(Abou Dhabi) Les Émirats arabes unis et la Turquie ont annoncé lundi la signature de plusieurs accords, lors de la première visite depuis dix ans du président turc Recep Tayyip Erdogan dans cette riche monarchie du Golfe, concrétisant le rapprochement entre deux anciens rivaux.

Cette visite de deux jours, la première de M. Erdogan aux Émirats en tant que président, a été marquée par la signature de treize accords de coopération et protocoles d’accord, selon l’agence de presse officielle émiratie WAM. Une annonce confirmée par l’agence turque Anadolu.  

La visite de M. Erdogan fait suite à celle en novembre du prince héritier d’Abou Dabi et dirigeant de facto des Émirats, Mohammed ben Zayed. Il avait alors annoncé le lancement d’un fonds de près de neuf milliards d’euros pour soutenir les investissements en Turquie, en proie à une grave crise économique.

Selon WAM, les accords signés portent sur les secteurs de « la santé et des sciences médicales, des industries et technologies de pointe, le climat, la culture, l’agriculture, les transports, la gestion des crises et des catastrophes, la météorologie et les médias ». Une lettre d’intention sur la coopération entre les industries de défense a été signée, selon la même source.

Abou Dabi entretenait jusqu’à récemment une grande inimitié à l’encontre d’Ankara, lui reprochant de soutenir l’islam politique et son opposition sur différents dossiers au Moyen-Orient.

« Vision partagée »

À Dubaï, la plus haute tour du monde, la Burj Khalifa, s’est illuminée aux couleurs des drapeaux émirati et turc pour marquer la visite de M. Erdogan, dont le dernier séjour aux Émirats remonte à 2013. Il était alors premier ministre.

Plus tôt dans la journée, WAM avait rapporté que M. Erdogan et Mohammed ben Zayed avaient discuté des pistes de coopération et abordé les derniers développements régionaux.

D’après des propos du ministre émirati de l’Économie, Abdallah ben Touq Al-Marri, rapportés lundi par l’agence Anadolu, la coopération entre les deux pays dans de nombreux domaines fait partie d’une « vision partagée » avec Ankara.

« Le dialogue et la coopération entre la Turquie et les Émirats sont importants pour la paix et la stabilité de toute la région », avait pour sa part déclaré M. Erdogan avant son départ de Turquie.

Abou Dabi espère doubler voire tripler les volumes d’échanges avec la Turquie, considérée comme une voie vers de nouveaux marchés.

Le volume des échanges bilatéraux au premier semestre 2021 s’est élevé à plus de 6,3 milliards d’euros, avec un bond de croissance de 100 % par rapport à la même période en 2020, selon WAM.

Les investissements des Émirats en Turquie ont atteint près de 4,4 milliards d’euros fin 2020. Quant aux investissements turcs aux Émirats, ils pèsent quelque 312 millions d’euros, d’après l’agence émiratie.

« Ce qu’il faut à l’avenir, ce n’est pas renforcer les relations commerciales déjà solides, mais plutôt le partenariat politique stratégique entre les deux pays », a tweeté le professeur émirati de sciences politiques, Abdul Khaleq Abdallah.

Assainir les relations

Les Émirats font face à une menace croissante de la part des rebelles yéménites houthis, soutenus par l’Iran. Trois personnes ont été tuées mi-janvier à Abou Dabi après une attaque des insurgés, menée à l’aide de drones et de missiles, contre les Émirats, qui font partie d’une coalition militaire soutenant le gouvernement yéménite.

Une crise diplomatique déclenchée en juin 2017 entre le Qatar, proche allié de la Turquie, et les Émirats avait alors tendu les relations entre Ankara et Abou Dabi.  

Après la réconciliation avec le voisin qatari en janvier 2021, les Émirats, dont l’économie souffre des fluctuations des prix du pétrole et des conséquences de la pandémie de COVID-19, cherchent à apaiser les relations avec l’Iran, grand rival régional de son allié saoudien.

Ils ont aussi normalisé en 2020 leurs liens diplomatiques avec Israël, ouvrant la voie à de multiples accords.

La Turquie cherche à assainir ses relations dans la région, au moment ou sa monnaie est en chute libre.

M. Erdogan a annoncé son intention de se rendre en février en Arabie saoudite, pour ce qui serait sa première visite dans le royaume depuis l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul.  

Ankara a plusieurs fois affirmé que le pouvoir saoudien était impliqué « au plus haut niveau » dans ce meurtre.