Mobiliser les ressources de plus d'une génération pour améliorer sa qualité de vie, voilà une idée séduisante.

Comme il arrive souvent, ce projet d'une nouvelle résidence, en l'occurrence une maison intergénérationnelle, a pris vie à la naissance d'un nouvel enfant, le deuxième d'Allison et de Philippe. 

« Nous étions dans un rez-de-chaussée qui manquait de lumière, relate Allison. Nous avons pensé faire équipe avec ma mère. Au lieu d'être locataire chez des étrangers, peut-être voudrait-elle l'être chez nous ? » La perspective plaisait à Philippe : « Ma belle-mère est quelqu'un d'agréable », affirme-t-il. 

Une petite tribu de cinq allait donc se retrouver sous un même toit : Allison et Phillipe, leurs enfants Laïla, maintenant 8 ans, et Amiel, 4 ans, ainsi que grand-maman Céline.

Le triplex déniché dans le quartier Mile End était dans un bien piètre état, avec ses planchers pentus, une isolation quasi inexistante et un barbecue défraîchi dans la cuisine. Il se composait d'un logement au rez-de-chaussée et de deux appartements à l'étage. 

Désireux de remanier totalement l'espace, les nouveaux propriétaires ont fait appel à Vouli Mamfredis, de Studio MMA, atelier d'architecture. « Nous avons choisi Vouli pour son expertise en construction écologique, explique Philippe, lui-même propriétaire d'une entreprise verte de service-conseil en efficacité énergétique et énergie renouvelable. Dans cette aventure, le couple avait à coeur de mettre en application ses valeurs environnementales.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Le triplex déniché dans le quartier Mile-End était dans un bien piètre état. Les nouveaux propriétaires ont fait appel à Vouli Mamfredis, de Studio MMA, atelier d'architecture, pour remanier totalement l'espace.

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Sur le placard du vestibule, un fini de porte capable de résister aux crayonnages et à leur effacement (IdeaPaint).

À BAS LES MURS ! 

La création de nouveaux espaces implique parfois des décisions radicales : on a jeté à terre les murs porteurs au milieu du logement d'en bas. « Ça représente tout un défi, explique Vouli Mamfredis, car on doit effectuer un transfert de charge sur une poutre et deux colonnes. Mais c'est aussi une occasion extraordinaire, celle de créer un espace où la lumière naturelle pénètre en profondeur et met en valeur une finition recherchée. » 

En témoigne la noble poutre de bois massif (sapin de Douglas, ou « B.C. Fir ») au plafond de l'aire ouverte, poutre soutenue par deux colonnes du même matériau. « Certains clients préfèrent une poutre d'acier enrobée de gypse, indique Vouli Mamfredis. Avec le bois, il faut s'attendre à ce que des fissures apparaissent, fissures qui n'ont pas d'impact sur l'efficacité structurelle. Le client doit accepter et apprécier cette esthétique. » 

Outre l'élimination des murs porteurs, la poutre et les colonnes ont permis de corriger les désalignements de la structure. 

GRANDES FENÊTRES ET GÉOTHERMIE

Les imposantes vitres de la cuisine, qui vont du plancher au plafond, font grosso modo face au nord, une incohérence sur le plan de l'efficacité énergétique, mais aussi un compromis bien assumé. 

« Allison et Philippe voulaient de l'éclairage naturel, explique Vouli Mamfredis. Il a fallu trouver un équilibre entre lumière de l'extérieur et efficacité énergétique. » 

Le déficit lié aux grandes fenêtres est pour ainsi dire tempéré par l'équipement géothermique qui, une fois installé, produit une énergie renouvelable et peu dispendieuse. 

Invisible sous le patio, dans la cour arrière, se trouve un puits géothermique de 150 m de profondeur et de 15 cm de diamètre. Il est muni d'une tubulure dans laquelle circule en boucle un liquide caloporteur. Comme la température en profondeur se situe, à tout moment de l'année, à 9 °C environ, on y puise de la chaleur en hiver et de la fraîcheur en été.

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Les fenêtres et la porte (condamnée) ont conservé les dimensions d'origine. Au plafond, les luminaires encastrés à DEL (Sistemalux) et un rail d'halogènes.

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Une longue poutre de bois massif a remplacé l'ancien mur porteur. Invisible sous le patio: le puits géothermique (Géothermie Total).

