On passe souvent à proximité des chantiers sans trop comprendre ce qui s’y passe. La Presse lève le voile sur les métiers méconnus de la construction. Aujourd’hui : le ferblantier-couvreur.

Ferblanterie est un mot fourre-tout qui définit de façon plutôt imprécise les métiers qui comprennent la manipulation de surfaces de métal. La plupart des ferblantiers vont être appelés à façonner la tôle pour construire et assembler des systèmes de ventilation ou des murs d’édifices commerciaux et industriels. Mais un petit nombre se spécialise dans la construction et la restauration de toitures.

« On est un peu à part, car notre métier est un peu plus complexe, nous explique Carl Couture, ferblantier-couvreur chez Toitures R.C.M. On fait tellement un métier traditionnel, ancien, que l’on s’est développé une spécialité. En fait, on installe tous les types de toitures en métal, en ardoise, en bardeaux de cèdre et même en terre cuite, ce qui est plus rare, évidemment. »

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Carl Couture a débuté tôt dans la profession, initié par son père ferblantier,
qui l’a recruté quand il avait tout juste 18 ans.

Carl Couture a découvert le métier au contact de son père ferblantier, qui l’a recruté quand il avait tout juste 18 ans. Mais c’est sans doute son amour pour l’histoire et le patrimoine qui l’a amené à développer une véritable passion pour la ferblanterie traditionnelle. « J’ai toujours aimé l’histoire, j’aimais déjà ça à l’école secondaire, raconte le gaillard de 38 ans. D’ailleurs, mes amis me trouvaient bien bizarre de choisir autant de cours d’histoire ! Aussi, quand je travaille dans des couvents ou des maisons anciennes et que je passe devant une plaque qui rappelle l’histoire du bâtiment, je m’arrête automatiquement pour la lire, ça rejoint mon côté amant de l’histoire. »

Les experts de Toitures R.C.M. sont en effet souvent embauchés pour mener à bien des projets de restauration de bâtiments patrimoniaux, notamment pour corriger certaines erreurs du passé ou pour mettre à jour une isolation déficiente. « Avec les changements climatiques, il y a souvent moins de neige et davantage de glace, on va donc installer des membranes en dessous du métal ou de l’ardoise, explique Carl Couture. Les techniques utilisées étaient bonnes autrefois. Ce sont les conditions qui ont changé. »

De génération en génération

Selon Carl Couture, le métier n’a d’ailleurs pas évolué tant que ça. Quelques machines spécialisées permettent d’augmenter la cadence de production alors que les ferblantiers-couvreurs ont aujourd’hui la possibilité de faire usiner des outils qu’ils ont eux-mêmes imaginés. « Mais il reste que c’est un métier qui se transmet de génération en génération, on utilise donc les mêmes techniques qu’il y a 100 ans », soutient-il.

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« C’est un métier qui se transmet de génération en génération, on utilise donc les mêmes techniques qu’il y a 100 ans », dit Carl Couture.

On utilise encore des manchons de cuivre pour faire nos soudures, à la différence qu’à l’époque, ils utilisaient de la braise à la place de brûleurs au propane. Dans l’ensemble, je retrouverais les mêmes méthodes si je revenais 100 ans en arrière, je ne serais pas dépaysé, c’est certain.

Carl Couture, ferblantier-couvreur chez Toitures R.C.M

En plus d’apprendre auprès de son père et d’autres ferblantiers-couvreurs d’expérience, Carl Couture a pu s’inspirer du travail d’ouvriers européens qui sont venus pratiquer leur métier au Québec. « C’est un métier plus commun là-bas, soutient-il. J’ai donc pu approfondir mes connaissances au contact de travailleurs français qui m’ont enseigné des techniques utilisées chez eux. » C’est maintenant à son tour de montrer les rudiments aux plus jeunes, qui répondent à l’appel, selon lui. « Il y a de la relève, même si l’on souffre de la pénurie de main-d’œuvre, comme dans bien d’autres métiers de la construction, affirme-t-il. Ce n’est bien sûr pas tout le monde qui est intéressé à faire notre métier, on travaille à l’extérieur dans des conditions climatiques qui peuvent être exigeantes. Mais tout le monde peut commencer à faire ce métier. Si on a l’intérêt et la passion, ça va se faire tout seul. »

Matériaux durables

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« De plus en plus de gens choisissent de nouveaux produits qui ont l’aspect du bardeau, mais qui sont faits en métal, note Carl Couture. Le métal dure beaucoup plus longtemps. »

Les ferblantiers-couvreurs sont de plus en plus appelés à travailler sur des constructions neuves, car les propriétaires redécouvrent la durabilité des matériaux utilisés à l’époque. « De plus en plus de gens choisissent de nouveaux produits qui ont l’aspect du bardeau, mais qui sont faits en métal, note Carl Couture. Bien des propriétaires s’aperçoivent que les bardeaux d’asphalte ne valent pas grand-chose. Tu dois les remplacer au bout de 10 ou 15 ans, alors que le métal dure beaucoup plus longtemps. »

Toutefois, il reconnaît d’emblée qu’il s’agit d’un investissement considérable pour plusieurs catégories d’acheteurs : « Les jeunes familles n’ont pas les moyens de s’acheter ça. Je comprends qu’elles ont d’autres priorités financières, dit-il. De même, les personnes plus âgées ne vont pas payer pour ça quand elles prévoient vendre leur résidence dans un avenir rapproché. C’est pourquoi on travaille surtout dans la restauration, malgré tout. » Ce qui n’est pas pour déplaire à Carl Couture. « Se promener dans des vieux clochers et découvrir comment ils construisaient ça, c’est spécial, confie le jeune entrepreneur. L’allure d’une belle maison d’époque bien restaurée, j’aime ça. J’apprécie la diversité des anciennes toitures, les ornements de cuivre et les belles ardoises. On fait un métier d’époque, ça m’accroche. »

Les outils du ferblantier-couvreur

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Marteau, ciseau, pinces à bec plat, fers à souder et plieuses sont les principaux outils avec lesquels travaille le ferblantier-couvreur d’aujourd’hui, tout comme celui du XIXe siècle.

Le ferblantier-couvreur utilise à peu près les mêmes outils que ceux qui étaient utilisés au XIXe siècle. Marteau, ciseau, pinces à bec plat, fers à souder et plieuses sont les principaux éléments qu’il va prendre en main pendant une journée de travail typique. « J’ai des plieuses dans mon atelier qui ont 100 ans, nous explique Carl Couture. L’ingénierie de ces machines-là est restée la même, même pour les sertisseuses qui servent à fermer les joints de nos panneaux de métal. »