(Jérusalem) Des dizaines de milliers d’Israéliens ont défilé dimanche dans la Vieille Ville de Jérusalem pour la « marche des drapeaux » marquant la conquête de la partie orientale de la Ville sainte par Israël, sur fond de tensions avec des Palestiniens qui considèrent cette procession annuelle comme une provocation.

La tension était forte à Jérusalem avant même le début vers 16 h (13 h GMT) de cette marche, partie du centre de Jérusalem pour se terminer au Mur des Lamentations, site de prière le plus sacré du judaïsme en contrebas de l’esplanade des Mosquées.  

Le cortège, qui a réuni 70 000 personnes, selon la police, a traversé la Vieille Ville, située à Jérusalem-Est, secteur occupé par Israël depuis 1967 et annexé.

« Ce jour commémore la libération de notre ville antique, de notre ancienne capitale, Jérusalem », a lancé Jonathan Bnidik dans la foule, composée d’une grande part de jeunes et de nationalistes.  

Photo GIL COHEN-MAGEN, Agence France-Presse

Le cortège, qui a réuni 70 000 personnes, selon la police, a traversé la Vieille Ville, située à Jérusalem-Est, secteur occupé par Israël depuis 1967 et annexé.

« Ici, c’est notre pays, un point c’est tout ! Les Palestiniens ne sont que des invités », a déclaré Ofer Amar, un jeune Israélien de 18 ans.

De brefs heurts ont opposé des Palestiniens et des policiers israéliens devant la « porte de Damas », par laquelle sont entrés les marcheurs dans la Vieille Ville et qui donne sur le quartier musulman, a constaté un photographe de l’AFP. Au même endroit, des membres du groupe de hooligans anti-arabes « La Familia » ont scandé « Mort aux Arabes », selon des témoins.  

Dans le quartier musulman des projectiles ont été lancés sur des marcheurs, selon un journaliste de l’AFP sur place, tandis que des bouteilles d’eau sur des brancardiers transportant un Palestinien blessé.  

À travers Jérusalem, au moins 79 personnes ont été blessées dimanche dans différents incidents, selon le Croissant-Rouge palestinien.  

La police a fait état d’une soixantaine d’arrestations, sans plus de précisions.

Chants nationalistes

La majorité des commerçants ont fermé boutique dans le quartier musulman et les habitants sont restés chez eux. Dans la rue, avant la marche, des dizaines de jeunes juifs nationalistes ont chanté et dansé en agitant des drapeaux israéliens devant des Palestiniens.

Photo AHMAD GHARABLI, Agence France-Presse

À la porte de Damas, principale voie d’entrée au quartier musulman de la Vieille Ville, de brefs heurts entre Palestiniens et policiers israéliens ont éclaté et plusieurs Palestiniens ont été interpellés, selon un photographe de l’AFP sur place.

« Vous avez vu ça ? Il n’y a pas de respect. Si les commerces sont fermés ce n’est pas que nous avons peur, mais parce que nous savons qu’il n’y aura pas de clients aujourd’hui », a lancé Sami, un commerçant.

Le ténor de l’extrême droite israélienne Itamar Ben Gvir s’est rendu avant la marche sur l’esplanade des Mosquées, lieu saint au cœur des tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est.  

L’esplanade est le troisième lieu saint de l’islam et aussi le site le plus sacré du judaïsme sous son nom de « Mont du Temple ».  

« Je suis venu aujourd’hui affirmer que nous, l’État d’Israël, sommes souverains ici », a lancé Itamar Ben Gvir.

En vertu d’un statu quo historique, les non-musulmans peuvent se rendre sur l’esplanade des Mosquées à des heures précises, mais ne peuvent y prier. Or, ces dernières années un nombre croissant de juifs, souvent nationalistes, y prient subrepticement, un geste dénoncé comme une « provocation » par les Palestiniens.

Dimanche, environ 2600 non-musulmans, des touristes et des Israéliens, ont visité avant la marche l’esplanade, nombre beaucoup plus élevé qu’à l’accoutumée pour une seule journée, selon la police.

« Tolérance zéro »

Quelque 3000 officiers ont été déployés selon les derniers chiffres communiqués par la police pour la marche de « Yom Yerushalaïm » ou le « jour de Jérusalem », qui marque pour Israël la « réunification » de la Ville Sainte depuis la conquête de sa partie orientale lors de la guerre des Six Jours en 1967. Les Palestiniens ambitionnent eux de faire de Jérusalem-Est la capitale d’un futur État.

Photo ABBAS MOMANI, Agence France-Presse

La police a indiqué avoir mobilisé plus de 2000 officiers pour la marche.

L’an dernier, lors du jour prévu pour la « marche des drapeaux » selon le calendrier hébraïque et après des jours de violences israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est, le mouvement palestinien Hamas au pouvoir à Gaza avait lancé des salves de roquettes sur Israël, prélude à une guerre de 11 jours entre les deux camps.

Cette année, les groupes palestiniens ont de nouveau menacé de « répondre » en cas de violences importantes lors de la marche, voire si des participants se rendaient sur l’esplanade des Mosquées qui ne figurait toutefois pas sur le trajet annoncé.

« Nous n’allons pas hésiter à user de tous les moyens possibles pour stopper une [éventuelle] incursion sur nos sites sacrés », a déclaré Ghazi Hamad, une figure du Hamas.  

Malgré les menaces, le premier ministre israélien Naftali Bennett avait donné son feu vert à la marche.  

« C’est naturel de brandir le drapeau d’Israël dans la capitale d’Israël […], mais je demande aux participants de la marche de respecter les consignes », a-t-il déclaré dimanche, avant d’appeler la police à faire preuve de « tolérance zéro pour les extrémistes, incluant la Familia ».

Pour contrer symboliquement cette marche, des Palestiniens ont tenu des rassemblements en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël, pour brandir leur drapeau, donnant lieu aussi à des heurts avec les forces israéliennes qui ont fait au total une centaine de blessés, principalement légers, selon les secouristes.   

« Je tiens haut le drapeau palestinien pour montrer notre unité et défier les Juifs qui ont brandi leur drapeau aujourd’hui […] nous ne resterons pas silencieux », a déclaré à Ramallah, Daoud Ajaj, 17 ans.