Point de bâtiments reconnaissables à l'oeil nu, ni de tours chez Kengo Kuma. Le célèbre architecte japonais, choisi pour superviser le nouveau stade olympique de Tokyo, n'a qu'un credo: réintroduire la nature dans les villes.

C'est bien ce qu'il compte faire à la future gare Saint-Denis Pleyel, près de Paris, dans le cadre du Grand Paris Express, le plus gros chantier d'infrastructures d'Europe, qui doit ajouter de nouvelles lignes de métro autour de la capitale française, pour un budget de 25 milliards d'euros sur 10 à 15 ans.

«Mon travail est une réflexion contre l'évolution des villes: avec le béton, les villes du XXe ont été trop éloignées de la nature», déplore Kengo Kuma, de passage à Paris pour présenter son projet.

À 62 ans, il a imposé chênes, bambous, cèdres et mélèzes dans ses constructions à travers le monde: au Japon bien sûr, mais aussi à Portland où il vient de rénover des jardins japonais, au mur créé au pied de la muraille de Chine ou encore à la Cité des Arts de Besançon.

L'idée est de «réintroduire des matériaux naturels (souvent locaux, ndlr) et de faire fusionner l'architecture avec la nature, d'aller à l'encontre de l'architecte où l'on pose des boîtes», explique-t-il à l'AFP.

Une démarche à la fois écologique et très ancrée dans les traditions japonaises qui fascinent l'architecte, également créateur du complexe «Hikari» (lumière en japonais) de bâtiments économes en énergie à Lyon.

«J'ai toujours voulu faire de l'architecture qui respecte la tradition de la culture japonaise et adapter ses principes aux caractéristiques du XXIe siècle: la vitesse, la circulation et le besoin d'espace», souligne-t-il.

Kengo Kuma a découvert sa vocation avec le stade olympique de Tokyo construit en 1964 par son compatriote, Kenzo Tange (vainqueur en 1987 du Pritzker, considéré comme «le Nobel de l'architecture»).

Symbole d'une période d'expansion pour le Japon, cet ensemble moderniste avec des mâts de béton supportant des courbes hyperboliques l'a considérablement marqué - même si son propre travail est on ne peut plus éloigné.

Jardins suspendus

Pour «Saint-Denis Pleyel», le noeud ferroviaire francilien où se croiseront quatre lignes de métro et 250 000 passagers par jour à partir de 2023 - comparable à la station Châtelet-Les Halles au centre de Paris - Kengo Kuma a imaginé... une colline, avec des terrasses en pente douce et de la verdure.

La construction s'apparente à un origami, explique-t-il, avec des pliures reliant le sol à la gare.

Il a également prévu de faire pénétrer la lumière naturelle jusqu'au troisième sous-sol, à plus de 25 mètres de profondeur, via un atrium central et d'habiller la façade de la gare de poutres verticales en bois.

Il s'agit de créer «une atmosphère pour faciliter la rencontre, que tous se sentent bienvenus dans ces nouveaux espaces», souligne celui qui aborde son métier avec humilité, préférant s'effacer derrière ses réalisations.

Pour le stade olympique de Tokyo, de loin son plus gros projet, il se veut serein et rêve d'un lieu «qui suscite l'émerveillement des enfants», tout en étant capable d'accueillir 80 000 personnes. Kengo Kuma est attendu au tournant après avoir hérité du projet initialement dévolu à Zaha Hadid, une Britannique d'origine irakienne star de l'architecture et depuis décédée.

Le coût du projet de Mme Hadid, près de deux milliards d'euros, avait provoqué un scandale auprès des autorités japonaises, inquiètes de ce qui aurait été le stade le plus cher au monde.

Mise sur la touche, Zaha Hadid avait ensuite accusé Kengo Kuma de s'être fortement inspiré de son projet, ce dont il s'était défendu.

Fidèle à sa ligne, le Japonais a imaginé «un stade d'arbres et de verdure» avec des jardins suspendus sur les parois de l'enceinte bâtie en acier et bois. Son ambition: créer un lieu en harmonie avec la grande forêt aux alentours.