La question est lancée à un groupe de cégépiens de Laval. «La langue française est-elle menacée au Québec?» Les mains des 40 cégépiens s'élèvent vers le plafond de la classe de français. «Est-elle menacée de disparaître complètement?» Tous les bras restent tendus.

Contre toute attente, la génération du clavardage et des textos s'inquiète de l'avenir de la langue française. Notre sondage Segma-La Presse-Groupe Gesca révèle que 84% des 18-30 ans se disent grandement préoccupés par cette question. Même les anglophones et les allophones n'y échappent pas: 62% d'entre eux considèrent qu'une menace plane sur le Québec français.

«Dans nos communications par internet et par cellulaire, la langue est vraiment rendue de basse qualité», lâche Simon Lalanne du fond de la classe. «La moitié des mots sont en anglais, l'autre en français. Ce n'est pas pour rien que 30% des élèves coulent leur premier cours de français en entrant au cégep. Si la relève n'est pas capable d'avoir un français de qualité, c'est sûr que l'anglais va nous manger.»

Comme 32% des répondants, Sabrina Vaudreuil a peur que le français perde sa place prédominante.

«Lorsque je magasine rue Sainte-Catherine, à Montréal, ou même au Carrefour Laval, les trois quarts des employés s'adressent à moi en anglais. Ça m'insulte, mais je suis rendue habituée. Les restos et les boutiques, ça se passe en anglais.»

La faute aux immigrants?

Plusieurs élèves du cégep Montmorency ont affirmé craindre que le français perde du terrain face aux langues parlées par les immigrants.

«Un peu partout en région, il y a des petites communautés (d'immigrants) qui commencent à s'installer, explique Shane Sévigny. Je travaille comme premier répondant et quand tu es obligé de te faire traduire les réponses des victimes, c'est parce qu'il y a un problème. Le programme de francisation des immigrants est à revoir», croit le jeune homme de 21 ans.

Imène Ait-Aoudia, une immigrante de 18 ans qui parle arabe à la maison, ne croit pas que la faute revient entièrement aux néo-Québécois.

«Le problème, ce sont les jeunes qui ne se donnent pas la peine de bien conjuguer leurs verbes et de faire les bons accords lorsqu'ils s'expriment. Mes parents sont nés en Algérie et ils sont constamment en train de me corriger.»

«Mon cellulaire et mon ordinateur sont en espagnol parce que je veux la garder, ma langue maternelle», renchérit Carla Garcia, une petite brunette qui vient du Mexique. «Mais ça ne m'empêche pas de trouver que le français est important. Si on s'est battus aussi longtemps pour le garder, pourquoi lâcher maintenant? C'est beau, le français, c'est difficile, mais c'est beau.»