La façon dont les habitations sont érigées au Québec pourrait changer. L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), en collaboration avec des chercheurs de l’Université Laval, étudie depuis deux ans le concept du mur parfait, adapté aux maisons du Québec. Le but ? Reconsidérer la façon d’isoler et de rendre étanches les habitations à ossature de bois, pour s’ouvrir à une manière différente de concevoir le bâtiment… en le protégeant par l’extérieur.

Le concept est loin d’être nouveau. Il a été élaboré dans les années 1980, au Canada, par l’ingénieur Joseph Lstiburek, devenu depuis une autorité à l’échelle internationale sur le contrôle de l’humidité dans les bâtiments et la qualité de l’air intérieur. Le concept est appliqué depuis longtemps dans les secteurs institutionnels et commerciaux, et même lors de la construction d’immeubles en copropriété en hauteur. Mais il est relativement nouveau dans la construction d’habitations à ossature de bois.

« On est rendus là, estime Marco Lasalle, directeur du Service technique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), instigateur du projet. Les maisons qu’on a présentement sont bonnes. Mais on est capables de faire mieux pour le même prix ou moins cher. C’est cela qu’on veut démontrer. »

Il s’appuie sur les recherches du DLstiburek pour définir le concept d’un mur parfait, adapté au climat du Québec. Le contrôle des éléments (précipitations, température, courants d’air et condensation) se fait alors par l’extérieur des murs, pour établir une véritable barrière entre l’intérieur et l’extérieur. La structure du bâtiment se trouve ainsi mieux protégée, tout en augmentant le confort des occupants.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Voici un prototype de mur parfait selon l’APCHQ. L’ordre dans lequel sont placées les composantes du mur est inversé. Les matériaux rigides, qui servent à isoler et protéger le mur des intempéries, se trouvent à l’extérieur du mur, directement sous le revêtement d’aluminium.

La quête du mur parfait ne se fait pas au hasard. Elle s’appuie sur une recherche menée par Alexis Caron-Rousseau, dans le cadre de sa maîtrise à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval. Le projet entre maintenant dans une nouvelle phase, grâce à la construction de deux maisons voisines à Bécancour, identiques sauf en ce qui a trait à leur isolation et à leur étanchéité. L’une sera construite de façon traditionnelle (avec l’isolation, les écrans pare-vapeur, pare-pluie et pare-air à l’intérieur des cavités murales), tandis que la seconde sera protégée par l’extérieur à l’aide de matériaux rigides remplissant les mêmes rôles. À noter : l’utilisation de bois 2 x 4 sera privilégiée (plutôt que 2 x 6), ce qui entraînera d’importances économies.

La volonté de l’APCHQ, c’est d’améliorer les façons de faire. On veut que les constructions coûtent le moins cher possible, pour faciliter l’accès à la propriété. Cela ne veut pas dire de faire des maisons de piètre qualité.

Marco Lasalle, directeur du Service technique à l’APCHQ

« Les modèles informatiques nous démontrent que ce seront des maisons de plus grande qualité et durables, à haute efficacité énergétique, qui nécessiteront l’utilisation de moins de matériaux, poursuit M. Lasalle. Il y aura moins d’assemblage, réduisant du même coup le risque d’erreurs. »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR ROXAN TURCOTTE

Voici à quoi ressembleront les deux maisons voisines, qui seront bâties à Bécancour par Construction R. Turcotte. Elles seront identiques, sauf en ce qui a trait à leur enveloppe.

Il insiste : il est question d’un concept. Il ne privilégie aucun matériau en particulier. De nombreux fabricants suivent d’ailleurs avec intérêt l’évolution de la recherche, afin de mettre au point et de proposer leur propre solution.

Mille et une façons

Roxan Turcotte, président et propriétaire de l’entreprise Construction R. Turcotte, à Trois-Rivières, a été sélectionné pour bâtir les deux maisons qui serviront à la collecte de données pendant environ deux ans, grâce à l’appui de la Société d’habitation du Québec.

« Il y a mille et une façons de construire un mur », souligne l’entrepreneur de 39 ans, qui cherche constamment à améliorer ses façons de faire, en suivant un grand nombre de formations offertes par l’APCHQ.

PHOTO FRANÇOIS PILON, FOURNIE PAR ROXAN TURCOTTE

Roxan Turcotte

Je m’inspire un peu de tout parce que la construction exige un résultat, mais ne dit pas comment faire. Cela fait partie de mes convictions de faire des maisons construites intelligemment.

Roxan Turcotte, président et propriétaire de l’entreprise Construction R. Turcotte

Dans le domaine depuis 21 ans, il se sent épaulé tout en ayant une marge de manœuvre. « C’est stimulant de voir que l’APCHQ travaille en parallèle avec nous, précise-t-il. Ils nous ont demandé comment on voulait construire la maison aux murs parfaits, ce qu’on voulait utiliser comme matériaux, en tenant compte de l’information qu’ils nous ont donnée. On a regardé quatre ou cinq compositions de murs, on en a choisi une par rapport à la disponibilité des matériaux et à la façon dont on veut l’assembler. Ils ont bâti un tutoriel et ils ont fait un mur en studio, pour s’assurer que cela soit réalisable avant de le mettre en chantier. Il faut faire plus de petites choses pour monter la structure, mais la journée où on va rentrer dans la maison, ce sera beaucoup plus rapide. D’où l’importance d’avoir une maison témoin et une maison aux murs parfaits. On va pouvoir analyser la charge de travail et le temps. »

D’autres données, comme l’efficacité énergétique, l’étanchéité à l’air et l’insonorisation, seront aussi entre autres compilées. À suivre !