(Bagdad) Hoshyar Zebari, ex-ministre kurde qui visait la présidence de l’Irak, a été écarté dimanche par la justice à cause d’accusations de corruption, à la veille d’un vote au Parlement visant à désigner le nouveau chef de l’État, mais visiblement compromis par des boycottages en série.

La séance parlementaire, prévue lundi à midi (9 h GMT), risque fort d’être ajournée pour défaut de quorum. Avec les boycottages annoncés, il pourrait n’y avoir dans l’hémicycle que moins de deux-tiers des 329 députés requis pour la tenue du vote.

Samedi, la première force du Parlement, le courant de l’influent religieux chiite Moqtada Sadr, a annoncé que ses 73 députés ne participeraient pas. Dimanche soir, la coalition de la souveraineté, soit 51 députés emmenés par le chef du Parlement Mohamed al-Halboussi, un allié sadriste, dévoilait également son absence.

Plus tard en soirée, le troisième pilier de cette alliance informelle, l’influent Parti démocratique du Kurdistan (PDK, 31 députés), a annoncé à son tour son absence, « dans l’objectif de poursuivre les consultations et le dialogue entre les blocs politiques ».

C’est d’ailleurs le PDK qui a vu son candidat à la présidentielle, l’ancien chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari, écarté « temporairement » dimanche de la course par la justice, après d’anciennes accusations de corruption qui ont refait surface.

Ces rebondissements illustrent les dissensions qui viennent une fois encore plomber le calendrier politique irakien, dans un pays habitué aux tractations en coulisses orchestrées par les grands partis.

Ils interviennent dans un contexte particulièrement polarisé, quatre mois après les législatives d’octobre remportées par le courant sadriste. Mais après quatre mois de tractations, les barons de la politique n’ont toujours pas réussi à former une coalition parlementaire majoritaire, capable de désigner un premier ministre.

« Abus de pouvoir »

Dimanche, la suspension « temporaire » de la candidature de M. Zebari a été décidée pour permettre à la Cour suprême fédérale, plus haute instance judiciaire du pays, de se prononcer sur une plainte déposée par des députés, selon le verdict rendu par le tribunal et publié par l’agence de presse officielle INA.

Les plaignants estiment que M. Zebari ne remplit pas les conditions requises par la Constitution, citant notamment son limogeage en 2016 par le Parlement lorsqu’il était ministre des Finances « en raison d’accusations liées à des faits de corruption financière et administrative ».

La plainte évoque aussi au moins deux autres affaires judiciaires l’impliquant, notamment quand il était chef de la diplomatie irakienne.

M. Zebari, plusieurs fois ministre à Bagdad après la chute de Saddam Hussein, entre 2003 et 2016, serait aussi dans le viseur de la justice pour « abus de pouvoir » en lien avec « des sommes importantes dépensées concernant un bâtiment qui n’appartient pas à l’État ».

Parmi les quelque 25 candidats en lice, M. Zebari faisait partie jusqu’à dimanche des favoris au scrutin présidentiel, tout comme Barham Saleh, le président sortant, issu du parti rival de l’Union démocratique du Kurdistan (UDK).

« Partage du gâteau »

Depuis les premières élections multipartites de 2005, l’usage veut que le poste largement honorifique de président de la République revienne à un Kurde.

Dans les 15 jours suivant son élection, le président de la République doit désigner un premier ministre, choisi par la plus large coalition au Parlement.

Une fois désigné, le premier ministre, traditionnellement chiite, a un mois pour former un gouvernement.  

Mais la suite du processus s’annonce houleuse.

Moqtada Sadr a ainsi affirmé avoir suffisamment de sièges au Parlement pour former un « gouvernement de majorité nationale », espérant rompre avec la tradition du consensus qui permet à tous les grands partis de se partager le pouvoir.

Mais c’est sans compter avec l’Alliance de la Conquête, vitrine politique des anciens paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi, et ses alliés chiites du Cadre de coordination, qui regroupent des partis également pro-iraniens.

Leurs députés ont présenté un recours devant la Cour suprême fédérale pour faire reconnaître que leur coalition est majoritaire.

Une demande retoquée par la plus haute instance constitutionnelle d’Irak, qui a assuré ne pas pouvoir trancher à l’heure actuelle, les blocs parlementaires pouvant changer.

« Personne ne sait être dans l’opposition, tout le monde sait comment se partager le gâteau », remarque auprès de l’AFP le politologue irakien Hamzeh Hadad, voyant se profiler une « coalition élargie ».

Les négociations politiques autour du poste de premier ministre ont été accompagnées de violences.  

Fin janvier trois roquettes sont tombées près de la maison du président du Parlement, Mohammed al-Halboussi. En novembre, le premier ministre Moustafa al-Kazimi a échappé à une tentative d’assassinat.