Imaginez ne plus jamais avoir à accomplir de tâches ménagères. En cette saison estivale, notre journaliste s’est surprise à espérer qu’un jour toutes les corvées seraient confiées à des robots. Ce rêve pourrait-il devenir réalité ? Tour d’horizon des dernières avancées.

Objectif : améliorer le quotidien des gens

Un bras robotisé qui ramasse un toutou abandonné sur le plancher. Un deuxième qui range la vaisselle et dresse la table. Un troisième qui aspire toutes les miettes égarées dans les fentes d’un fauteuil. En mai dernier lors de la Conférence internationale sur la robotique et l’automatisation, l’entreprise Dyson a levé le voile sur l’un de ses projets jusqu’alors tenu secret : la création d’un « appareil autonome capable de réaliser des corvées ménagères et d’autres tâches ».

« Il y a un brillant avenir en robotique », affirme l’ingénieur en chef Jake Dyson, dans une vidéo mise en ligne en marge de l’évènement.

« Permettre aux citoyens de gagner du temps » et « améliorer la vie quotidienne des gens » sont deux objectifs qui animent l’entreprise, reconnue pour ses aspirateurs, à pousser plus loin ses recherches en robotique.

Pour réaliser ce projet qu’elle espère voir se déployer dans les foyers d’ici la fin de la décennie, l’entreprise mène actuellement la plus grande campagne de recrutement de son histoire. En un an, 2000 personnes se sont jointes à l’équipe et des centaines de postes restent à pourvoir, surtout au Royaume-Uni.

Notons que Toyota travaille aussi à créer un robot pouvant faire différentes tâches dans la maison depuis quelques années.

Voyez la vidéo de Dyson (en anglais) Voyez une vidéo de Toyota (en anglais)

La maison, un environnement complexe

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO, FOURNIE PAR DYSON

Un robot de Dyson en action

L’idée de créer un robot capable de faire le ménage au complet de la résidence ne date pas d’hier. Dès les années 1960, le personnage de Rosie, dans la série animée Les Jetson, a nourri ce fantasme.

« Fabriquer un robot physiquement capable de réaliser toutes sortes de tâches est très difficile, notamment parce que nos maisons ont été construites pour les humains », explique la roboticienne AJung Moon.

Un exemple ? Les poignées de porte. Elles n’ont pas toutes la même forme et ne fonctionnent pas toutes de la même façon. Alors qu’un humain comprendra rapidement comment ouvrir la porte malgré ces différences, l’apprentissage sera plus lent pour les robots, souligne la professeure adjointe au département de génie électrique et de génie informatique de l’Université McGill.

Il n’y a pas deux maisons pareilles. Le nombre de pièces, la disposition des meubles, la manière dont sont rangés les objets diffèrent énormément. Ces variantes compliquent la création d’un robot conçu pour nettoyer nos résidences. « Nous n’avons pas suffisamment de simulations de la maison type. […] Nous aurions besoin de 10 000 exemples des variations qu’on peut trouver dans les domiciles et des façons dont les gens organisent leurs affaires », affirme Glen Berseth, professeur adjoint au département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’Université de Montréal.

Reproduire la main humaine, une mission impossible ?

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO, FOURNIE PAR DYSON

Il est difficile de reproduire la main humaine pour les roboticiens.

L’environnement dans lequel évolue le robot n’est pas le seul défi auquel font face les ingénieurs. « Une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas de robots bipèdes qui nettoient les maisons, c’est simplement parce qu’il est très difficile de reproduire la main humaine, sa capacité à saisir des objets, sa peau, sa façon, par exemple, de prendre un verre sans le briser, explique Glen Berseth. Il y a des choses très faciles que les gens font très bien. On n’a pas besoin de réfléchir lorsqu’on saisit un verre. […] Le robot, cependant, doit se souvenir d’être très prudent. Il craint de briser le verre. […] Quand le robot doit exécuter des gestes sans pouvoir se baser sur un modèle très précis et qu’il y a une accumulation de variables incertaines, par exemple la forme du verre, ça devient très difficile pour lui de réaliser sa tâche de façon efficace. »

Différents prototypes

Alors qu’il menait des études postdoctorales à l’Université de Californie à Berkeley, Glen Berseth et son équipe ont créé un robot capable de ramasser de petits objets. Grâce à l’intelligence artificielle, plus spécifiquement l’apprentissage par renforcement, l’appareil, semblable à un aspirateur robot muni d’un bras, a appris par essais et erreurs à accomplir cette action.

