Il dit que l'ébénisterie est une maladie chronique incurable. Heureusement, on n'en meurt pas - même que lui aurait plutôt tendance à en vivre. Or, rien ne prédestinait Mathieu Pellerin à ce métier quand, au moment d'entamer sa maîtrise en création littéraire, il s'est inscrit à un cours à l'école du meuble pour se «changer les idées».

Il aurait tout aussi bien pu s'essayer à la mécanique. Mais on suppose que la poésie du bois, ce qu'il reste de vivant dans un arbre qu'on dit mort, a interpellé le littéraire en lui. Il a fini par faire son DEC. Et par lancer MATPEL - ébénisterie écologique. Il tient à ces deux derniers mots comme un arbre à ses racines: «Ça fait partie du nom de l'entreprise parce que je veux rester fidèle à mes principes de départ.»

Écologique, ça veut dire, notamment : n'utiliser que du bois indigène et local, choisir des produits (cires, vernis, colles, panneaux de particules, contreplaqué) naturels ou à faible émission de composés organiques volatils (COV), et construire pour durer. 

Ça n'a l'air de rien, mais peu d'ébénistes peuvent se targuer d'un tel engagement et s'y tenir. Or, ça dure depuis bientôt neuf ans. Et les meubles qu'il conçoit et fabrique avec ses compagnons sont de ceux qui se transmettent de génération en génération. Comme le robuste chiffonnier de votre trisaïeule, né bien avant l'ère du préfabriqué, et qui n'a rien perdu de son charme intemporel.

Le bois «local» 

Quant au bois «local», il ne pourrait l'être davantage. Depuis trois ans, Mathieu Pellerin et son associé, Alexandre Martel, se sont notamment mis en tête de récupérer les arbres que l'on coupe à Montréal et dans les environs. «Au moins 80 % de ce qui est coupé à Montréal est réduit en copeaux ou transformé en bois de chauffage, s'indigne Mathieu Pellerin. C'est un gaspillage énorme! Si on avait une scierie à Montréal, on pourrait arrêter d'aller couper des chicots dans le nord de l'Abitibi et débiter ce bois en planches au lieu de le jeter.»

Inspirés par l'artiste américain George Nakashima, Mathieu et son équipe tirent de ces géants morts de vieillesse ou de maladie des tranches de vie, littéralement. Taillées longitudinalement, souvent à hauteur d'une fourche ou d'un noeud, les tranches sont soigneusement mises à sécher dans un entrepôt à température contrôlée, puis dans un séchoir bricolé avec des ventilos d'ordinateurs et d'autres éléments (très) artisanaux. L'arbre revit ensuite, tranche par tranche, sous forme de tables, d'étagères, de bureaux, avec ou sans son écorce et les reliefs que la nature lui avait donnés. Quand on conserve ces derniers, on appelle le style live edge, ou «arête vivante» (traduction libre).

Mathieu Pellerin et Alexandre Martel font affaire avec quelques émondeurs qui acceptent de couper l'arbre aux endroits qu'ils choisissent pour leur potentiel esthétique: noeud, branche, fourche... Ils débitent ensuite les sections sur place avec une énorme scie à chaîne. «C'est une surprise et un immense plaisir chaque fois qu'on coupe une ‟slab" et qu'on découvre sa beauté, dit Mathieu Pellerin. C'est très romantique. C'est au coeur de mon idéal.» 

Avec le printemps, il a devant lui une quinzaine d'arbres à récupérer, dont un ailante glanduleux du Jardin botanique, une espèce considérée comme envahissante, mais qui trouvera grâce à ses yeux et vie par ses mains.

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Visitez le site de MATPEL: www.matpel.ca

Découvrez l'artiste George Nakashima: www.nakashimawoodworker.com/

Photo Phil Bernard, fournie par MATPEL