(Erbil) L’armée idéologique de la République islamique d’Iran a tiré des missiles dimanche contre une cible au Kurdistan d’Irak présentée comme un « centre stratégique » d’Israël, mais les autorités locales kurdes ont nié l’existence de tels sites de l’État hébreu sur leur territoire.

Ennemi juré de l’Iran, Israël n’a pas encore réagi aux accusations des Gardiens de la Révolution iraniens sur la présence d’un « centre israélien » à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan (nord).

« Douze missiles balistiques » ont été tirés depuis « l’extérieur des frontières orientales de l’Irak » vers Erbil faisant deux blessés, selon les autorités kurdes. Dans le secteur visé se trouvent un complexe résidentiel appartenant à un magnat kurde du pétrole et le bâtiment du consulat américain.

L’Irak partage à l’Est une longue frontière avec l’Iran, qui joue chez son voisin un rôle politique et économique incontournable.

Sur leur site Sepah News, les Gardiens de la Révolution ont affirmé que « le centre stratégique de la conspiration et du vice des sionistes (Israël, NDLR) avait été visé par des missiles ».

Mais les autorités du Kurdistan ont dénoncé « une justification visant uniquement à dissimuler le crime ».

« Il s’agit d’allégations sans fondement », a affirmé le gouverneur d’Erbil, Oumid Khouchnaw. « Il n’y a pas de sites israéliens dans la région, il n’y a que le nouveau bâtiment du consulat américain » dans la zone visée.

Si des hommes politiques kurdes ont plaidé pour une normalisation avec Israël, la ligne officielle du Kurdistan reste prudente dans un pays où ce sujet demeure largement tabou.

Les États-Unis, « pas la cible »

Les frappes contre Erbil ont eu lieu une semaine après la mort en Syrie de deux hauts gradés des Gardiens de la Révolution, tués dans une attaque imputée à Israël. « Le régime sioniste paiera pour ce crime », avaient averti les Gardiens.

À Washington, le département d’État a condamné les tirs dans un communiqué, ajoutant : « aucune installation américaine n’a été endommagée, aucun membre du personnel blessé ».

Un porte-parole du département d’État a ensuite indiqué que « les États-Unis n’étaient pas la cible » de l’attaque. « La plupart, sinon la totalité des missiles étaient dirigés vers un complexe résidentiel privé appartenant à un citoyen kurde irakien », a-t-il dit.

Après l’attaque, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), aux manettes à Erbil, a organisé pour les médias la visite d’une vaste résidence luxueuse, propriété d’un magnat kurde du pétrole, ravagée par les tirs.

L’attaque s’est produite avant l’aube. Trois explosions ont été entendues à Erbil par le correspondant de l’AFP.

Ziryan Wazir était lui au volant de son taxi. « Les vitres de ma voiture ont explosé, j’ai été blessé au visage », raconte le trentenaire alité, le crâne bandé.

Il est l’un des deux blessés par les tirs.

La chaîne de télévision locale Kurdistan24, dont les studios se trouvent non loin des nouveaux locaux du consulat américain, a publié des images de ses bureaux endommagés.

À Bagdad, le ministère des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur d’Iran Iraj Masjidi et lui a fait part des protestations du gouvernement fédéral au sujet des frappes qualifiées de « violation flagrante de la souveraineté » de l’Irak, selon un communiqué.

Condamnations

En janvier 2020, en représailles à l’élimination par les États-Unis du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad, l’Iran a tiré 22 missiles sol-sol sur deux bases abritant des soldats américains en Irak, faisant des blessés.

Rarement revendiquées, des attaques aux roquettes et drones ces dernières années contre les intérêts américains et les troupes de la coalition internationale antidjihadistes en Irak sont généralement imputées par Washington à des factions irakiennes pro-Iran, qui réclament le départ des soldats américains déployés en Irak.

La dernière attaque à Erbil remonte à septembre dernier quand des drones armés ont ciblé l’aéroport sans faire de victime.

À l’étranger, Paris a condamné l’attaque iranienne qui « menace la stabilité de l’Irak et de la région ». L’Union européenne a jugé qu’il n’y avait « pas de justification pour un tel acte de violence contre le territoire d’un État souverain ».  

« Les responsables (de cette attaque) doivent répondre de leurs actes », a estimé l’Allemagne.

L’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran, a exprimé sa « solidarité » avec l’Irak.

Les tirs iraniens sont intervenus par ailleurs au moment où les négociations pour relancer l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien ont été suspendues.