(Ramallah) Les Palestiniens ont marqué lundi le 75e anniversaire de la « Nakba », ou « Catastrophe », qu’ils associent à la création de l’État d’Israël en 1948, à la suite de laquelle 760 000 d’entre eux ont été contraints à l’exode pendant la première guerre israélo-arabe.

À Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, plusieurs milliers de manifestants venus de toute la Cisjordanie occupée se sont rassemblés en arborant des drapeaux palestiniens ou des banderoles noires portant l’inscription « retour » en arabe et en anglais, et l’image d’une vieille clé.

Israël a été créé le 14 mai 1948 en application d’une résolution de l’ONU prévoyant le partage de la Palestine, alors sous mandat britannique.

Le lendemain, les armées de cinq États arabes envahissaient le jeune État dans le but de le faire disparaître. Israël est sorti vainqueur de cette guerre au cours de laquelle, selon l’ONU, quelque 760 000 Palestiniens ont été contraints de quitter leur foyer.

Ceux qui sont encore en vie et leurs descendants réclament depuis lors un « droit au retour » qu’Israël refuse catégoriquement, faisant valoir qu’autoriser même une fraction d’entre eux à revenir équivaudrait à signer sa fin en tant qu’État juif.

L’ONU recense aujourd’hui 5,9 millions de réfugiés palestiniens répartis entre les Territoires palestiniens (la Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, et la bande de Gaza), la Jordanie, le Liban et la Syrie.

Israël a célébré son 75e anniversaire le 26 avril, selon le calendrier juif.

« Le plus tôt possible »

Les commémorations interviennent dans un climat de fortes tensions, le conflit israélo-palestinien ayant fait plus de 170 morts depuis le début de l’année, dont 35 la semaine dernière lors d’une nouvelle guerre entre Israël et des groupes palestiniens dans la bande de Gaza.

Pour la première fois, grâce à une résolution votée en novembre, les Nations unies ont marqué l’anniversaire de la « Nakba » à leur siège à New York, lundi.

Faisant référence aux centaines de résolutions votées par l’ONU sur le conflit israélo-palestinien, et notamment la résolution 194 de l’Assemblée générale ayant décidé en décembre 1948 « qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés [palestiniens] qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins », le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a exigé « officiellement […] que l’on s’assure qu’Israël respecte ces résolutions ou que l’adhésion d’Israël à l’ONU soit suspendue ».

À Ramallah, beaucoup de participants au festival organisé pour commémorer la « Nakba » portent des gilets noirs avec l’inscription « la Nakba est à l’origine de l’histoire et le retour est un droit ».  

Des grands-parents sont au rendez-vous avec leurs enfants et petits-enfants pour dire leur attachement à leur terre et au « droit au retour ».  

Vêtu du costume traditionnel palestinien, Khairy Hanoun, 64 ans, est venu de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie. Il porte une très vieille valise, symbole d’exil, et une ancienne clé, rappelant celles des maisons de 1948.  

« Pour les jeunes »

« Nous sommes venus dire à l’occupation [Israël, NDLR] que c’est ainsi qu’ils ont chassé nos pères et grands-pères, avec leurs vêtements seulement », dit-il.

Le festival a réuni aussi des descendants de Palestiniens restés à l’intérieur des frontières israéliennes à l’issue de la guerre de 1948-1949, et que l’on appelle en Israël des « Arabes israéliens ».

« L’une des plus grandes erreurs commises par le mouvement sioniste est qu’entre 150 et 160 000 Palestiniens sont restés [en Israël] après la Nakba », a déclaré Mohammed Baraka, représentant de cette communauté qui a pris la parole durant les commémorations.

« Aujourd’hui, nous sommes près de deux millions, et nous ne sommes pas un chiffre, mais des témoins de l’identité de la patrie qu’Israël a tenté d’assassiner », a-t-il ajouté.  

Selon les derniers chiffres du Bureau central des statistiques israéliens (CBS), publiés à l’occasion du 75e anniversaire du pays, Israël compte aujourd’hui plus de 2 millions d’Arabes, soit 21 % de la population. Ces chiffres incluent la population de Jérusalem-Est, secteur dont l’annexion par Israël n’est pas reconnue par l’ONU.

Descendante de réfugiés, Nohad Wahdane explique que « ces commémorations sont organisées chaque année pour que les jeunes apprennent leur histoire et ne l’oublient pas ».

Abla al-Kouk, directrice d’école, voit elle dans ces commémorations une occasion de « souligner le droit au retour, qui n’est pas soumis à prescription, pour tous ceux qui ont été chassés de leurs terres et de leurs maisons. »