(Kaboul) Des milliers de dignitaires religieux afghans ont juré fidélité samedi aux talibans, mais sans faire de recommandations aux dirigeants islamistes sur leur façon de gouverner le pays en crise, au dernier jour d’un rassemblement à Kaboul.

Cette assemblée, réservée aux hommes et qui avait débuté jeudi, avait été convoquée par les talibans afin de consolider leur régime.

Les participants étaient autorisés à critiquer le régime et des sujets épineux, tels que l’éducation des filles, objet de débat au sein même du mouvement, seraient au programme, avaient assuré des responsables. Mais la déclaration finale prononcée samedi n’a fait que répéter la doctrine des talibans.

Les médias ont été interdits d’accès mais de nombreux discours ont été diffusés à la radio d’État, dont celui du chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, qui n’a pas été filmé ni photographié en public depuis leur retour au pouvoir en août 2021.

Le texte appelle à faire allégeance à Hibatullah Akhundzada, à la loyauté envers les talibans et à l’acceptation complète de la charia comme principe de base du pouvoir.

« Par la grâce de Dieu, le système islamique est venu régner en Afghanistan », affirme la déclaration.

« Non seulement nous le soutenons fermement, mais nous le défendrons également. Nous considérons que c’est le devoir national et religieux de toute la nation », ajoute le texte.

Depuis leur retour au pouvoir, les talibans sont largement revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001), restreignant très fortement les droits des femmes.

Ils les ont presque complètement exclues des emplois publics, ont limité leur droit à se déplacer et ont interdit l’accès des filles aux écoles secondaires. Les femmes se sont vu imposer le port du voile intégral, couvrant le visage, pour toute sortie en public.

Ils ont aussi interdit la musique non religieuse, la représentation de visages humains sur des publicités, la diffusion à la télévision de films ou séries montrant des femmes non voilées, et ont demandé aux hommes de porter le vêtement traditionnel et de se laisser pousser la barbe.

« Oppression systémique » sur les femmes

La déclaration de samedi ne fait aucune mention de la scolarisation des filles, mais appelle le gouvernement à accorder « une attention particulière » à l’éducation moderne, à la justice et aux droits des minorités, le tout « à la lumière de la loi islamique ».

Selon le texte, le nouveau gouvernement a éradiqué la corruption et apporté la sécurité dans tout le pays.

Le groupe djihadiste État islamique, qui a revendiqué plusieurs attentats meurtriers ces derniers mois en Afghanistan, a également revendiqué une attaque jeudi contre le rassemblement des religieux, par deux hommes armés qui ont été abattus.

« Nous appelons les pays de la région et du monde […] à reconnaître l’Émirat islamique comme un système légitime », peut-on également lire.

« Levez toutes les sanctions contre l’Afghanistan, débloquez les fonds gelés du peuple afghan et soutenez notre nation », demande la déclaration.

Depuis le retour des talibans, le pays est plongé dans une profonde crise économique et humanitaire, la communauté internationale ayant fermé les vannes de l’aide financière.

Les États-Unis et les talibans ont poursuivi cette semaine des discussions à Doha sur le déblocage d’aide après un tremblement de terre qui a fait plus de 1000 morts dans l’est de l’Afghanistan, Washington voulant s’assurer que ces fonds soient utilisés à des fins humanitaires.

Le point culminant du rassemblement à Kaboul a été l’apparition vendredi d’Hibatullah Akhundzada, qui vit reclus à Kandahar, le centre spirituel des talibans.

Malgré sa discrétion, M. Akhundzada, qui aurait dans les 70 ans, tient d’une main de fer le mouvement, selon les analystes, et porte le titre de « Commandeur des croyants ».

Vendredi à Genève, la Haute-Commissaire de l’ONU chargée des droits humains, Michelle Bachelet, a dénoncé « l’oppression systémique » exercée par le régime sur les femmes et les filles afghanes.

« Depuis la prise du pouvoir par les talibans, les femmes et les filles connaissent le recul le plus important et le plus rapide de la jouissance de leurs droits […] depuis des décennies », a-t-elle déclaré lors d’un débat urgent au Conseil des droits de l’homme sur cette question.

Elle a « encouragé vivement » les talibans à « nouer le dialogue avec les pays à prédominance musulmane ayant une expérience en matière de promotion des droits des femmes et des filles — tels qu’ils sont garantis par le droit international ».