La maison réalise certaines économies sur l'éclairage, presque entièrement à DEL (diode électroluminescente), une technologie de 80 à 90 % moins énergivore que celle des ampoules incandescentes. « À l'époque, les DEL étaient beaucoup moins disponibles, souligne Philippe. C'était pousser loin la volonté écologique. » 

MAMIE TROTTINETTE

« Avant d'emménager tous ensemble, on n'arrêtait pas de se dire qu'il fallait se réunir pour établir des règlements, raconte Céline. Finalement, on ne l'a jamais fait ! Et les choses se déroulent très bien. »

Presque tous les jours, Céline va chercher Laïla à l'école et lui apporte sa trottinette. « Je reviens avec elle en faisant une marche rapide, rapporte-t-elle. Pas besoin de m'inscrire à un gym ! Parfois, je vais chercher Amiel aussi. J'envoie un texto aux parents, le matin, pour leur signaler que je suis disponible. » 

« Son aide est d'autant plus appréciée que nos vies professionnelles sont bien remplies et nous amènent à voyager régulièrement, dit Allison. En retour, nous pouvons la gâter un peu et veiller sur elle, plus encore dans les années à venir. »

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Grand-maman Céline à son balcon.

Des proprios écoconscients

Pour Allison et Philippe, construire avec une conscience écologique n'apporte que des avantages. «Premièrement, la fierté, commence le propriétaire. Deuxièmement, une expérience pratique de ce que je conseille à mes clients. Et enfin, des économies d'énergie.» «Nous nous sentons bien avec nos choix, ajoute Allison. Sur les plans de la santé et de l'environnement.» Quant à Céline, la mère d'Allison, elle dit avoir subi l'influence de sa fille et de son gendre: «Je suis devenue plus écolo à leur contact.»

Matériaux sains et écolos

Allison, aussi ferrée en matériaux écologiques que son compagnon l'est en solutions énergétiques, a choisi Plancher Dava pour le revêtement de sol. Cette entreprise récupère le bois des arbres ornementaux refusés par les scieries, pour produire un bois franc de qualité. Dans la cuisine et les chambres d'enfant, les armoires et les meubles ne dégagent pas d'émanations toxiques (panneaux PureBond, de Columbia Forest Products). Le comptoir de cuisine est en quartz, un matériau très durable et sans entretien. Une huile écologique protège le bois de la cuisine, de la salle de bains, du patio et de la clôture (Kunos 244, distribuée par Livos Canada).

Géothermie

Pour Philippe, conseiller en efficacité énergétique et énergies renouvelables, la géothermie allait de soi dans cette maison. «Tant qu'à dégarnir les murs, aussi bien en profiter pour passer les conduits à air pulsé», fait-il valoir. Ces derniers sont reliés à une thermopompe elle-même couplée au système géothermique installé dans la cour arrière par Géothermie TOTAL. La géothermie diminue la facture de chauffage et de climatisation de 75 à 80%. Cette technologie a la réputation d'être chère, mais Philippe soutient qu'elle peut être source d'économies dès la première année.

«Le coût de la géothermie ajouté à une hypothèque répartie sur 25 ans, au taux d'intérêt actuel, est plus que compensé par l'économie d'énergie annuelle», explique-t-il. La géothermie demande grosso modo trois dépenses de 12 000$ chacune: le creusage du puits, la thermopompe et l'installation des conduits d'air (à moins qu'ils soient déjà présents). À noter: le second logement de la maison est chauffé aux plinthes électriques, afin de séparer les factures d'énergie.

Isolation

Comme l'intérieur de l'habitation devait être complètement dégarni et que l'électricité était à refaire, il était indiqué d'effectuer l'isolation par l'intérieur. On a giclé du polyuréthane de soya pour viser un facteur d'isolation Novoclimat (R-24,5 aux murs et de R-41 au toit). De plus, on a profité d'une rénovation après sinistre - causé par une rupture de canalisation dans la rue - pour isoler le moellon du sous-sol au polyuréthane giclé et couler une dalle de béton.

Fenêtres écoénergétiques

Philippe a lui-même magasiné les fenêtres de la maison, en fibres de verre, «le matériau le plus écoénergétique», dit-il. À l'arrière, côté nord, les fenêtres sont à triple vitrage et conçues pour minimiser les pertes de chaleur. À l'avant, face au sud, les vitres sont doubles avec argon, et conçues pour maximiser les gains solaires.

Multiples détails

«La volonté écologique s'exprime par plein de petites choses», explique Philippe. En voici quelques-unes, qu'on retrouve dans sa maison: échangeur d'air récupérateur de chaleur très efficace; éclairage à DEL (de Sistemalux); plomberie économe en eau; deux systèmes de récupération de chaleur des eaux grises, un pour la douche et un pour préchauffer le liquide de la boucle géothermique; et enfin, des appareils électroménagers choisis pour leur efficacité énergétique.