À 8 ans, Karine Vincent a vécu l'incendie de sa résidence familiale. Peu d'objets ont échappé aux flammes. Parmi eux, un plat rouge avec, sur le couvercle, des petits oiseaux orange et rouge... Trente-quatre ans plus tard, Karine possède plus de sept cents variations de ce petit plat. Elle collectionne les Pyrex. Portrait.

Dans un monde où l'on se questionne de plus en plus sur la consommation et où le minimalisme devient tendance, les collectionneurs sont fascinants. Qu'est-ce qui peut bien pousser un être humain à accumuler tant d'objets?

C'est au cours d'une année sabbatique, entreprise en 2014, que le déclic a eu lieu pour Karine Vincent. En chinant dans les ventes de sous-sol d'église de sa région, elle a remarqué ces petits plats vintage aux couleurs acidulées et aux motifs variés qui lui rappelaient celui qu'elle possédait déjà et qui avait été sauvé de l'incendie de la maison familiale, quelques décennies plus tôt. Quelques clics plus tard, une passion naissait, et Karine Vincent devenait collectionneuse.

Il faut dire que Karine habite une ville qui compte beaucoup d'églises et une population vieillissante: des conditions parfaites pour une chasseuse de Pyrex. «Les premières années, je ramassais énormément de Pyrex rose et turquoise: j'en trouvais beaucoup pour presque rien. Je laissais volontairement les plus récents, ceux des années 80 aux tons de brun, de beige ou vert, de côté. Ce n'est qu'en 2016, après avoir fait un peu le tour des autres motifs, que j'ai aussi commencé à les collectionner.»

Le «territoire de chasse» de Karine s'étend en général sur un rayon de 300 km autour de Saint-Hyacinthe, mais elle a déjà parcouru plus de 400 km pour aller chercher une «Casserole Yellow Gourmet» (en anglais, le terme «casserole» désigne un plat de cuisson allant au four).

Pour Karine, il est difficile de concevoir qu'un voyage ne fasse pas un détour par les ventes-débarras, les brocantes ou les sous-sols d'églises. 

La collectionneuse n'achète pas pour revendre, mais elle participe à des rencontres-échanges avec d'autres collectionneurs. Elle se dit raisonnable dans ses achats, avouant que la plus grosse somme consacrée à sa passion a été de 400 $ pour un ensemble à motif Butterprint orange. 

Karine constate une très grande variation dans les prix. «Certaines personnes se fient à eBay et pensent qu'elles possèdent un trésor, alors qu'elles ont en fait un modèle assez commun, comme l'Old Orchard, par exemple. Pour la majorité des motifs standard, la valeur se situe approximativement entre 5 $ et 30 $ le morceau. Il n'y a donc pas de quoi s'affoler! Même si eBay peut donner une idée de départ - et encore, il faut regarder les prix de ce qui s'est vendu, et surtout pas les prix demandés -, le marché québécois est très différent.» Bien sûr, il y a des histoires qui ont fait le tour de l'internet et qui ont nourri la légende. Ainsi un bol au motif rare, le Lucky in Love (trèfles verts et coeurs roses), se serait vendu plus de 4000 $.

L'ABC du Pyrex

Chaque motif (ou presque) a un nom. Les plus tendance, dans les teintes de turquoise, sont le Butterprint et le Snowflake. Les motifs roses Pink Daisy et Gooseberry sont aussi à la mode et relativement faciles à trouver. Chaque forme et grosseur de bol est associée à un numéro. Ainsi, les bols à mélanger avec des becs verseurs portent respectivement, du plus petit au plus grand, les numéros 441, 442, 443 et 444. Les sites (en anglais) Pyrex Love et Pyrex Passion sont des références pour les collectionneurs.

Photo Martin Tremblay, La Presse

L'ensemble de saladiers rose et blanc affiche un des motifs préférés de Karine Vincent: le Gooseberry. Le motif de l'ensemble turquoise est le Balloons (ou Hot Air Balloons), un ensemble relativement rare.

Commencer une collection

Un vrai collectionneur de Pyrex commence en général à jeter son dévolu sur un motif en particulier. Puis, il cherchera à acquérir tous les modèles de plats qui ont été fabriqués avec ce motif. Ainsi, pour la majorité des motifs, la collection complète compte quatre bols cendrillon, trois ou quatre bols à mélanger, deux casseroles ovales, six casseroles rondes avec couvercles, cinq petits plats rectangulaires à réfrigérateur et le plat divisé. En tout, pour un motif comme le Butterprint, cela représente donc 20 articles.

Les Pyrex ne sont pas tous égaux

Des plats sont plus recherchés que d'autres. On ne retrouve pas les mêmes Pyrex sur le marché québécois que sur le marché américain ou même ontarien. La plupart des motifs standard ont été produits en grande quantité; certains motifs ont été en production pendant plusieurs années. En plus de cette production normale, l'entreprise créait des motifs promotionnels habituellement une ou deux fois par année: au printemps, pour la saison des mariages et à la fin de l'automne, pour la saison des Fêtes. Au Québec, on trouvera plus facilement les motifs standard bruns, verts et dorés de facture plus récente que les motifs lancés dans les années 50.

Photo Martin Tremblay, La Presse

Sur les couvercles aussi, on retrouve des motifs. Le Floral Bubbles (celui avec de petites fleurs noires et brunes) est un des plus communs, alors que le couvercle avec motif vert et bleu Spirograph fait partie des plus recherchés.