsque les flocons tombent, c’est comme s’il neigeait au milieu de la maison. Il y a quelque chose d’assez magique avec cet endroit-là.

Sébastien Parent, architecte

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Le jardin d’hiver donne l’impression de faire partie de la maison notamment grâce à la continuité du mur du fond, qui suit la même ligne du salon à la cuisine, en passant par la cour intérieure.

Les architectes se sont amusés à élaborer des stratagèmes pour éviter cette rupture entre intérieur et extérieur. Notamment, ils n’ont utilisé aucun meneau dans les vitres, pour ne conserver que les grands pans de verre. « Ça permet d’avoir une transparence qui est vraiment impressionnante », souligne Sébastien Parent. Aussi, le mur du jardin est en parfaite continuité avec les murs intérieurs des pièces adjacentes, soit le salon et la cuisine. « Déjà en partant, le fait que le mur du fond continue, ça efface certaines limites », poursuit-il.

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Le puits de lumière se poursuit au-dessus de la salle à manger, pour brouiller la frontière entre dedans et dehors.

Une autre tactique a été de prolonger le puits de lumière au-dessus de la pièce qui jouxte le jardin, de manière à ce qu’il ne soit pas aligné uniquement avec la cour. Une petite dichotomie qui contribue aussi, à sa manière, à dématérialiser la limite entre les espaces intérieur et extérieur. Et à créer une atmosphère bien spéciale dans ce lieu tout à fait particulier.

La cour

Juste un peu plus loin, au bout de la cuisine, s’ouvre la cour. C’est là que la famille — les parents et deux adolescents — peut se rassembler pour prendre un repas dehors, ou tout simplement y passer les chaudes soirées d’été.

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Quand les portes de la cuisine sont ouvertes, on peut avoir l’impression de cuisiner dehors.

Ici aussi, une stratégie similaire a été observée pour créer un effet d’ouverture le plus grand possible. L’immense porte-fenêtre est plus large que le trou où elle s’insère, ce qui donne l’impression, lorsqu’elle est déployée, qu’elle n’a pas de cadre, explique l’architecte. « Ça amplifie beaucoup l’effet de communication entre la cour et la cuisine. Quand les portes sont ouvertes, on a l’impression que les îlots sont littéralement dans la cour et qu’on cuisine dehors. »

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« Été comme hiver, cette maison communique beaucoup avec ses jardins », affirme l’architecte Sébastien Parent. En effet, la frontière entre cour et cuisine, notamment, est parfaitement fluide.

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L’immense porte-fenêtre est plus large que le trou où elle s’insère, ce qui donne l’impression, lorsqu’elle est déployée, qu’elle n’a pas de cadre, explique l’architecte.

La terrasse sur le toit

Si le rez-de-chaussée est voué aux espaces communs, le deuxième niveau est celui des adolescents, qui y ont chacun leur chambre ainsi qu’un petit boudoir. Et ce n’est qu’au troisième niveau qu’on trouve la suite parentale, qui donne sur une terrasse installée sur le toit du deuxième étage.

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La terrasse sur le toit est adjacente à la suite parentale, au troisième et dernier niveau.

« Quand on a une famille avec des ados, chacun veut avoir son espace pour bien vivre ensemble, et pouvoir avoir des endroits pour se réfugier, lance Sébastien Parent. Donc c’est sûr que la terrasse sur le toit, c’est un peu ça : elle est associée à la suite parentale. »

Les parents disposent donc d’un petit lounge, d’une salle de bains, de la chambre en tant que telle, ainsi que de cet espace extérieur sur les toits. « La terrasse a été faite pour pouvoir bénéficier de la toiture, mais surtout de la vue qu’on a sur le centre-ville, qui est vraiment impressionnante à cet endroit-là, même si on n’est qu’au niveau du deuxième étage », affirme l’architecte.

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La percée vers le centre-ville est surprenante pour une terrasse située sur le toit d’un deuxième niveau.

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Bien qu’ils soient situés à différents points de la maison, les trois jardins trouvent le moyen de communiquer entre eux.

Autre élément intéressant, ces trois jardins trouvent le moyen de communiquer entre eux, d’une certaine manière. Ainsi, quand on est sur le toit, on voit la terrasse en bas d’un côté, et on a une vue plongeante vers la cour intérieure de l’autre. « Ce sont tous des jardins communicants qui sont visibles de part et d’autre. Il y a une relation entre ces trois espaces-là qu’on peut vraiment bien sentir, autant de l’intérieur que de l’extérieur de la maison. »

Rénover sans perdre le charme

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L’entrée possède un caractère classique, mais résolument contemporain, avec son plancher en damier et ses volets pliants.

Quand on regarde la façade, très typique des maisons anciennes du Plateau, rien ne permet de deviner qu’un intérieur aussi contemporain se cache derrière.

Cet effet était voulu de la part des architectes de La Shed. Ils souhaitaient garder le cachet de la façade ancienne, tout en rénovant l’intérieur. Mais afin que le contraste ne soit pas trop marqué, ils ont créé une gradation à l’intérieur de la maison, qui va de l’ancien vers le nouveau.

« La façade étant très classique, on voulait quand même que cet esprit-là transparaisse aussi à l’intérieur », note Sébastien Parent. Ainsi, l’entrée a un caractère plus traditionnel, avec son plancher en damier et ses persiennes. Ensuite, un bloc de services — composé d’un rangement pour l’entrée et d’une salle d’eau — fait office de transition avant que se dévoilent l’atrium et le reste de la maison, résolument contemporain.

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Quand on franchit le bloc de services (à gauche, derrière le divan), on se retrouve dans les pièces totalement modernes de la maison, dont le salon.

Mais l’idée était aussi de procurer un peu d’intimité aux occupants. « Ça fait une zone tampon entre la façade avant, qui est directement sur la rue, et les espaces de vie, tout en donnant un aspect plus privé à l’intérieur de la maison », résume Sébastien Parent.

La devanture elle-même a exigé beaucoup de travail pour reprendre son look d’antan, puisqu’elle avait été refaite dans les années 40 ou 50, estiment les architectes. Ils ont reconstitué chacun des détails originaux avec minutie, des fenêtres en crémone à la corniche en passant par les allèges en pierre calcaire et même les plaques d’adresses émaillées typiquement montréalaises. « Donc c’est vraiment une restauration fidèle. Ce n’est pas du faux vieux qu’on est venu recréer : on est vraiment allés chercher les techniques et les matériaux d’origine. »