Le « confident de ces dames » est de retour. En version revue et améliorée, mécanique ou technologique, cet objet d’une autre époque, qu’on croyait relégué aux oubliettes, fait un retour en force ces jours-ci. Et pas seulement pour les raisons que l’on sait…

David Dufresne et Loli Sénéchal-Berthiaume n’ont pas eu peur de manquer de papier de toilette ces derniers jours. Ni ces derniers mois. Ni jamais, en fait. La panique qu’ont connue bon nombre de consommateurs (qu’on a vu s’emparer en quantité de rouleaux en magasin, comme si leur vie en dépendait) leur est passée au-dessus de la tête. « On n’a pas de réserves, et je ne suis pas inquiète d’en manquer. Si on en manque, on prendra des débarbouillettes… », confirme la mère de deux fillettes de 8 et 10 ans.

Pour cause, la petite famille du Plateau Mont-Royal s’est dotée depuis plusieurs années non pas d’un, mais bien de deux bidets à la maison. Au rez-de-chaussée comme à l’étage, l’objet (l’un plus rudimentaire, sorte de jet installé dans la cuvette ; l’autre plus techno, carrément intégré au siège, avec jets ajustables, à température variable) est à l’honneur. Le père de famille est si convaincu qu’il s’en est même acheté un modèle portable, pour le voyage, qu’il a déjà apporté en camping. Oui, dans le bois. « Avec ma gang de chums, pouffe-t-il de rire. Tout le monde s’est foutu de ma gueule. » Il faut dire que ce dernier, sorte de robinet à visser sur une bouteille, est d’un rose flash très viril. Mais l’homme s’assume. « Bien sûr ! », assure-t-il, sourire en coin.

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David Dufresne et Loli Sénéchal-Berthiaume n’ont pas eu peur
de manquer de papier de toilette ces derniers jours.

S’ils n’ont pas ici complètement éliminé le papier hygiénique, ils ont tout de même réduit leur consommation de moitié. Le nettoyage se fait à l’eau, et il suffit de se sécher (avec une débarbouillette ou, au besoin, un morceau ou deux de papier, sans plus).

Alors ultimement, si on ne trouve plus de papier hygiénique, ce ne sera pas un problème…

Loli Sénéchal-Berthiaume

L’idée du bidet leur est venue en voyage, en 2013, lors d’un séjour à Istanbul. « On a trouvé ça hygiénique, moins irritant, et environnemental, aussi ! », se souviennent-ils. Leurs bidets sont une sorte de « souvenir de voyage ». « Un peu comme après un voyage en Bosnie, on s’est mis à boire du café bosniaque », illustrent-ils.

À noter : dans plusieurs pays du monde, ces jets d’eau intégrés aux cuvettes (ou disposés à côté, selon les cultures) sont effectivement monnaie courante. Dans différents pays d’Europe, mais aussi au Moyen-Orient, et surtout en Asie. Au Japon, plusieurs toilettes publiques sont équipées pour nettoyer et même sécher ses dignes utilisateurs. Ironiquement, si les premiers bidets (de l’ancien français « bider », un petit cheval sur lequel on monte accroupi, vous devinez l’analogie) sont apparus en France au XVIIIe siècle (d’abord comme objet de luxe – on dit que Napoléon en avait un en argent), il s’est rapidement démocratisé, avant de quasi disparaître, faute d’espace, dans l’Hexagone aujourd’hui. Mais manifestement, pas ici…

Tendance coronavirus

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Au rez-de-chaussée comme à l’étage, le bidet est à l’honneur chez les Dufresne–Sénéchal-Berthiaume.

La preuve : la semaine dernière, la demande était telle que certains détaillants les ont carrément déplacés à l’entrée de leurs magasins. C’est le cas du Home Depot de la rue Beaubien qui, jusqu’ici, n’en vendait pour ainsi dire jamais. « Les accessoires de bidet, on n’en vend normalement presque pas. Et là, la semaine dernière, on en a vendu pour 2000 $ », confirme la gérante Mélyna Deschambault. Certains modèles (notamment la douche à main) sont si populaires qu’ils sont presque en rupture de stock. « Mais on va en commander d’autres », assure-t-elle. Le magasin propose en tout 132 articles différents (en ligne), du modèle de voyage au siège de toilette bidet le plus luxueux, en passant par différents modèles de pulvérisateurs à mains. Pour tous les goûts et tous les budgets (de 20 $ à plusieurs centaines de dollars).

Home Depot n’est pas le seul à noter un intérêt renouvelé pour le bidet. Sur les ondes de CNN, le directeur général de la marque Tushy (qui propose un jet à intégrer à sa cuvette, offert sur Amazon) a affirmé avoir multiplié ses ventes par 10 depuis la crise de la COVID-19 et cette prétendue menace d’une pénurie de papier hygiénique. Brondell (qui vend aussi ses bidets sur Amazon) a confié au Business Insider vendre un article toutes les deux minutes, soit 1000 par jour. La marque aurait encaissé 100 000 $ en une seule journée la semaine dernière, signale le journal.

Marie-Pierre Bouchard est de ceux qui se sont rués sur les bidets, dans la foulée de cette fameuse pénurie anticipée. « Ça faisait deux mois que j’y pensais. » Cela dit, ses motivations étaient ailleurs. « Pour réduire mon empreinte écologique », fait-elle valoir. Car si l’actualité a éclipsé momentanément ce dossier, le facteur environnemental n’est pas à négliger quand on pense faire un tel virage bidet. Un rapport publié l’an dernier par le Natural Resources Defense Council confirme que la consommation de papier hygiénique contribue effectivement à la déforestation. Un reportage de Radio-Canada confirme qu’au pays, ce sont 4 milliards de rouleaux qu’on envoie directement aux égouts, et ce, chaque année. Quant à ceux qui s’inquiètent de la consommation d’eau associée au bidet, sachez ceci : un jet utilise 0,5 litre d’eau à la minute. Un rouleau de papier hygiénique nécessite quant à lui 287 litres pour sa fabrication, indique Marie-Pierre Bouchard, des chiffres d’ICI Explora à l’appui. D’où son achat tout récent d’une douchette à mains, directement apposée à son bol. « Let’s go, s’est-elle dit, le moment est parfait ! »

> Consultez la fiche des bidets offerts chez Home Depot

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