(Kaboul) Deux hommes armés ont été abattus jeudi à Kaboul par des combattants talibans, près du lieu où se déroulait un grand conseil réunissant des milliers d’érudits religieux et d’aînés tribaux, qui devraient légitimer le régime fondamentaliste islamiste au pouvoir en Afghanistan.

Selon des responsables talibans, les deux hommes ont commencé à tirer depuis le toit d’un immeuble près du lieu du rassemblement, avant d’être « rapidement éliminés par les moudjahidines » (les « combattants » du régime, NDLR).

Composé uniquement d’hommes et convoqué par les talibans, ce conseil est décrit comme une « jirga », une assemblée traditionnelle d’anciens au sein de laquelle les divergences doivent normalement être réglées par consensus.

Les médias n’ont pas eu le droit d’y accéder, mais certains discours ont été retransmis à la radio d’État, la plupart appelant à l’unité derrière le régime taliban au pouvoir depuis août.

« L’obéissance est le principe le plus important » du régime, a ainsi déclaré à l’ouverture du conseil Habibullah Haqqani, qui le préside. « Nous devons obéir à tous nos dirigeants dans toutes les affaires, sincèrement et véritablement », a-t-il dit.

Cet évènement intervient une semaine après un séisme qui a frappé le sud-est du pays et fait plus de 1000 morts et des dizaines de milliers de sans-abri.

Des responsables américains et talibans devaient discuter jeudi au Qatar d’un mécanisme pour débloquer des fonds afghans, Washington cherchant à s’assurer qu’ils sont utilisés à des fins humanitaires.

Avant même le séisme, les talibans ont peiné à se muer en administration civile, eux qui étaient depuis 20 ans une rébellion combattant les forces américaines et leurs alliés, qui ont quitté le pays juste après la prise de Kaboul par les talibans, fin août 2021.

Depuis leur retour au pouvoir, l’Afghanistan est plongé dans une profonde crise économique et humanitaire, la communauté internationale ayant fermé les vannes de l’aide financière qui portait le budget du pays à bout de bras depuis deux décennies.

Femmes exclues

Une source talibane a affirmé à l’AFP que les participants à la « jirga » – prévue sur trois jours – seraient autorisés à critiquer le pouvoir en place et que des sujets épineux, tels que l’éducation des filles, objet de débat au sein même du mouvement, seraient au programme.

Les femmes ne sont pas autorisées à y assister. Le vice-premier ministre, Abdul Salam Hanafi, a estimé mercredi que cela n’était pas nécessaire, car elles seront représentées par des parents masculins.

« Lorsque leurs fils sont dans le rassemblement, cela signifie qu’elles sont également impliquées », a-t-il dit.

La décision d’exclure les femmes a été prise par les « oulémas » (érudits religieux), a justifié Zabihullah Mujahid, le porte-parole des talibans, lors d’une conférence de presse en fin de journée.

« Nous prenons en considération leurs besoins ou leurs réflexions et observations », a-t-il ajouté.

Pour la militante des droits des femmes Razia Barakzai, cette exclusion relève d’une « logique intolérable ».

« Les femmes devraient faire partie des décisions qui les concernent […] La vie a été enlevée aux femmes afghanes », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Les talibans assurent avoir le soutien d’une très large majorité de la population, qui ne s’est pas révoltée contre eux en masse depuis leur retour au pouvoir.

Ils sont revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir, entre 1996 et 2001, restreignant très fortement les droits des femmes.

Filles privées d’école

Ils les ont largement exclues des emplois publics, ont restreint leur droit à se déplacer et ont interdit l’accès des filles au collège et au lycée. Les femmes se sont aussi vu imposer le port du voile intégral, couvrant le visage, pour toute sortie en public.

Interrogé au sujet de l’accès à l’éducation pour les adolescentes, Zabihullah Mujahid a assuré que les érudits religieux donneraient leur avis, mais que ce serait ensuite « aux dirigeants (des talibans) de décider ».

À la tribune du conseil, un influent imam a déclaré que quiconque tenterait de renverser le régime devrait être décapité.

« Ce drapeau (taliban) n’a pas été hissé facilement, et il ne sera pas abaissé facilement », a déclaré Mujib ur Rahman Ansari, l’imam de la mosquée Gazargah à Herat (ouest).

« Tous les érudits religieux d’Afghanistan devraient convenir […] que quiconque commet le moindre acte contre notre gouvernement islamique devrait être décapité et éliminé », a-t-il dit.

Plus de 3000 personnes venant de toutes les régions du pays participent au conseil, soit le plus grand rassemblement de personnalités influentes depuis le retour au pouvoir des talibans.

Les médias afghans spéculent aussi sur l’éventuelle présence du chef suprême des talibans et du pays, Hibatullah Akhundzada, lequel n’a jamais été filmé ou photographié en public depuis leur arrivée au pouvoir.

Seuls des enregistrements audio de M. Akhundzada, qui vit reclus à Kandahar, le centre spirituel des talibans, ont été rendus publics, sans qu’ils aient pu être authentifiés de source indépendante.