Le caractère des bâtiments de ferme et des maisons rurales captive le milieu du design. Mais qui désire aller vivre à la campagne ? Et l'agriculture suscite-t-elle un nouvel engouement ? Points de vue d'un spécialiste et d'une jeune agricultrice.
Marie-Pier Gosselin, 28 ans, compte bien prendre la relève de la petite ferme familiale de 30 vaches, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Pendant quatre ans, cette dernière a toutefois vécu à Montréal (arrondissement de Villeray), alors qu'elle étudiait l'agronomie à l'Université McGill.
Aucune tentation de rester en ville ?
« J'ai beaucoup aimé mes années à Montréal, mais je suis heureuse sur notre ferme. Et puis, Saint-Jean-sur-Richelieu, ce n'est pas la campagne éloignée », lance-t-elle.
Passionnée par son nouveau métier d'agricultrice, Marie-Pier, avec l'aide de sa soeur Virginie (qui habite Montréal et qui est photographe), a publié un livre « qui se veut un hymne au travail des artisans de la terre ». On y découvre, notamment, le quotidien de ses parents Daniel et Suzanne, producteurs de fromages fins certifiés biologiques (Au gré des champs, Les éditions du passage).
L'agriculture, donc, plus attirante que la vie urbaine ?
« C'est un mode de vie terre-à-terre, le fun, mais qui peut-être intense et très exigeant, malgré la modernisation de l'équipement. Sans compter les mauvaises saisons », admet Marie-Pier.
Bref, rien à voir avec le 9 à 5...
« La ferme, c'est une autre forme de stress qui me plaît. J'apprécie la nature, le contact avec les animaux et... le fait d'être mon propre patron ! », résume celle qui emménagera bientôt avec son copain dans une micromaison, qu'ils ont construite sur les lieux.
Retour à la terre ?
« Contrairement au retour à la terre qu'on voulait cultiver dans les années 70, nous observons davantage aujourd'hui un retour à la campagne, soit une volonté de s'établir dans un cadre de vie rural. Et ce retour est favorisé, entre autres, par l'internet », nuance Gérald Domon, professeur et directeur scientifique associé à la chaire en paysage et environnement de l'Université de Montréal.
Selon ce spécialiste de l'écologie du paysage et de l'aménagement des territoires ruraux, il y a plusieurs « campagnes » et plusieurs courants qui les traversent. « Il y a, certes, des campagnes qui se dévitalisent, mais il y en a aussi qui s'embourgeoisent et d'autres qui connaissent une nouvelle vitalité. »
Et parmi ceux qui décident de vivre à la campagne, on compte les personnes de 55 ans et plus ainsi que des jeunes qui ont envie de bénéficier d'un autre cadre de vie et de gagner leur vie autrement.
À cet effet, Gérald Domon note l'apparition d'une génération de jeunes brasseurs, producteurs bio, éleveurs ou même houblonniers en région, entre autres, au Saguenay - Lac-Saint-Jean et en Gaspésie.
« Une chose est sûre, affirme-t-il, le mouvement actuel vers la campagne prend plusieurs formes et s'avère plus nuancé qu'avant. »
Enfin, le spécialiste souligne l'importance de chasser l'image du Québec rural qui va mal et de saluer, dans la foulée, les constructions contemporaines qui expriment une nouvelle ruralité.
« Il faut faire des efforts pour préserver le patrimoine agricole et, au lieu de s'en tenir à des pastiches du passé, en créer un que l'on sera fier de léguer à nos enfants et petits-enfants », conclut-il.