(Jeddah) Le président syrien, Bachar al-Assad, a participé vendredi à son premier sommet de la Ligue arabe depuis plus d’une décennie, signant son retour sur la scène diplomatique arabe dont il avait été écarté après la guerre en Syrie.

Après des années d’isolement, il a plaidé pour « une nouvelle phase » dans la coopération arabe devant ses pairs réunis en Arabie saoudite, et en présence du président ukrainien Volodomyr Zelensky, invité surprise de la réunion, qui a accusé, lui, certains pays de la région de « fermer les yeux » sur l’invasion russe.  

« Nous sommes heureux d’accueillir le président Bachar al-Assad », a déclaré le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, à l’ouverture de ce sommet annuel.

PHOTO PALAIS ROYAL SAOUDIEN VIA REUTERS

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et Bachar al-Assad

L’organisation panarabe avait exclu le régime syrien fin 2011 pour sa répression d’un soulèvement populaire, qui a dégénéré en guerre dévastatrice, avant de le réintégrer le 7 mai dernier.

Le président syrien a affirmé que son pays était attaché à « son appartenance arabe », plaidant pour une « action arabe commune en faveur de la solidarité, la paix dans la région, le développement et la prospérité au lieu de la guerre et les destructions ».

À l’issue du sommet, Bachar al-Assad s’est entretenu avec le prince héritier et dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane, saluant la reprise des relations entre les deux pays après onze ans de rupture, selon l’agence de presse officielle syrienne SANA.  

PHOTO SANA VIA REUTERS

Le président al-Assad discute avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi lors de la prise de photos au sommet de la Ligue arabe.

Plus tôt dans la journée, il avait rencontré le président tunisien, Kais Saied, ainsi que le vice-président émirati, Cheikh Mansour ben Zayed, dont le pays a été très actif pour réintégrer Damas dans la Ligue arabe.   

Le régime syrien a bénéficié également d’un élan de solidarité après un séisme qui a dévasté le 6 février de vastes pans de la Syrie et de la Turquie.

« Trêve humanitaire » au Soudan

Le communiqué publié à l’issue du sommet de Jeddah a souligné la « nécessité de prendre des mesures effectives et efficaces pour parvenir à un règlement » du conflit en Syrie.

Les chefs d’État arabes ont également convenu de « renforcer leur coopération » sur les questions « liées aux réfugies, au terrorisme et au trafic de drogue », selon le texte.  

La guerre en Syrie, où les combats se sont quasiment tus, a fait environ un demi million de morts, ainsi que des millions de réfugiés et déplacés.  

Dans les zones du nord de la Syrie, qui échappent encore au contrôle du régime syrien, des centaines de personnes ont manifesté vendredi pour dénoncer la participation du président Assad au sommet arabe, selon un correspondant de l’AFP.

La Syrie espère la normalisation de ses relations notamment avec les riches monarchies du Golfe, pour financer sa coûteuse reconstruction. Mais des pays comme le Qatar, qui s’est vivement opposé au régime de Bachar al-Assad depuis le début de la guerre en Syrie, sont encore réticents.  

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Manifestation à Idleb conte la présence de Bachar al-Assad au sommet de la Ligue arabe

Les États-Unis ont également dénoncé la semaine dernière la décision de la Ligue arabe de réintégrer la Syrie.  

Interrogé à ce propos, le secrétaire général de l’organisation, Ahmed Aboul Gheit a estimé vendredi que les pays arabes devaient « travailler en faisant abstraction de l’opinion des puissances étrangères sur cette question ».  

« C’est un sujet qui concerne le monde arabe », a-t-il insisté.  

Concernant le Soudan, en proie à des combats meurtriers depuis plus d’un mois, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane, a affirmé que les pourparlers en cours à Jeddah entre les représentants des belligérants visent à parvenir à une « trêve humanitaire » qui ouvrirait la voie à un dialogue.

« Regard honnête »

Outre les conflits au Moyen-Orient, la guerre en Ukraine s’est invitée au 32e sommet de la Ligue arabe.

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Le président ukrainien Volodomyr Zelensky

Le président ukrainien, Volodomyr Zelensky, a appelé les dirigeants de la région à « jeter un regard honnête » sur la guerre dans son pays.  

« Malheureusement, certains pays dans le monde et ici, parmi vous, ferment les yeux sur ces prisons et annexions illégales », a-t-il déclaré.

Le président ukrainien a été invité par l’Arabie saoudite et non par la Ligue arabe, a précisé à l’AFP un responsable de l’organisation panarabe.  

M. Zelensky a affirmé sur les réseaux sociaux qu’il s’était aussi entretenu avec le prince héritier saoudien pour parler notamment des « principaux points de la formule de paix ukrainienne ». Il a également évoqué d’autres rencontres bilatérales avec les dirigeants d’une région beaucoup moins unie dans son soutien à l’Ukraine que ses alliés européens et américains.

Riyad a affiché une position relativement neutre sur le conflit, jouant en septembre un rôle inattendu de médiateur dans un échange de prisonniers entre Moscou et Kyiv.   

La première économie du monde arabe et plus grand exportateur de brut au monde, coordonne sa politique pétrolière avec la Russie, tout en maintenant des liens étroits avec les États-Unis, son partenaire de longue date en matière de sécurité.  

La Syrie de Bachar al-Assad, en revanche, fidèle alliée de Moscou, est l’un des cinq pays à avoir voté contre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandant à la Russie de cesser les hostilités en Ukraine.