(Jénine) Des jeunes en colère, des pierres qui jonchent le sol et des murs noircis : le camp palestinien de Jénine a été le théâtre mercredi de violents affrontements et d’un raid israélien qui ont fait au moins quatre morts et des dizaines de blessés.  

Ces violences témoignent d’un chaos croissant dans le nord de la Cisjordanie occupée, après des mois d’opérations israéliennes quasi-quotidiennes, voire des heurts entre jeunes et les forces de l’Autorité palestinienne accusés de laisser sans broncher l’armée israélienne mener ses actions dans ces territoires.

Le ministère palestinien de la Santé a fait état d’au moins quatre Palestiniens tués et d’une quarantaine de blessés au cours de l’opération et les heurts qui ont suivi.

« Il s’agit des affrontements les plus importants depuis que nous avons ouvert cet hôpital il y a environ deux ans. Ce n’est pas seulement le nombre de morts, mais celui des blessés et leur gravité qui me fait dire ça », a déclaré à l’AFP Mohammed al-Haj Qasem, directeur du département de chirurgie à l’hôpital Ibn Sina, situé en contrebas du camp.  

Mercredi matin, l’armée a pénétré dans le camp de Jénine, où avait été tuée en mai dernier la reporter d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh, pour détruire la résidence où vivait Abed Hazem, frère de Raëd Hazem, auteur d’une fusillade fatale à trois personnes le 7 avril dernier sur la rue Dizengoff, en plein centre de Tel-Aviv.

« Alors que le logement où se trouvaient les deux suspects était encerclé, un engin a explosé et les suspects ont ouvert le feu en direction des forces de sécurité, qui ont riposté […] tuant les deux suspects », a indiqué l’armée israélienne, confirmant que Abed Hazem était l’un des hommes tués.

A la grande mosquée Cheikh Zaïd Ben Sultan, située au centre du camp, des centaines de personnes se sont massées pour rendre hommage à Abed Hazem, son corps recouvert d’un drapeau palestinien et sa tête d’un keffieh.

Les funérailles des quatre hommes se sont déroulées dans l’après-midi, deux ont été inhumés dans la ville de Jénine et deux autres dans le camp de réfugiés.

Le père d’Abed Hazem, bien que recherché par Israël, était présent aux funérailles de son fils, a constaté l’AFP.

« Peur de rien »

Dans le camp, l’AFP a vu des affiches à la gloire de Raëd Hazem, qualifié de « lion » de la « rue Dizengoff » et des bombonnes de gaz que des jeunes utilisent désormais pour fabriquer des engins explosifs pouvant être actionnés à distance.

« Nous n’avons peur de rien. Si les Israéliens veulent l’escalade, nous sommes prêts à leur faire face », a déclaré un jeune dans la vingtaine, refusant de donner son nom par crainte d’être reconnu et accusant l’Autorité palestinienne de « coordination » avec l’armée israélienne.

Dans un tweet, l’Union européenne s’est déclarée « inquiète du pic de violences faisant suite à l’incursion israélienne à Jénine ».

De son côté, Washington a fait part de sa « profonde inquiétude » face aux violences et appelé « toutes les parties à faire tout ce qu’elles peuvent afin de désamorcer la situation et retourner à une période de calme », selon les propos du porte-parole du département d’État, Ned Price.

Des heurts entre l’armée et des Palestiniens dans plusieurs villages de Cisjordanie se sont déroulés dans la journée et deux Palestiniens ont été grièvement blessés par balles dans la soirée, prés de Ramallah, selon le ministère palestinien de la Santé.

Les commerces étaient fermés à Naplouse et à Jénine, après le raid israélien et l’annonce d’une grève générale, a constaté l’AFP.  

Au cours des derniers mois, des combattants de Jénine ont ouvert le feu sur les bureaux du gouverneur palestinien de cette région. Et les forces palestiniennes ne s’aventurent plus dans le camp par crainte notamment d’affrontements.

« Nous combattons les Israéliens, mais n’allons pas ouvrir le feu sur les forces palestiniennes à moins qu’elles entrent ici dans le camp pour arrêter l’un des nôtres », affirme un Palestinien âgé, en évoquant les heurts la semaine dernière à Naplouse, autre grande ville du nord de la Cisjordanie.

La semaine dernière de violents affrontements entre Palestiniens et forces locales avaient paralysé le centre de Naplouse après l’arrestation sur place d’un jeune commandant influent du mouvement islamiste Hamas, Moussab Shtayyeh, le tout sur fond d’une intensification des raids israéliens en Cisjordanie.

Depuis le début en mars d’une vague d’attaque anti-israéliennes fatale à 20 personnes, dont certaines ont été menées par des Palestiniens de Jénine, l’armée a multiplié les raids armés dans le nord de la Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par l’État hébreu.

Ces raids, émaillés de heurts avec la population locale, ont aussi fait des dizaines de morts côté palestinien.