Voyez le prototype en action

À l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh, Deepak Pathak et ses collègues ont utilisé des vidéos pour enseigner à leur prototype à accomplir une vingtaine de gestes, comme ouvrir une armoire, plier une chemise ou sortir les poubelles.

« Notre approche est inspirée de la manière dont les enfants apprennent. […] Ils s’améliorent de deux façons : en s’exerçant à faire différentes choses et en regardant les adultes autour d’eux », explique le professeur adjoint.

En effet, après avoir vu un humain ouvrir un tiroir dans une vidéo, le prototype échouait à reproduire l’action. Quelques heures de pratique plus tard, il réussissait, affirme Deepak Pathak.

Voyez le prototype en action

Un robot, une tâche

Selon les experts interviewés par La Presse, les robots capables d’effectuer de nombreuses tâches ménagères ont peu de chances de se retrouver dans les foyers avant une dizaine d’années. D’ici là, on peut se tourner vers les appareils capables de réaliser une tâche précise.

Parmi les plus vendus dans le monde, on compte le Roomba d’iRobot. L’entreprise américaine a écoulé plus de 40 millions d’exemplaires de ses différents appareils robotisés dans quelque 70 pays.

PHOTO FOURNIE PAR IROBOT

Le Roomba j7+

Le populaire aspirateur est arrivé sur le marché en 2002 et a depuis beaucoup évolué.

Alors que la première version se promenait un peu au hasard dans les pièces, aujourd’hui, l’appareil se guide grâce à des repères détectés sur les plafonds. « Les luminaires, les cadres de portes ou les contours des fenêtres sont utilisés comme des références par le robot pour qu’il puisse déterminer où il se trouve dans la maison », explique Brent Hild, directeur de produits chez iRobot.

En plus de vider son réservoir de poussière lorsqu’il est plein, la dernière version du robot détecte aussi les objets au sol et les évite. Le Roomba ne traînera pas sur plusieurs mètres le contenu d’un bol de céréales renversé ou un cadeau laissé par votre animal de compagnie, assure Brent Hild.

Au centre commercial

IMAGE FOURNIE PAR AVIDBOTS

Le robot Neo

Les robots n’ont pas uniquement fait leur entrée dans les maisons. On en trouve aussi dans des lieux publics, comme les centres commerciaux ou les aéroports. Seule entreprise canadienne à évoluer dans ce créneau, Avidbots a créé Neo, robot sans conducteur qui lave les planchers dans les grands espaces commerciaux ou industriels. « Neo utilise des lasers et des caméras pour évaluer le monde autour de lui. L’information qu’il recueille grâce à ses capteurs est analysée par son intelligence artificielle. C’est elle qui décide quel chemin sera emprunté par le robot afin de maximiser la superficie de plancher nettoyée et de minimiser le temps nécessaire, et ce, sans rien heurter », explique Faizan Sheikh, cofondateur d’Avidbots.

Croiser un robot en magasinant peut être surprenant. Comment les gens réagissent-ils ? « La plupart des gens veulent prendre une photo avec lui. Surtout les enfants », répond le directeur général de l’entreprise.

Voyez Neo en action

Des questions

La place grandissante que les robots pourraient occuper dans nos vies dans les prochaines années suscite également son lot de questions. « Je crois que nous avons besoin d’être prudents dans la façon dont nous les introduirons dans nos foyers », pense AJung Moon. La membre associée de l’Institut Mila souligne notamment que les données recueillies par ceux-ci devront être protégées. Des enjeux éthiques aussi seront soulevés. « Par exemple, si une adolescente qui n’a pas atteint l’âge légal de boire de l’alcool demande à un robot de lui apporter une bouteille de tequila, est-ce que le robot devrait lui obéir ? », s’interroge AJung Moon. « Le problème, c’est qu’il faudrait prévoir et programmer toutes ces situations dans le système. » Une tâche plutôt compliquée, estime-t-elle.